Soyons humbles
L’histoire a cette particularité que personne ne peut l’écrire, elle a cette force de se constituer par elle-même.
Notre pays vit une période exceptionnelle et réellement révolutionnaire. Pour la première fois et cela depuis des siècles, nous pratiquons avec bonheur une vie sociétale sans nécessairement disposer d’un Chef (d’État) nous imposant une allégeance sans retenue, ni respectabilité. Observons que notre gouvernance actuelle qui se fait attitrer de cette spécificité de « provisoire » ou « transitoire », ne doit son acceptation consensuelle que grâce à ce franc succès, effectivement perceptible, de la révolution tunisienne de 2011.
Et sans faire dans le pléonasme, cette période « transitoire » ne doit pas s’éterniser ; je dirai même qu’elle n’a que trop duré.
Actuellement, nous nous dirigeons vers l’échéance du 23 octobre 2011 qui constitue assurément la première occasion où le citoyen pourra s’exprimer dans le calme, j’entends par là, ni dans la brutalité et ni dans la furie qui caractérisent les séquences de type révolutionnaire. Ces séquences sont parfois nécessaires même si nous avons tendance à les subir ; mais celles basées sur le débat contradictoire et maitrisé se prévalent du choix démocratique matérialisé en soi par le bulletin de vote. C’est ce dernier qui doit être à la base du lien social d’un pays moderne même lorsqu’on se présume disposé des meilleures facultés intellectuelles de raisonnement et d’analyse. Il y a le temps de la réflexion et de l’analyse, puis le temps du choix et de la décision et enfin le temps de l’action. Et le dosage et le savoir-faire dans tout cela est essentiel comme c’est absolument le cas dans plusieurs domaines, à commencer par la cuisine.
La génération militante de Bourguiba doit être suffisamment sage et généreuse pour accepter de passer le flambeau à cette nouvelle génération de l’internet, de la communication instantanée et du temps (horloge) raccourci, qui évolue plus vite.
Car observons un instant ce qui s’est passé !
Le régime déchu de ben Ali a succédé au régime « sénile » en fin de parcours, nous l’avait-on présenté ainsi et d’ailleurs fait accepter par le même consensus (sic) que cette notion du « provisoire ». La Société civile, institutionnelle et multiculturelle s’en accommodait dans son ensemble et de diverses manières. Il y avait ceux qui soutenaient activement et sans gêne. D’autres essayaient de s’adapter à l’environnement dans un esprit imagé de navigation dans des eaux présentant des évolutions avec diverses fortunes. Et il y avait ceux qui, par leur passivité, se donnaient malgré tout bonne conscience en cas de déroulement de scénarios pressentiments évolutifs mais néanmoins tout aussi antagonistes. Alors, ne nous attardons pas trop sur les proportions relatives à affecter à chacun de ces trois ensembles !
De cette société baignant dans un pareil environnement sans se douter de rien jusqu’au dernier moment, c’est-à-dire fin 2010, ont surgi deux acteurs qui étaient, jusque-là, caractérisés par leur léthargie, absence de perspectives et ostracisme. J’entends par-là, le corps de la jeunesse et le corps de l’armée. Tous les autres n’ont rien vu venir. Ne nous leurrons pas !
Cette jeunesse, on la disait désœuvrée, désarticulée, souvent munie de formations supérieures voire universitaires mais non rémunératrices pour cause de chômage endémique, somme toute peuplant essentiellement les cafés ou les boîtes de nuit.
Quant à notre armée, elle était, en un mot, délaissée, soupçonnée en cela de constituer une menace pour les dirigeants de l’ancien pouvoir.
Et on ne peut pas dire que le régime déchu les a particulièrement privilégiées. En tout cas, il les a tout au moins ignorées.
Or, ce sont justement ces deux composantes de la société tunisienne qui ont eu le privilège historique d’amorcer un processus et d’aboutir à la révolution.
Imaginer un instant ce qui se serait passé si le régime déchu était parvenu à dessiner une pareille analyse et, de ce fait, adopter une posture opérationnelle en réaction à cela.
Seulement voilà, ils étaient trop occupés à toutes autres choses, et ce fût là notre grande chance !
Donc, si l’on veut trouver une morale à tout cela, on pourrait dire que le déni d’une situation ne peut en aucune manière faire l’objet d’une politique, encore moins d’une stratégie.
Car l’on nous suggère actuellement que la période transitoire pourrait se voir prorogée au-delà du 23 octobre 2011, pour s’étaler sur 12 mois encore, et même 18 mois ! Non seulement, notre économie ne pourra se permettre un décrochage de 2 années ½, mais notre lien social ne pourra se passer d’une légitimité démocratique et populaire, bien au-delà de la légitimité révolutionnaire ou de la légitimité par acceptation consensuelle. Pour cela, nous apprécierions que nos dirigeants nous fassent part de leur agenda politique pour mettre fin, d’une manière claire et sans équivoque, à cette pratique du « provisoire » et nous projeter dans le durable.
Nous avons besoin d’une visibilité, nous tous, investisseurs, forces vives nationales, partenaires étrangers, et amis de la Tunisie.
Thameur Choukaïer
Consultant & Expert International.
Otco Consulting Sarl. / Tunis.