PDP : Oui, nous sommes prêts à gouverner !
Je connais depuis longtemps M. Walid Belhaj Amor comme un ingénieur sérieux, un homme instruit et cultivé, ayant le sens de la mesure et du compromis.
Mais quelle lubie lui a pris de lancer, à l’occasion d’une «opinion» publiée sur Leaders le 1/07/2011, tant de salves aussi arbitraires que vipérines? A l’égard des « hommes d’affaires (qui) ne sont pas très appréciés en Tunisie», et de « leur implication en politique (qui) est souvent synonyme de… prise d’intérêts ». Envers Ahmed Néjib Chebbi qui serait un « opportuniste tant décrié par ses adversaires ». A l’encontre de son « entourage actuel (qui) ne fera pas un gouvernement crédible». Envers le programme du PDP qu’il affirme être traité « à coups de mesurettes».
Que trouve-t-il de surprenant ou de répréhensible lorsqu’un responsable politique s’exprime sur l’alternance en démocratie? Sur les risques encourus par un parti exerçant une politique inspirée de la religion? Sur les dangers d’une vacance du pouvoir qui pourrait conduire à un retour de la dictature? Sur sa préférence pour un régime présidentiel avec des pouvoirs régulés du président et du Parlement? Sur le soutien financier de son parti par des hommes d’affaires ou par des contributeurs plus modestes? Sur la justification de l’origine des fonds dont dispose son parti?
A le lire, Mr Belhaj Amor, démocrate déclaré et dirigeant d’entreprise, reproche implicitement à A.N.Chebbi d’être «en faveur de la liberté en toutes choses, en politique comme en économie». Le libéralisme « à la mode anglaise » semble ne pas attirer ses faveurs. Et allez savoir pourquoi il voudrait conduire le Tunisien à opter pour «une approche égalitaire telle que prônée en France, issue directement du gaullisme». Bref, tout ce discours constitue une vraie ratatouille : on ne connaîtra probablement jamais l’avis des Anglais sur ces lumineuses sentences rendues au sujet de leur libéralisme. Pas plus que celui des Français sur leur approche égalitaire et néanmoins gaulliste. Quant aux hommes d’affaires tunisiens, ils apprécieront le procès d’intention...
En expert averti et incisif, il nous assène que « le régime présidentiel est clairement mis en cause par une majorité de nos compatriotes ». Nous accueillons avec intérêt cette inestimable information qui est certainement issue d’une enquête sérieuse menée par ses soins. En analyste chevronné, il nous informe aussi que « ANC ne change pas de discours depuis le 14 Janvier ». Il souhaiterait manifes¬tement que ce dernier modifie constamment ses déclarations au gré des circonstances, afin d’appa¬raître la girouette politique dont rêvent les détracteurs tous azimuts.
Pour lui, « ANC est une énigme politique, il n’est jamais là où on l’attend ». Pour ma part, je constate au contraire qu’il est parmi les rares responsables de partis à parler aussi clairement de ses orientations politiques et économiques, de sa fibre sociale, de son projet constitutionnel, de sa vision de la société. Il est un des seuls à affirmer fortement la nécessité de séparer le politique du religieux. Et il est bien dommage que les laïcs (et non les «laïques» comme écrit dans l’article) n’aient pas compris que cette question relève du combat politique et non pas de la controverse idéologique.
En fait, cet article a tout l’air d’un pamphlet sans argumentation, mêlant pêle-mêle jugements impulsifs, reproches injustifiés et insinuations déplacées. L’auteur s’inquiète (il en est vivement remercié) que ANC « n’arrivera pas à convaincre que le chemin qu’il propose est le bon ». Il s’alarme avec des cris d’orfraie du fait que ANC « est manifes¬tement plus à droite qu’il ne voudrait le dire, et que les militants du PDP ne voudraient le croire ». Il agite comme un roquet que « des convictions ne font pas un programme » et que celui « concocté par le PDP reste très superfi¬ciel et pas assez cohérent ».
Je veux ici le rassurer, lui qui a l’air de connaître le PDP « du dedans » avec ses affirmations péremp¬toires : le programme du PDP est déjà élaboré. Il comporte 120 propositions pour gouverner la Tunisie. Un soixantaine d’experts y ont participé à travers des dizaines de contributions et de débats organisés sur tout le territoire. Les responsables du programme ont écouté les partenaires sociaux, les ouvriers et employés, les agriculteurs et paysans, les hommes d’affaires, les professionnels, les étudiants, les jeunes, les associations… Ce programme traite de 25 domaines qui préoccupent le citoyen tunisien : du modèle économique à la fiscalité, du pouvoir d’achat à la santé, des infrastructures à l’industrie et aux services, de l’agriculture à l’environnement et l’eau, de la diplomatie aux Tunisiens à l’étranger, de la décentralisation au développement régional… Excusez du peu ! Plutôt que d’un « talon d’Achille », il serait plus opportun de parler d’une vraie force de réflexion, d’organisation et de propositions.
Exposées et mises en débat au bureau Politique du PDP, ces propositions font actuellement l’objet d’ajustements avant leur publication.
Contrairement à ce qu’affirme Mr Belhaj Amor dont, soit-dit en passant, le sens politique me sidère, ce sont les convictions des dirigeants et des militants du PDP qui ont constitué les fondements du programme et qui leur ont permis d’avoir « une vision globale et une stratégie cohérente ». Cela dit, l’auteur de l’article a manifestement beaucoup d’empathie à l’égard de ANC et du PDP, tant s’avère évident son intérêt pour l’homme et le parti. Je l’invite donc à une rencontre pour répondre à tous ses désarrois et me ferais aussi un plaisir de lui expliquer sa lecture partielle et erronée du programme fiscal proposé par le PDP.
Je suis convaincu que Mr Belhaj Amor appartient à la famille des démocrates. Espérant avoir apaisé ses inquiétudes sur la profondeur du programme et sur la cohérence de l’équipe du PDP, je voudrais lui dire de faire confiance à Ahmed Nejib Chebbi : il est bel et bien en mesure de constituer d’ores et déjà un gouvernement crédible, capable de prendre en main les affaires du pays.
Taïeb HOUIDI (Responsable du programme du PDP)