Caïd Essebsi : dernière ligne droite, nous résistons et réussirons
Visiblement satisfait de sa rencontre, en préliminaire, mercredi avec les chefs de partis politiques, dont notamment Rached Ghannouchi, Mustapha Ben jaafar et Maya Jeribi, le Premier ministre a abordé jeudi son discours prononcé devant les dirigeants de 105 partis, avec beaucoup d’assurance et de fermeté. S’il n’a pas annoncé de grandes mesures comme certains pouvaient s’y attendre, il a surtout essayé de renforcer le ralliement autour du gouvernement « pour réaliser l’objectif suprême assigné, à savoir l’élection d’une assemblée nationale constituante, dans les meilleures conditions de sécurité et d’indépendance n’autorisant aucun moindre doute sur le verdict des urnes.»
Dernière ligne droite, à 12 jours du début de dépôt, le 1er septembre, des listes candidates, 65 jours des élections, M. Caïd Essebsi affiche patience et détermination. « J’avais eu des problèmes, confie-t-il, avec certains de mes collègues au gouvernement qui, démoralisée par les attaques indûment subies voulaient partir le 24 juillet, mais aujourd’hui, nous formons la meilleure équipe que la Tunisie ai eue depuis le gouvernement de l’Indépendance, et nos sommes tous résolus à réussir l’échéance du 23 octobre. »
Que se passera-t-il juste après ? «Dès la constitution de la nouvelle assemblée, dira le Premier ministre, la mission du gouvernement actuel sera terminée et il devra assurera la passation avec les nouveaux élus de la Nation. Mais, toutes les options restent ouvertes. » Phrase énigmatique, lâchée au passage qui trouvent cependant un autre complément. « Vous savez, certains ne veulent pas de ces élections, et optent pour d’autres formules. Mais, nous nous sommes attachés au rendez-vous du 23 octobre à ce qui en sortira !»
Justice : indépendance, assainissement et célérité
Pour désamorcer la tension qui s’exerce sur la justice, il a annoncé que le gouvernement a renoncé à l’option de tribunaux d’exception, et que des cabinets d’instructions et des chambres auprès des tribunaux seront dédiés spécialement aux instructions et procès concernant le président déchu, son clan et les corrompus. Aussi, et à titre prudentiel, le gouvernement a chargé la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution d’établir la listes des personnes pouvant êtres considérées comme des symboles de l’ancien régime et faire l’objet pour d’action en justice, afin que de mesures préventives soient prises à leur encontre, comme l’interdiction de quitter le territoire.
Quant aux « magistrats corrompus », il s’est élicité de l’initiative de l’AMT d’en établir la liste afin d’engager les actions appropriées, avec à la base une suspension, en attendant la décision des instances disciplinaires. Dans les deux cas, les droits de recours seront garantis.
Sans se laisser faire
Est-ce suffisant pour répondre aux attentes de l’opinion publique ? Près de 45 minutes durant, le Premier ministre se livrera comme à son accoutumée, à un large panorama qu’il commence par le rappel de l’action de son gouvernement et termine par l’engagement à réussir le 23 octobre, avec deux évocations brèves mais significatives des enjeux économiques et de la situation sociale. D’emblée, il n’a pas caché son mécontentement du mauvais procès que certains font à l’action gouvernementale et la remise en cause de sa compétence et de sa détermination à conduire la transition. Il ne pouvait en être plus ulcéré lorsque « ces jugements non-fondés, proviennent d’un grand sage, qui a assumé de hautes fonction au sein de l’Etat à la tête de ministères de souveraineté, et connaît parfaitement la raison d’Etat », faisant directement allusion, mais sans le nommer, à Ahmed Mestiri. « Je ne peux que le regretter, laissera tomber, M. Essebsi.
Arrivé à ces propos, 5 minutes seulement après avoir commencé son discours, le Premier ministre devait subir du milieu de la salle, parmi les rangs des représentants des partis, une injonction lui coupant la parole pour lui demander « plus de transparence et moins de langue de bois ». Là, M. Caïd Essebsi, appréciant très peu ce style irrespectueux des institutions a piqué une véritable colère, sommant son contradicteur de se taire. Et lorsque celui-ci brandit la menace de quitter la salle et boycotter la réunion, le Premier ministre n’a pas hésité à le laisser faire s’il l’entendait.
"Un discours d'étape"
Reprenant le fil de ses idées, et toujours sans la moindre fiche sous la main ou conducteur, il a poursuivi son bilan, assenant au passage ces petites phrases impactantes qu’il sait tirer contre ses adversaires. « Ceux qui estiment que le gouvernement n’a rien fait sont les bienvenus pour nous faire part de leurs propositions et même prendre notre place. » Ou encore « une personne a pu quitter le pays, échappant à la vigilance, mais 22 000 autres avaient illégalement franchi les frontières à destination de Lampedusa, sans que personne ne broche. » Puis : « Nous ne prétendons nullement la perfection, beaucoup de lacunes subsistent, mais nous oeuvrons à les rattraper, sans le moindre complexe. A la limite, vous pouvez considérer notre action comme un moindre, mais en fait, vous devez réaliser toute l’énergie dépensée pour tenir bon, faire éviter un très grand nombre de dérapages ». Avant de rappeler :
« Nous avons suffisamment de patience pour continuer à endurer, car nous tenons à faire aboutir le processus de transition et servir le pays. »
« Un discours d’étape », estiment certains chefs de parti, «une reprise de parole, à mi-ramadhan et à la veille de la grande rentrée politique, économique et sociale », déclarent d’autres, ou « un recadrage de la communication gouvernementale, bien indispensable ». « Nous n’apprenons rien d’exceptionnel, déclare à Leaders, l’un des présents, mais nous comprenons parfaitement que la marge du Premier ministre est bien réduite : désamorcer toute source de tension, renforcer la sécurité et essayer de mobiliser toutes les forces politiques autour du scrutin du 23 octobre, quitte à faire des concessions, mais en préservant l’essentiel.»