Traitement des déchets : le retour en arrière ?
Tout l’effort national en matière de traitement des déchets domestiques et industriels et tous les investissements colossaux consentis ces deux dernières décennies risquent de s’effondrer. Le centre de Jradou, principal site pour le Grand Tunis, est à l’arrêt depuis six mois. A l’arrêt, c'est-à-dire inaccessible pour les spécialistes de l’Agence Nationale de Gestion des Déchets (ANGED)et le personnel de l’exploitant, tant pour assurer la maintenance des équipements que pour la supervision de l’état des ordures et déchets y déposés avant le 28 février date de la fermeture et non-encore traités. Pour quelle raison : une vive contestation, sur de multiples registres.
Des riverains qui se plaignent des risques de pollution et de maladie réclament une expertise internationale, d’autres qui revendiquent le droit d’embauche pour leurs progénitures, et des agents d’entreprises de sous-traitance qui sautent sur l’occasion pour revendiquer le droit à l’intégration au sien de l’ANGEd avec titularisation immédiate, etc.
Même phénomène dans d’autres centres de traitement et de transfert, complètement bloqués, ici et là dans l’ensemble du pays. Sans parler de ceux qui prétendent détenir la propriété des terrains sur lesquels ces centres ont été construits.
On sait en effet que la Tunisie comptait en 1990, plus de 450 dépotoirs sauvages, y compris ceux utilisés par certaines municipalités avec toute l’agression qu’on imagine contre l’environnement et les risques pour l’hygiène et la santé. Tous ces sites ont été repris en mains et convertis en 10 grands dépotoirs contrôlés, alignant une capacité de 1.800 000 tonnes par an dont 720 000 tonnes rien que pour le Grand Tunis. Aussi, 18 millions de dinars ont été consacrés à la réhabilitation de certains sites, comme ceux de Henchir Lihoudya, les décharges publiques de Sousse, sur la route de Kairouan, de Monastir ou de Bizerte, à la pêcherie, converties en parcs ou en zones d’aménagement urbain. Plus encore, profitant des arrangements du Protocole de Kyoto sur la limitation des émanations de gaz, la Tunisie a pu générer chaque année plus de 20 millions de dollars en compensation de ses efforts de traitement des déchets et de traitement des gaz. Sans parler des lits d’oueds préservés et de nappe phréatique épargnée.
Tout ce dispositif est en train de s’effondrer. Faute de décharges contrôlées accessibles, les municipalités, mais aussi les entreprises n’ont plus d’autres solutions que de revenir vers les dépotoirs sauvages, polluant lits d’oued et autres sites, compromettant ainsi gravement la protection de la nature et la préservation de l’environnement. Ce qui est encore plus accablant, c’est que personne ne veut entendre raison. Levons les blocus, juste pour permettre la maintenance et le contrôle des déchets stockés, ouvrons les discussions, faisons confiance aux experts, laissons la justice se prononcer sur les droits de propriété : rien n’y passe.
Et, en attendant la solution miracle, ordures et déchets s’accumulent partout, mauvaises odeurs bouchent les nez, gites larvaires se multiplient donnant naissance à mouches et moustique et l’environnement se dégrade. Qui arrêtera les dégâts ?