Faible taux de participation aux inscriptions sur la liste électorale
Sur sept millions de concitoyens en âge de voter seuls un peu plus de un million et demi se sont inscrits à ce jour.
Il y a toujours ceux et celles qui remettent les choses au dernier jour.
Il y a ceux et celles qui n’ont pas vingt dinars pour renouveler leur carte d’identité et que le Ministère de l’intérieur et la Commission chargée de préparer les élections n’ont rien fait pour dépasser ce petit problème pécuniaire.
Il y a ceux qui sont en dehors de la vie politique, qui ne lisent pas les journaux et ne voient pas la TV préoccupés par autre chose.
Il y a aussi ceux qui, par conviction religieuse, estiment l’élection « haram » !
Mais, je crains fort que la majorité ne veuille pas de ces élections et juge, par conséquent, l’inscription inutile.
Il s’agit de ceux et de celles qui en ont fait l’expérience dans le passé et qui vous disent que cela ne mènera à rien de bon. Je resterais là où je suis. Ceux-là ont perdu tout espoir de changement. Ils ont raison. Peu de choses ont changé en réalité. Les événements que nous vivons, à savoir la pénurie d’eau, de lait, de sucre et la hausse vertigineuse des prix justifient leur position.
Des gens avides, sans scrupules, sans morale, sans sens civique, mus uniquement par l’appât du gain facile, se permettent d’acheter des produits alimentaires pour les stocker et les écouler au compte-gouttes au prix fort. L’Etat qui pourrait contrôler les entrepôts frigorifiques et les lieux de stockage semble incapable de prendre les mesures qui s’imposent. Ce n’est que très récemment que l’exportation illégale de lait vers la Libye a été interdite et que le Ministre du commerce nous dit que les transports de bouteilles d’eau seront contrôlés.
Notre pays n’a pas vraiment besoin de ces investisseurs et je m’étonne que l’Etat ne réagisse pas sévèrement contre ces nouveaux « Trabelsi ».
A l’opposé j’éprouve un réel plaisir à écouter et à lire cet investisseur d’une autre trempe qu’est Monsieur Moncef Sellami. Voilà ce qu’il dit et j’abonde dans son sens :
« Le citoyen tunisien a besoin de réaliser concrètement ce que la révolution lui apporte. Il cherche une amélioration de sa vie quotidienne. Il aspire à l’augmentation de son pouvoir d’achat, l’éducation de ses enfants, à un logement décent, la sécurité de l’emploi qui pour les générations à venir nécessite, comme je l’ai indiqué, une valorisation de la culture du travail… une majorité d’électeurs fera son choix essentiellement en fonction d’un programme économique clair et précis. Or, les sondages révèlent que plus de 60 % de l’électorat, à trois mois des élections, n’a pas fait son choix. Il est important que les partis politiques prennent conscience de l’élaboration de leurs programmes économiques respectifs ».
Oui, bon nombre de citoyens ont vu les membres de la Commission pour la sauvegarde des acquis de la révolution se chamailler, suspendre leur participation, voire même quitter cette instance. Ils sont dégoûtés surtout s’ils font la comparaison avec ce qui s’est passé en 1957 et aujourd’hui. Des personnalités de la trempe des Filali, Farès, Slim, Belahouane, Mhiri ça ne court plus les rues.
Ajoutez à cela la pléthore des partis qui déboussolent le futur électeur qui ne parvient pas à faire son choix alors qu’à l’examen on assiste à quatre ou cinq familles politiques.
Les partis qui sont proches politiquement seraient bien inspirés de fusionner, le plus tôt possible, pour faciliter le choix de l’électeur indécis. La Tunisie leur sera reconnaissante pour ce sacrifice et cet acte courageux. Une loi qui prévoira que la fonction de député à la Constituante et au parlement donnera lieu à de simples jetons de présence sera de nature à refroidir l’engouement de certains à créer des partis.
Si les partis et la société civile ne sont pas encore parvenus à laisser de côté, pour un instant, leurs débats politiques, pour se consacrer à ce qu’il y a d'essentiel, à savoir l’avenir économique du pays et la nature du régime politique, que l’Etat alors, en la personne de son Président ou de son Premier Ministre, s’adresse à la Nation pour insuffler une note d’espoir dans le cœur des tunisiens et leur expliquer les risques que le pays court avec ce faible taux de participation aux inscriptions.
Il devra songer, dès à présent, à mettre les garde-fous pour éviter qu’une Constituante non représentative de la volonté populaire entraine le pays vers un avenir incertain.
J’approuve l’idée de demander, par exemple, aux inscrits de se prononce lors des élections sur la nature du régime politique à mettre en place et sur un ensemble de valeurs qui devront figurer dans la future Constitution.
Si l’Etat et la société civile n’arrivent pas à renverser la tendance des inscriptions, d’ici le 14 aout (la nouvelle date-butoir), en intervenant publiquement pour ramener les pendules à l’heure , il est à craindre que le pays va se diriger vers l’inconnu face à une Constituante sans assise véritablement légitime.
Mokhtar Khlifi