Concentrons nos énergies sur les grands chantiers qui nous attendent
Plus ce que six mois se sont écoulés depuis la fuite de Ben Ali. Presque dix semaines nous séparent des élections décisives pour l’avenir de notre pays.
Une énergie extraordinaire anime la société tunisienne, déployée dans la grande confusion. Les sujets et les problèmes à résoudre sont entremêlés et les priorités, très souvent ignorées.
Il est donc nécessaire, de focaliser nos énergies sur les grands chantiers qui nous attendent.
D’abord la Constitution : les partis politiques doivent se prononcer au plus tôt sur le projet de constitution et les moyens de limiter les dérives potentielles dues à la concentration de tous les pouvoirs entre les mains d'une ou d'un groupe restreint de personnes.
Ensuite, il y a plusieurs grands chantiers prioritaires pour la Tunisie dans le court et moyen terme :
1. Lutter contre la corruption
2. Etablir un climat de sécurité sain
3. Formuler et activer un programme d’employabilité durable
4. Concrétiser l’équité régionale et sociale
Lutte contre la corruption
La corruption est à l’ origine de tous nos maux. Cette gangrène dépasse le plan économique et atteint les valeurs sur lesquels notre société est fondée. Le traitement de ce fléau se fera sur plusieurs années.
Etablir un système de gouvernance efficace et transparent pour nos établissements publics et au sein de nos sociétés publiques et privées est primordial mais loin d’être suffisant.
Nous devons attaquer le problème de la corruption en éradiquant toutes ses causes. La détérioration du pouvoir d’achat des employés du service public (administration, corps enseignant, services ds sécurité …etc ) a contribué à créer un climat favorable à l’épanouissement de ce fléau. A titre d’exemple : un instituteur qui a une ancienneté de vingt ans n’a pas les moyens de payer les frais d’études de ses enfants à l’université s’il ne réside pas dans la même ville universitaire que ses enfants. Ceci est valable pour la majorité écrasante des employés et cadres du service public tunisien. La réforme du service public est un chantier urgent et prioritaire, nous devons revaloriser les services publics en termes de salaire, qualité de vie et place dans les sociétés, car ils sont responsables d’une bonne partie de la qualité de vie de chacun de nous.
L’indépendance de la justice est aussi un objectif primordial. Une feuille de route de justice transitionnelle se heurtera sans doute à de grandes difficultés étant donné que le fléau de la corruption a aussi atteint l’appareil judiciaire.
Il est primordial de rétablir la confiance entre le peuple tunisien et les institutions qui lui garantissent sa sécurité. Actuellement nous sommes dans un état de méfiance mutuelle.
Dans l’immédiat, Il faut :
• accélérer sans bâcler les procès des criminels qui ont été les causes des 300 martyrs tunisiens entre Décembre et Janvier.
• établir une feuille de route pour une justice transitionnelle pragmatique pour les forces de l’ordre impliqué dans des abus de droit de l’homme
• transformer le ministère de l’intérieur en un ministère de service citoyen dont l’objectif est de se mettre au service du citoyen et garantir sa sécurité au lieu de le contrôler. Ceci passe par la formation des forces de sécurité dans leur ensemble, en concertation avec la société civile tunisienne.
• accepter que les services d’ordre aient le droit et l’obligation de rétablir l’ordre dans le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
Le rapport de la Fédération Internationale des Ligues de droits de l’homme (juillet 2011) , fournit des recommandations qui pourraient constituer une bon départ pour réformer les forces de sécurité intérieure.
Formuler et activer un programme d’employabilité durable
Le programme de chaque parti politique doit exposer et d’une manière claire :
• Quelle est la politique générale de l’économie ?
• Quel rôle et dans quels proportions les différents outils tels que les grands projets, la micro-finance et/ou les NGO seront capables de créer d’une manière durable des emplois ?
• Quels sont les instruments étatiques nouveaux à créer ou les instruments étatiques anciens à renforcer pour redynamiser l’innovation et la création d’emploi ?
• En aval, quelle réforme de l’appareil de formation pour créer une force de travail efficace et équilibrée ?
Un plan d’action pour concrétiser une équité régionale et sociale
Le programme économique ne peut être durable sans un plan d’action pour concrétiser une équité régionale et sociale. Ce chantier comprend, évidemment, la création de mécanismes d’incitation à l’investissement dans les régions et le plan d’infrastructure nécessaire à son développement. Néanmoins, il doit aussi proposer un système de gouvernance et des mécanismes de prise de décision équilibrés entre les pouvoirs centraux et les pouvoir régionaux voir locaux.
Il est du devoir de tous les partis politiques tunisiens ainsi que de la société civile de préparer des propositions concrètes à mettre sur la table du prochain gouvernement, quel que soit sa composition.
Noomane Fehri