Nul ne détient le monopole de la générosité en Tunisie
Dans le tumulte qui règne actuellement en Tunisie où des partis politiques s’entre-déchirent, d’autres manipulent l’opinion publique par un double langage récurrent dont nul n’est dupe, où des politiciens se présentent comme les futurs sauveurs du pays et mènent un combat sans merci pour s’emparer du pouvoir, où des citoyens qui, pour des revendications diverses, descendent dans les rues alimentant ainsi l’anarchie et enfin certains médias qui, au nom de la liberté d’expression, se transforment souvent en instruments de manipulation et de propagande dangereuse; fort heureusement, il y a dans cette atmosphère de suspicion une flamme d’espoir et d’amour qui s’élève. Cette flamme est allumée par une partie de la jeunesse tunisienne. Des jeunes de 20 à 30 ans issus des classes aisées de la société -qui eux aussi sont descendus dans les rues le 14 janvier - se sont regroupés pour créer l’association «Génération liberté» avec pour objectif de mettre toute leur énergie et leurs compétences au service de leur pays en se consacrant essentiellement aux tâches sociales et surtout de travailler dans l’anonymat en évitant de tomber dans la cacophonie pseudo-humanitaire orchestrée par certains.
Ce groupe de jeunes agissant dans le cadre de leur association est animé d’une volonté et d’une détermination qui leur fait honneur. Ils ont ainsi mobilisé tous les moyens dont ils disposent pour récolter des fonds, mettant à contribution leurs parents, des hommes d’affaires, des mécènes pour intervenir dans leur projet d’amélioration de la vie quotidienne des nécessiteux et de ceux dans le besoin. Leur priorité : combattre la misère à tout prix.
Depuis le mois de février, ils ont organisé des campagnes de solidarité, ils ont sillonné la Tunisie profonde en utilisant leurs propres moyens pour transporter des aides en tous genres : alimentaire, vestimentaire... Leur action s’est amplifiée avec la révolution libyenne. Ils se sont consacrés avec du cœur à en revendre pour acheminer des tonnes de produits aux frontières tuniso-libyennes en prenant en charge eux-mêmes les tâches les plus lourdes et les plus difficiles comme faire la navette entre la capitale et les frontières, monter la garde devant les supermarchés et les hypermarchés pour solliciter des aides, démarcher les médecins, les pharmaciens pour se procurer des médicaments, organiser des galas pour récolter des fonds, un travail gigantesque entièrement bénévole qui ferait rougir tous ceux qui les considèrent comme des « fils à papa ». Ils ont poussé leur détermination jusqu’à récolter un fonds spécial pour financer l’un des projets de l’association «Madrasati » (mon école) dont le but est de restaurer des écoles de diverses régions du pays et d’y introduire eau et électricité. Ils espèrent le soutien et l’appui du gouvernement pour couronner de succès leur initiative.
A l’occasion du mois de Ramadan, les membres de « Génération liberté » touchés par le grand nombre de personnes en difficulté ont pris l’engagement d’assurer tous les soirs et ce pendant 30 jours le boire et le manger aux nécessiteux et aux sans abris.
Pour concrétiser leur projet, ils ont loué un restaurant à Bab Souika (quartier populaire du centre ville) qu’ils ont baptisé « Restaurant de la solidarité » lieu où, chaque soir, 150 à 180 repas sont servis : un menu complet et équilibré « Shour » compris. Le service est assuré par les membres de l’association eux-mêmes qui se démènent entre tables et cuisine comme s’ils avaient fait cela toute leur vie. Par ailleurs, les bénévoles et autres sympathisants, soutiens de l’association, apportent tous les soirs des gâteries supplémentaires pour agrémenter les veillées. Cerise sur le gâteau, après avoir suivi les émissions de TV, une animation est proposée à ces invités du soir.
Ainsi va la Tunisie entre ses anges et ses démons entre vieille et jeune garde. Jeune garde qui s’appelle Ahmed, Moez, Ghalia, Sadri, Skander, Farah, Kais, Hanen, Sami…et beaucoup d’autres qui apportent aujourd’hui la preuve que nul ne détient le monopole du cœur et de la générosité. A bon entendeur salut !
Latifa Moussa
(journaliste)