Une année sabbatique pour servir les finances tunisiennes
Safia Hachicha et Emna Kallel, les deux transfuges du secteur privé, au cabinet du ministre. Elles sont deux jeunes Tunisiennes, spécialistes en finance, à décider de mettre entre parenthèses une brillante carrière dans de prestigieuses firmes internationales et rejoindre, après la révolution, le cabinet du ministre des finances.
Dès l’arrivée de M. Jalloul Ayed.
Safia Hachicha, formée aux Etats-Unis (Georges Washington et John Hopkins), avait fait ses premières armes chez JP Morgan à New-York, avant de rejoindre Swicorp.
Emna Kallel, IHEC, DEA Finance à Dauphine, parmi les pionnières, aux côtés d’Ahmed Ben Ghazi, du rating en Tunisie et elle le suivra à Axis Capital. Quel est le sens de son engagement? Que font-elles au juste et comment vivent-elles cette expérience ? Interview:
Safia Hachicha : Facebook et la confiance du ministre m’ont portée à la Kasbah
1. Pourquoi avez-vous décidé de vous engager auprès de M. Jaloul Ayed au sein du ministère des Finances ?
J’ai décidé de m’engager auprès de la Tunisie. Et j’ai eu la chance et l’opportunité de le faire au sein du cabinet du ministre des Finances. Le tout grâce à Facebook ! Comme beaucoup de Tunisiennes et de Tunisiens au lendemain de la révolution, je me suis demandé comment je pouvais me rendre utile. Je voulais apporter ma pierre à l’édifice et contribuer de manière concrète à la délicate transition qu’allait traverser notre pays. Avoir une mère militante a beaucoup contribué à développer mon sens du devoir citoyen et mon désir de m’engager. J’ai aussi été inspirée par certains de nos ministres qui avaient eux aussi mis de côté leurs carrières respectives pour répondre à l’appel de la nation en rejoignant le gouvernement de transition. J’ai donc envoyé, à travers Facebook, à des membres du gouvernement que je ne connaissais pas du tout mais qui se trouvaient être sur ce réseau social, une courte biographie soulignant mes domaines d’expertise, qui se trouvent être dans le secteur Financier, en offrant de les mettre au service du pays. Le lendemain, j’ai été contactée par le cabinet du ministre des Finances pour un entretien. C’est ainsi que j’ai à mon tour mis de côté ma carrière en tant que vice-présidente au sein d’un fonds de capital investissement régional, pour rejoindre le cabinet du ministre, et je suis heureuse de pouvoir servir notre pays au sein de son équipe, c’est un homme de conviction et de grande compétence, auprès de qui j’apprends tous les jours.
2. Quelle est la portée, le périmètre de votre mission ?
Il évolue en fonction des besoins du cabinet et de l’actualité, cependant il est fondé sur mon expérience d’une dizaine d’années dans la banque d’affaires et le capital investissement à New York, puis dans la région Afrique du Nord-Moyen-Orient. Les trois grands volets de ma mission sont les suivants :
• La révision du cadre réglementaire du capital investissement, afin de dynamiser ce secteur et faire en sorte qu’il soit un vecteur important de croissance et de création d’emplois.
• La mise en place d’un Fonds générationnel destiné à stimuler l’investissement à l’échelle nationale et à créer de la valeur pour les générations futures.
• L’interaction avec nos vis-à-vis bilatéraux et multilatéraux tels que la Banque mondiale, la Banque européenne d’investissement ou le Fonds monétaire international. J’étais ainsi responsable de la mission du ministre aux assemblées de printemps de la Banque mondiale et du FMI à Washington en avril, et de sa participation au G8 en mai.
3. Comment vivez-vous cette expérience ?
C’est un honneur pour moi que de pouvoir mettre à contribution mes compétences et ma motivation au service de notre pays en une période aussi importante de notre histoire. C’est une expérience inestimable, elle est à la fois formatrice, gratifiante et surtout responsabilisante. Elle permet en effet de prendre conscience de l’importance de l’engagement de tout un chacun. Notre pays, notamment notre administration, a besoin de toutes nos forces vives, de toutes nos compétences, et en particulier de nos jeunes. Je salue d’ailleurs M. Jaloul Ayed pour sa confiance dans les jeunes et leur encouragement. C’est une preuve de grande ouverture d’esprit et un soutien à la méritocratie. Enfin, c’est une expérience qui devrait être plus courante et plus commune. Notre administration est une grande école qui gagnerait à être connue, à se rajeunir et à se diversifier, notamment en puisant dans le secteur privé et la société civile.
Emna Kallel : la microfinance et la finance islamique le valent bien !
1. Pourquoi avez-vous décidé de vous engager auprès de M. Jalloul Ayed au sein du ministère des Finances ?
Ce n’est certainement pas le fruit du hasard! Il a été certes initié par les événements du 14 janvier 2011, mais aussi par la personne de Jaloul Ayed, pour qui j’ai une grande estime.
La Tunisie vit aujourd’hui un contexte historique, des plus forts et des plus intenses, dont dépendra certainement l’avenir de nos enfants. Ainsi, mon engagement relève du sens du devoir et de la responsabilité, et représente plus précisément ma participation dans le changement et la construction de la Tunisie de demain.
2. Quelle est la portée, le périmètre de votre mission ?
J’ai rejoins le ministère des finances pour intervenir essentiellement sur deux sujets: la microfinance et la finance islamique.
La mise en place d’un nouveau cadre règlementaire pour la microfinance fait partie des premières mesures communiquées par M. Jaloul Ayed dans le plan de relance économique. N’oublions pas que les principales raisons qui sont derrière la révolution tunisienne sont le chômage, le faible niveau de vie et un développement inégal entre les régions. La microfinance devrait permettre l’accès pour le plus grand nombre de Tunisiens à des services financiers pérennes et de qualité afin de favoriser leur inclusion économique et sociale et contribuer à un développement harmonieux des régions.
Par ailleurs, la vie au quotidien au ministère des Finances est très riche et très intense, surtout dans les circonstances actuelles. Ainsi, je suis amenée à travailler sur d’autres sujets tout aussi passionnants dont notamment le partenariat public-privé, le PPP, dont le cadre règlementaire devrait être revu.
3. Comment vivez-vous cette expérience ?
Elle est exceptionnelle et je la vis avec beaucoup de passion. Elle me permet de connaître l’administration de l’intérieur, comprendre son fonctionnement et surtout connaître des personnes de qualité. Cette expérience est une des meilleures illustrations d’un partenariat entre le secteur privé et le secteur public.