Opinions - 23.08.2011

Nul ne détient le monopole de la générosité en Tunisie

Dans le tumulte qui règne actuellement en Tunisie où des partis politiques s’entre-déchirent, d’autres manipulent  l’opinion publique par un double langage récurrent dont nul n’est dupe, où des politiciens se présentent comme les futurs sauveurs du pays et mènent un combat sans merci pour s’emparer du pouvoir, où des citoyens qui, pour  des revendications diverses, descendent dans les rues alimentant ainsi l’anarchie et enfin certains médias qui, au nom de la liberté d’expression, se transforment souvent en instruments de manipulation et de propagande dangereuse; fort heureusement, il y a dans cette atmosphère  de suspicion une flamme d’espoir et d’amour qui s’élève. Cette flamme est allumée par une partie de la jeunesse tunisienne. Des jeunes de 20 à 30 ans issus des classes aisées de la société -qui  eux aussi sont descendus dans les rues le 14 janvier - se sont regroupés pour  créer l’association «Génération liberté» avec pour objectif de mettre toute leur énergie et leurs compétences au service de leur pays en se consacrant essentiellement aux tâches sociales  et surtout de travailler dans l’anonymat en évitant  de tomber dans la cacophonie pseudo-humanitaire orchestrée par certains.

Ce groupe de jeunes agissant dans le cadre de leur association est animé d’une volonté et d’une  détermination qui leur fait honneur. Ils ont ainsi mobilisé tous les moyens dont ils disposent pour récolter des fonds, mettant à contribution leurs parents, des hommes d’affaires, des mécènes pour intervenir dans leur projet d’amélioration de la vie quotidienne des nécessiteux et de ceux dans le besoin. Leur priorité : combattre la misère à tout prix.
Depuis le mois de février, ils ont organisé des campagnes de solidarité, ils ont sillonné la Tunisie profonde en utilisant leurs  propres  moyens pour transporter  des aides en tous genres : alimentaire, vestimentaire... Leur action s’est amplifiée avec la révolution libyenne. Ils se sont consacrés avec du cœur  à en revendre pour acheminer des tonnes de produits aux frontières tuniso-libyennes en prenant en charge eux-mêmes les tâches les plus lourdes et les plus difficiles comme faire la navette entre la capitale et les frontières, monter  la garde devant les supermarchés et les hypermarchés pour solliciter des aides, démarcher les médecins, les pharmaciens pour se procurer des médicaments, organiser des galas pour récolter des fonds, un travail gigantesque entièrement bénévole qui ferait rougir tous ceux qui les considèrent comme des « fils à papa ». Ils ont poussé leur détermination jusqu’à récolter un fonds spécial pour financer l’un des projets de l’association «Madrasati » (mon école) dont le but est de restaurer des écoles de diverses régions du pays et d’y introduire eau et électricité. Ils espèrent le soutien et l’appui du gouvernement pour couronner de succès leur initiative.

A l’occasion du mois de Ramadan, les membres de « Génération liberté » touchés  par le grand nombre de personnes en difficulté ont pris l’engagement  d’assurer tous les soirs et ce pendant 30 jours le boire et le manger  aux nécessiteux et aux sans abris. 

Pour concrétiser leur projet, ils ont loué un restaurant à Bab Souika (quartier populaire du centre ville) qu’ils ont baptisé « Restaurant de la solidarité » lieu où, chaque soir, 150 à 180 repas  sont servis : un menu complet et équilibré « Shour » compris. Le service est assuré par  les membres de l’association eux-mêmes qui se démènent entre tables et cuisine comme s’ils avaient fait cela toute leur vie. Par ailleurs, les bénévoles et autres sympathisants, soutiens de l’association, apportent tous les soirs des gâteries supplémentaires  pour agrémenter  les veillées. Cerise sur le gâteau, après avoir suivi  les émissions de TV, une animation est proposée à ces invités du soir.
 
Ainsi  va la Tunisie entre ses anges et ses démons entre vieille et jeune garde. Jeune garde qui s’appelle  Ahmed, Moez, Ghalia, Sadri, Skander, Farah, Kais, Hanen, Sami…et beaucoup d’autres qui  apportent aujourd’hui  la  preuve que nul ne détient le monopole du cœur et de la générosité. A bon entendeur salut !

Latifa Moussa

(journaliste)