Notes & Docs - 10.08.2011

La révolution économique et sociale après la révolution politique

Il y a plus d’un demi-siècle, notre ambition était de libérer le pays de la colonisation et de restaurer la souveraineté politique de la Tunisie. Mais très vite, nous nous sommes aperçus que la liberté politique, nécessaire pour la libération des énergies, ne pouvait être un but en soi mais qu’elle était le moyen de promouvoir le développement économique et social du pays et de ses habitants. Nous nous trouvons aujourd’hui devant le même problème: nous vivons la libération de la dictature et de ses méfaits et le succès de la révolution est indispensable pour pouvoir relancer le développement économique et le progrès social. La révolution politique et l’instauration d’un régime démocratique doivent être suivies par une révolution économique et sociale comprenant de nombreux aspects:
• lutte contre le chômage et promotion de l’emploi
• Intensification des investissements et de la croissance économique
• Réforme du système éducatif et son harmonisation avec le système économique
• Réforme financière et bancaire pour faire face au besoin de financement des investissements et de la croissance
• Développement des exportations de biens et services pour supprimer le déficit et réduire l’endettement
•Réforme du développement régional et de l’aménagement du territoire
• Enfin réforme de l’Etat et promotion de la société civile
L’expression révolution peut paraître excessive. Elle ne l’est pas. En effet, dans les différents domaines qu’on vient de mentionner, les mesures à prendre et les réformes à introduire sont importantes et exceptionnelles. Elles exigeront du courage, de la persévérance, de l’organisation et de la discipline. La révolution n’est pas la facilité. C’est ce que les développements qui vont suivre tenteront d’expliciter.

I. Le redressement économique: emploi, investissements et croissance économique

1°- Emploi et chômage

Le problème de l’emploi reste préoccupant malgré l’exécution de onze (11) plans de développement depuis le début des années 1960. Il s’est révélé en effet impossible, depuis l’indépendance, de parvenir à la création d’emplois en nombre suffisant pour faire face à la demande additionnelle d’emplois qui atteint actuellement 70 000 à 80 000 emplois nouveaux à créer pour ne pas aggraver le chômage. Notre capacité de création d’emplois a évolué de 13 000 emplois par an durant les années 1960 à environ 40 000 emplois pendant les années 1970 et à 50 à 60 000 emplois en moyenne par an depuis 1980.

Le budget économique pour 2010, dont on ne connaît pas le résultat, a prévu cette année la création de 70 000 emplois, représentant 83% seulement de la demande additionnelle prévue à hauteur de 84 000 emplois. On sait cependant qu’une année auparavant, en 2009, la demande additionnelle évaluée à 88 000 n’a pu être satisfaisante qu’à hauteur de 57 000 emplois créés, soit 65% seulement de la demande additionnelle, augmentant ainsi le stock de chômage de 31 000 sans-emploi.

Il faut donc améliorer notre capacité à créer des emplois au moins à hauteur de la demande additionnelle, soit environ 80 000 emplois par an, pour ne pas aggraver le chômage. De plus et pour résorber le chômage existant sur une période de dix ans, il faut créer 70 000 emplois supplémentaires.

Le total des chômeurs étant estimé à 700 000, sans compter les actifs en semi-chômage vivant d’expédients ou d’emplois saisonniers ou temporaires. On peut estimer que le chômage touche environ un million de personnes.Le problème aurait été aujourd’hui plus grave encore n’était la politique de limitation des naissances qui a baissé le taux de fécondité de 7,5 naissances par femme en âge de procréer au lendemain de l’Indépendance à 2 seulement en 2006. Cette baisse rapide à contribué à diminuer la population de 2,4 millions de personnes à la date de 2004.

Il faut ajouter également que l’immigration a réduit l’acuité du problème, les Tunisiens séjournant à l’étranger étant au nombre d’un million. N’était donc le planning familial et l’immigration, le poids du chômage aurait été aujourd’hui encore plus lourd.

Le second phénomène important réside dans la transformation de la nature du chômage qui concerne désormais principalement les jeunes diplômés de l’enseignement supérieur.

Alors que ces derniers n’étaient que 6000 jeunes en 1994, ils sont aujourd’hui au nombre de deux cent mille (200 000), nombre appelé à augmenter si l’on n’y prend garde, les effectifs universitaires atteignant déjà 370 000 en 2009-2010, représentant 40% de la population âgée de 20 à 24 ans, pourcentage caractéristique des pays développés. Le nombre annuel de diplômés a progressé de 50 000 à 62 000 entre 2005 et 2009.

La situation actuelle de l’emploi et du chômage nous impose donc la création, comme on vient de l’indiquer, de 150 000 emplois par an durant 10 ans pour pouvoir faire face à la totalité de la demande additionnelle (80 000) et ne pas aggraver le chômage et pour résorber le chômage existant (70 000). Est-ce possible ? Comment y parvenir ? Sachant que sur les 150 000 emplois à créer chaque année, il y en a plus de 60 000 qui concernent les nouveaux diplômés de l’enseignement supérieur et 20 000 les anciens diplômés au chômage, le reste, 70 000, concernant les diplômés de l’enseignement secondaire, général ou professionnel ainsi que ceux d’un niveau d’instruction inférieur. Il faut donc créer environ 80 000 emplois (plus de la moitié des 150 000) d’un niveau qualifié destinés aux diplômés de l’enseignement supérieur.

Ce chiffrage a simplement pour objet de mettre en relief la gravité et l’importance du problème qui conditionne l’avenir du pays et sa stabilité. Il nécessite que tout le pays se mobilise pour y faire face : gouvernement, administration, personnel politique, société civile. Pour faire face à ce problème, il y a des mesures à court et moyen terme et des réformes importantes à long terme.

2°- Le traitement à court et moyen terme: investissements et croissance

Pour combattre le chômage, il faut créer des emplois, pour créer des emplois, il faut investir : il n’y a pas de solution miracle. Les emplois ne peuvent se créer tout seuls. Pour investir, il faut des projets dans tous les domaines de l’activité économique et sociale : infrastructure d’abord consistant en routes, ponts, ports, aéroports, barrages, hôpitaux, universités, écoles, terrain de sports, stades, etc.

Cette infrastructure est nécessaire pour permettre aux activités économiques de production de biens et services de fonctionner. Si les projets d’infrastructure incombent principalement à l’Etat et aux autres institutions publiques (communes et régions), les activités économiques doivent revenir principalement aux entreprises, que celles-ci appartiennent au secteur public ou privé.

Si les projets d’infrastructures sont économiquement rentables et parfois également financièrement, les projets de production doivent être rentables pour ne pas disparaître, qu’ils ressortent du secteur public ou du secteur privé. Pour promouvoir les investissements, il faut améliorer substantiellement notre capacité de création de projets dans l’ensemble des secteurs d’activité. Le rythme et le niveau des investissements sont mesurés par leur importance par rapport au PIB : c’est le taux d’investissement. Ce taux a évolué d’une décennie à l’autre. Il atteint son niveau le plus élevé durant la période 1970-1984 et s’est situé à plus de 30% du PIB. Ce niveau n’a plus été que de l’ordre de 23 à 24% durant les vingt dernières années qui ont vu la dictature freiner le rythme des investissements, ce qui explique l’aggravation du chômage affectant les jeunes diplômés devenus de plus en plus nombreux, comme cela a été signalé.

Cette dégradation des investissements s’est traduite par une baisse du taux de croissance économique qui est passé de 7,3% durant les années 1970 à 3,5% de 1980 ou 1989 et qui n’a été que de 5,0% durant les années 1990 et de 4,6% seulement de 2000 à 2009.

Ce double mouvement de baisse qui a affecté le niveau des investissements et le taux de croissance économique s’est finalement traduit par une augmentation du chômage qui va passer de 11% à 15% de la population active et atteindre des niveaux supérieurs au cours des années 2009-2010 et durant les premiers mois de 2011. Au cours de la période des vingt dernières années, la création d’emplois est restée inférieure à la demande additionnelle, la première ne dépassant pas les 60 000 et la seconde évoluant entre 80 000 et 88 000.

Le défi, la révolution consistent donc à atteindre au cours des prochaines années un niveau d’investissement et un taux de croissance susceptibles de nous permettre une création d’emplois à hauteur au moins de la demande additionnelle et permettant si possible une résorption progressive du chômage,

Atteindre un niveau d’investissement et un taux de croissance plus élevés est possible si l’on en juge par les performances réalisées dans le passé puisqu’on a pu atteindre un niveau d’investissement supérieur à 30% du PIB et des taux de croissance économiques de 10% déjà en 1968 et même de 17% en 1972 et de 8% entre 1968 et 1974 .

Il faut dire qu’au cours de ces années, on a multiplié les mesures de nature à promouvoir investissement et croissance : création de l’Agence de promotion de l’industrie, (API), d’agences foncières pour l’aménagement de terrains pour l’investissement telles qu’AFH pour l’habitat, AFI pour l’industrie, AFT pour le tourisme, FOPRODI pour la décentralisation industrielle et le soutien des jeunes promoteurs, développement rural, loi de 1972 pour l’exportation , création de banques de développement, etc. Il faut donc, à l’avenir, pour réaliser des performances comparables, accorder une attention particulière à la création de projets d’investissement dans l’ensemble des domaines de l’activité économique.

Multiplier les organismes spécialisés dans l’identification, l’étude des projets et la recherche de promoteurs, que ce soit dans l’administration , dans les entreprises, dans les universités ,dans les agences spécialisées, dans les gouvernorats, les communes, les ambassades.

Il faut que cette recherche devienne une croisade, un culte, une obsession nationale. On ne doit pas attendre que ces projets nous viennent de l’extérieur. Il faut qu’on aille chercher les promoteurs à l’étranger mais ne pas attendre que ceux-ci viennent nous chercher sur place. Il faut que des missions de recherche de projets soient installés dans tous les pays partenaires, en Europe et partout ailleurs. La mission de nos ambassades doit comprendre par priorité cette mission d’identification de projets et de recherche de promoteurs. On a beaucoup régressé dans ce domaine au cours des dernières années. On a «détruit» les banques de développement, au nombre de six— ce n’est pas rien — que l’on a créées avec beaucoup d’efforts et de peine, nous privant ainsi de moyens qui auraient pu devenir puissants, capables de participer à cette recherche - identification des projets. On a été incapables, faute d’imagination et la routine aidant, à leur trouver des ressources pour qu’elles accomplissent leur mission. Si l’on continue sur cette lancée, il sera impossible de combattre le chômage et de créer des emplois à hauteur des besoins.

Ce n’est en effet qu’au moyen d’un niveau d’investissement de l’ordre de 30 à 40% du PIB et d’un taux de croissance de l’ordre de 10% et ce, durant les 10 prochaines années que l’on peut espérer créer les 150 000 emplois nécessaires pour faire face à la situation et assurer la stabilité du pays et le succès de la révolution et de la démocratie.

II. Réforme de l’éducation et emploi

Le défi de la création de 150.000 emplois par an durant les 10 prochaines années ne peut être relevé que si on envisage une profonde réforme du système éducatif et de ses rapports avec le système économique. Il est nécessaire et urgent de rapprocher et d’intégrer les deux systèmes pour améliorer notre capacité de création de projets, d’investissements , de production et d’emplois. Les deux systèmes se tournent le dos depuis l’indépendance.

Aucune tentative sérieuse de les rapprocher n’a abouti jusqu’ici .Les programmes du système éducatif ne bougent que difficilement et très lentement et se trouvent donc toujours en retard ou en déphasage par rapport aux besoins du système économique, lequel évolue plus rapidement et se trouve soumis aux variations conjoncturelles de toute nature, politique, sociale, nationale, internationale.

Le dialogue entre les deux systèmes doit devenir structurel, institutionnel, permanant et dynamique. On ne peut plus accepter le très faible « rendement » interne du système éducatif. Ce système ressemble aujourd’hui à une vaste usine dont le prestige est d’être trop sélective au point de produire ce qu’on a appelé, par un terme horrible, des «déchets», s’agissant de jeunes aspirant à un avenir meilleur.

Qu’on en juge par un exemple concernant le VII Plan (1987-1992) pour lequel des chiffres existent : le nombre des «déchets» : renvoyés, exclus et ceux ayant interrompu leur scolarité se monte à 237.000 jeunes, alors que celui d’entre eux ayant terminé leur scolarité avec succès n’est que de 193 000. Ce chiffre ne représente que 45% du total des jeunes concernés (237.000 + 193.000 = 430.000). N’importe quelle «entreprise» mettant en jeu d’aussi importants moyens ne peut que tomber en faillite si elle obtient d’aussi médiocres résultats

Que faire ? Il faut examiner les résultats de ce retentissant échec, disons - le nettement et cessons de glorifier les résultats atteints en matière d’éducation en affichant le nombre élevé de ceux qui y accèdent et en minimisant les défauts du système. Il ne faut pas sous-estimer les résultats quantitatifs obtenus depuis l’Indépendance, le mérite en revient à Habib Bourguiba, et c’est une bonne base de départ. Mais il est urgent aujourd’hui de donner la priorité au qualitatif, au résultat, au rendement et à l’efficacité.

Les tentatives de reforme opérées dès le début des années 1970 n’ont pu être poursuivies étant donné l’indifférence de ceux en charge des deux systèmes. En 1972 et 1973, les prévisions du plan indiquaient qu’il faut accueillir 10.000 étudiants dans les mois et les années qui vont venir. L’université n’avait pas les moyens de les accueillir. Il fallait que le plan tire la sonnette d’alarme pour qu’on installe équipements et constructions nécessaires à cet effet. On attendait que les étudiants (qui existent dans le cycle secondaire) arrivent aux portes de l’université pour qu’on envisage de préparer leur accueil ! Et c’est au prix d’un «pressing » exceptionnel et d’une intervention personnelle du chef de l’Etat qu’on a pu décider la création de deux facultés de médecine à Sousse et à Sfax ! Ouf! C’est dire la lourde machine qu’il faut remuer pour avancer.

C’est également au cours de ces premières années de la décennie 1970 qu’on a pris conscience du scandale de l’examen de 6ème qui commandait l’accès à l’enseignement secondaire. Cet examen se traduisait à l’époque par l’élimination de 100 000 jeunes condamnés ainsi à un retour rapide à l’analphabétisme. Ce phénomène ne sera aboli qu’au début des années 1980 par l’institution de l’école de base qui permettait de les sauver de ce retour inacceptable. Et c’est tout, la reforme s’arrêtera là.

Le plan avait proposé que l’on institue après «l’école de base » des collèges de quatre ans destinés précisément à établir un lien structurel entre le système éducatif et le système économique.

Ces collèges devraient accueillir ceux qui ont terminé l’école de base et leur donner une double éducation, à la fois générale et spécialisée. Ils devaient exister dans les différents domaines économiques . On aurait ainsi des collèges spécialisés dans la santé et le tourisme par exemple où la formation pourrait s’appuyer sur les écoles d’application que sont les établissements de santé ou de tourisme.

Comme on aurait pu avoir des collèges scientifiques, techniques, littéraires et autres qui fourniraient également la double formation en utilisant les moyens et installations qui existent dans ces différents domaines. L’enseignement professionnel ne sera plus ainsi le parent pauvre du système éducatif. Il y fait son entrée par la grande porte par le moyen de ces collèges à double vocation. La coordination entre le système éducatif et le système économique se fera par la participation des deux systèmes à l’établissement des programmes à enseigner dans ces collèges et des stages effectués dans les entreprises .

Les élèves de ces collèges pourront accéder à l’université qui sera appelée à s’adapter à la nouvelle situation. Elle doit être libérée de tous les carcans qui pèsent sur elle étant traitée comme une caserne destinées à fournir une formation standardisée et uniforme pour pouvoir «calibrer» les esprits et les comportements souhaités par les régimes autoritaires et les dictatures. L’Université doit devenir un centre de rayonnement et assumer les responsabilités de la création de l’initiative et de la réflexion et ne pas se contenter d’appliquer ce qu’on lui dicte.

Il faut donc prendre quelques mesures précitées pour aller dans ce sens. Il y a lieu d’abord de supprimer « l’orientation» mécanique des jeunes pour l’accession à l’Université. Chaque université doit décider des modalités de son recrutement : examen d’entrée, concours, présentation de dossier. Elle prend ses responsabilités. Le jeune aussi.

Il lui appartient, avec les siens, de décider de son avenir. Il ne pourra plus imputer son échec dans la vie à «l’ordinateur» et au gouvernement. On le « dépersonnalise» en « l’orientant». Il doit pouvoir « s’orienter » tout seul. Alors il aura à coeur de s’informer sur les différentes filières possibles.

Il s’intéressera à son sort. Je me souviens avoir cherché dans la classe de philo à en savoir plus sur l’Ecole nationale d’administration à Paris, contrariant ainsi mon professeur qui voulait que je devienne philosophe comme lui. J’ai continué à m’informer et quelque 6 ans après, je me suis présenté au concours d’entrée, réputé difficile et j’ai réussi. Intéresser le jeune à son sort, c’est éveiller ses facultés, former sa personnalité et son caractère, il trouvera lui-même son emploi et on n’aura pas à s’en occuper.

S’il reste enfermé dans un système sclérosé, il deviendra un citoyen passif qu’on doit prendre en charge pour éviter qu’il se révolte. L’université et l’étudiant deviendront donc plus responsables.

Chaque université et faculté doit décider de ses programmes, de la durée des études, du coût de ces études et les «mettre» sur le marché. Et c’est aux élèves de choisir librement. On n’aura plus de programmes standardisés et figés, des étudiants passifs et des résultats médiocres. Une émulation, voire une concurrence entre universités pour le plus grand profit des bénéficiaires. La diversité des institutions, des programmes permettra à chaque candidat de trouver «chaussure» à son pied.

Il y a bien Harvard et MIT aux Etats-Unis mais il y a aussi de nombreuses autres universités à la portée de ceux qui ne peuvent postuler pour les plus renommées. La reforme du système éducatif et son adaptation au système économique doit porter également sur l’utilisation des langues autres que l’arabe et le français, notamment de la langue anglaise, qui domine le monde en matière économique et financière.

Nos jeunes, notamment ceux qui quittent l’Université, doivent devenir « performants » en anglais pour pouvoir mieux communiquer avec l’extérieur et participer à la scène économique et financière. Penser que dans une entreprise comme la BIAT, que j’ai eu la chance de fonder, il n’y avait qu’un seul cadre performant en anglais sur des centaines totalement illettrés dans ce domaine alors qu’une banque doit communiquer avec les quatre coins du monde.

Je constatais alors avec amertume que ce système bancaire utilisant l’anglais dans d’autres pays africains et arabes était plus avancé que le nôtre. La langue anglaise doit être enseignée très tôt comme langue « véhiculaire » dès le collège et dans les Universités. Sinon, on prendra la responsabilité d’isoler notre jeunesse du monde extérieur ,les Français et les Européens, surtout ceux des pays du nord à la taille réduite, utilisent la langue anglaise couramment. Pourquoi nous devons hésiter tant ?
J’ai fait mes études en arabe et en français et je reconnais mon insuffisance en anglais qui a toujours constitué pour moi un handicap de taille.

Reste le problème du financement du système éducatif. L’actuelle organisation est coûteuse.
Les études ont démontré que le coût moyen d’un élève du secondaire est quatre fois plus élevé que celui de l’élève qui a poursuivi sa scolarité sans redoublement ou interruption et ce coût est trois fois plus élevé dans l’enseignement supérieur. L’inefficacité du système est donc source de gaspillage. L’amélioration du rendement est une source considérable d’économie.

Il faut ajouter que le coût des heures supplémentaires, qui deviennent une pratique courante, provient également de l’insuffisance du rendement du système. Les couches les plus défavorisées ne peuvent supporter ce coût supplémentaire qui ne fait que s’aggraver ayant tendance à prendre un caractère obligatoire et pratiquement imposé aux familles.

Il y a lieu donc de revoir le coût et le financement du système éducatif : grave problème en relation avec la recherche d’une définition du rôle de l’Etat, des charges qu’il doit assumer, des ressources fiscales et autres dont il peut disposer. Problème qu’on aura peut-être l’opportunité d’examiner à une prochaine occasion.

On retiendra donc qu’outre le redressement du niveau de l’investissement et du taux de croissance de l’économie, la lutte contre le chômage et la promotion de l’emploi appellent une réforme profonde du système éducatif et son adaptation aux nécessités du développement économique et social. L’objectif est de former des citoyens actifs et créatifs initiés à la vie économique au cours de leur formation .

A l’heure actuelle, à part quelques cours de comptabilité, l’économie n’est pas enseignée à nos jeunes. Peu d’entre eux sont conscients des enjeux économiques. Rien d’étonnant à ce qu’ils se comportent de manière excessive ou irresponsable. Car on en a fait des assistés. Ils se sentent incapables de «s’autoemployer», l’étude de marché leur paraissant impossible et le financement inaccessible étant donné leur non-formation en matière économique et financière.

Un médecin n’est que médecin, un avocat n’est que juriste, un technicien n’est que technicien. Or tous ces citoyens sont des agents économiques passifs, il faut qu’ils deviennent actifs en prenant conscience des problèmes pour contribuer à leur solution et éviter de s’agiter inutilement.

Outre cette non-formation économique, le débat actuel sur la Constitution, les élections, le mode de scrutin a montré à l’évidence que la formation citoyenne n’existe pas, et que les discussions des spécialistes de la politique leur sont incompréhensibles. Le système éducatif doit donc combler toutes ces lacunes pour que tous les Tunisiens puissent contribuer au combat contre le chômage et pour la création d’emplois. On reviendra dans le prochain numéro de «Leaders » sur les autres sujets énumérés au début et qui sont également en relation avec l’expansion économique et la promotion de l’emploi.

M.M.