Mourou s'en va-t-en guerre contre la publicité politique
« Tout cet argent que des partis politiques dépensent massivement pour se faire connaître et afficher la tronche de leurs dirigeants, aurait dû être consacré à une pédagogie électorale, beaucoup plus utile. Les Tunisiens n’arrivent pas à comprendre les vrais enjeux des élections et s’y perdent totalement. » Les sourcils renfrognés, le regard perçant et le ton élevé, cheikh Abdelfettah Mourou, tête de liste de l’Alliance Indépendante Démocratique dans la circonscription de Tunis 2 n’arrive pas à se retenir. « Ce scrutin, a-t-il poursuivi, lors de la présentation à la presse vendredi des listes de l’Alliance, n’est pas pour exhiber ses biceps et arracher les voix aux autres. Nous ne voulons pas d’élections gagnées à coups de poing et par la puissance de l’argent. Ce ne sont pas les partis qui doivent exercer leur diktat, mais aux électeurs de faire, librement, leurs choix. »
Comme pour détendre un peu l’atmosphère, Mourou raconte comment il a été interpellé hier dans la rue par un sympathisant qui lui a sauté au cou, le congratulant. « Il m’adit : tous les électeurs de Menzel Temime sont en liesse pour vous porter à la Présidence de la République, ce 23 octobre. Vous vous rendez compte de la méprise totale ! Alors qu’ont fait les partis politiques pour expliquer qu’il ne s’agit que d’élections pour une Constituante, détailler son mandat, exposer les différentes options et tracer le processus d’ensemble ? »
En préambule, Slaheddine Jourchi, avait été très clair là-dessus. « Il ne s’agit pas à ce stade, précise-t-il, d’exposer des programmes économiques et sociaux, bien qu’ils soient de la première importance, mais pour le choix des membres de la Constituante, d’exposer les grands principes qui doivent figurer dans la nouvelle Constitution à élaborer ». Pour l’Alliance qui réunit deux partis et des personnalités indépendantes, 12 engagements ont été retenus comme plate-forme commune. Ils portent notamment sur l’indépendance de la décision politique tunisienne souveraine et des valeurs républicaines ancrées dans l’identité arabo-musulmane, la séparation entre les institutions politiques et celles religieuses, les respect des libertés, la fidélité aux dimensions réformatrices, le renforcement des pouvoirs du parlement en réduisant les prérogatives du président de la République, la protection des acquis de la femme, la création d’une instance nationale d’équité et de réconciliation, etc.
Pourquoi cette alliance ?
« Loin de nous, l'idée de minimiser le rôle des partis, affirme Mourou, mais nous avons constaté que le jeune âge de nombre d’entre eux n’a pas offert aux Tunisiens l’encadrement et l’espace qu’ils attendaient, aspirant à voir la Tunisie disposer de formations politiques à même de réaliser de larges majorités et constituer ainsi des forces de stabilisation pluralistes, loin de toute bipolarisation. C’est pourquoi, nous avons voulu y apporter un complément sous forme d’alliance entre jeunes partis et indépendants, pour établir des passerelles, réduire les tensions et rassurer les électeurs ».
Est-ce une tactique destinée à élargir la base sociale d'un grand parti, en l’occurrence Ennhadha, demandent les journalistes ? Mourou est catégorique : « regardez notre parcours et jugez à l’avenir de nos actions et positions. Ne nous faites pas un mauvais procès ».
Et le référendum ?
Pour Slaheddine Jourchi, « maintenant que la Haute Instance s’est prononcée sur l’impossibilité d’organiser un référendum, nous nous adressons aux forces politiques et sociales afin de convenir ensemble, dès-à-présent de ce qui nous engagera au lendemain des élections, un agenda clair et précis qui ne laisse la place à aucun doute. Il s’agit principalement de limiter le mandat de la Constituante à 12 mois au maximum et de définir les modalités de formation du gouvernement, ce qui évitera à la nouvelle assemblée de se transformer en arène de lutte pour le pouvoir et lui permettra de se consacrer à sa mission fondamentale ».
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