"Indépendances : parcours d'un scientifique tunisien"
Universitaire, écrivain prolifique à qui on doit notamment « Les poisons du tiers monde », « La Recherche contre le tiers monde » et « la Pollution invisible », pionnier de l’information scientifique dans notre pays, grâce à ses émissions à RTCI sur « le charme discret de science « connu notamment du grand public en Tunisie par «ses tirs à la bazooka » contre les empoisonneurs et les méfaits des pesticides sur les colonnes de « Réalités » et « Le Monde diplomatique ». On croyait tout savoir sur Mohamed Larbi Bouguerra. Le mérite de ce livre à quatre mains écrit en collaboration avec Bertrand Verfaillie (1) est de lever le voile sur des facettes jusque-là inconnues de la personnalité de cet éminent universitaire tunisien.
Un petit livre de 138 pages, bien écrit, et qu’on lit d’une seule traite. Mohamed Larbi Bouguerra revient sur son parcours depuis son enfance à Bizerte, sa ville natale. Il a une pensée émue pour ses parents. Sa mère, Najia, son père, Hamda ; se souvient de « M. Nessim », un propriétaire juif qui aidera son père à monter son petit commerce. A l’école, il vivra au contact de « maîtres exceptionnels ». Déjà, le jeune Larbi montrera des prédispositions pour l’expérimentation scientifique. Ce sera ensuite les années collège, le départ pour Tunis où il s’éveillera à la conscience politique, puis les études supérieures en France. En toile de fond défilent les grands évènements qui ont marqué cette période : la lutte de libération, le retour d’exil de Bourguiba, l’indépendance, l’affaire de Sakiet et bien sûr l’engagement politique de l’auteur , l’UGET, Perspectives, l’AEMNA, puis le retour en Tunisie, le désenchantement , la répression , « la glaciation bourguibienne ». Suit un tableau très sombre de la situation de la recherche pendant les premières années de l'indépendance. Faute de stratégie, les chercheurs sont abandonnés à leur sort. "Utilisez-nous ", ne cessera de répéter M.L.B. Mais il doit se rendre à l'évidence : "la recherche est le cadet des soucis de nos gouvernants ». Sa carrière connaîtra plusieurs avatars : professeur, directeur de l’Institut de la recherche scientifique et technique de Borj Cédria, directeur de l’ITAAUT et enfin directeur de recherches au CNRS en France. Mais il ressentira partout la même frustration, « celle d’être tenu pour quantité négligeable ».
(1) "Indépendances : parcours d'un scientifique tunisien" Mohamed Larbi Bouguerra et Bertrand Verfaillie, éditions Descartes et Cie Paris