Bourguiba et l'Islam, le politique et le religieux
Près de dix ans après la parution de sa version originale, en langue arabe, chez Sud Editions, la traduction française (par ailleurs excellente) du livre du journaliste, Lotfi Hajji, « Bourguiba et l’Islam, le politique et le religieux » vient de paraître chez le même éditeur. Une bonne initiative assez rare dans notre pays pour être saluée. Le thème en lui-même est passionnant, connaissant les rapports complexes que Bourguiba entretenait avec la religion musulmane. Franc-maçon, laïque, athée, hérétique. Que n’a-t-on pas dit et écrit sur Bourguiba de son vivant et même après sa mort. Il est vrai que « le plus illustre des Tunisiens » prenait un malin plaisir à entourer d’un flou artistique ses rapports à la religion en lançant parfois des initiatives qui laissaient sans voix ses disciples. L’un d’eux, Habib Bougatfa en était même arrivé à la conclusion qu’il était « un mécréant et un apostat », appelant les militants à « combattre ses idées, comme ils combattraient la colonisation française », tandis que Mohamed Masmoudi, futur ministre des AE et ambassadeur à Paris, voulant avoir le cœur net lui demanda un jour alors qu’ils se rendaient ensemble en Arabie saoudite pour y rencontrer Abdelaziz Al Saoud, s’il était croyant. Réponse de Bourguiba : « De toute façon, Dieu m’admettra dans son paradis ». Masmoudi, peu satisfait de la réponse, reformula sa question : « Croyez-vous en Dieu ». Réponse : « oui, puisque nous nous rendons à la Mecque », laissant sur sa faim son interlocuteur.
Ni Laudateur, ni détracteur, l’auteur essaie, et réussit brillamment dans son entreprise, celle de « démêler les confusions où s’embrouillent les esprits superficiels ». Du code du statut personnel à son attitude vis-à-vis du jeûne en passant par la suppression des tribunaux charaïques, ces mesures de Bourguiba s’inscrivent dans une vision résolument tournée vers l’avenir devant assurer à la Tunisie son entrée dans la modernité dans le respect de son identité arabo-musulmane comme l’atteste l’article premier de sa constitution.
Bourguiba et l’Islam, Lotfi Hajji 290 pages 18 dt Sud Editions –Tunis Mai 2011