La légitimité du consensus peut-elle assurer la transition ?...
Comment rétablir la légitimité pour sortir au plus vite du provisoire qui dure ?
Comment engager le pays dans une règle des trois : normalisation, moralisation et modernisation ?
Comment sécuriser les personnes et les biens (publics et privés) et mettre un terme au règne malsain de l’incivisme, de l’incivilité et de la démesure ?
Comment rétablir la confiance pour protéger, remettre en marche et promouvoir la production et l’investissement ?
Comment se mettre vite au chevet des grands équilibres économiques et financiers et de la balance des paiements sérieusement et structurellement affectés et ébranlés depuis des années déjà par des pratiques spéculatives et/ou mafieuses qui ont détourné l’économie de notre pays de sa vocation d’économie réelle et productive de richesses ?
Ce questionnement, répété à s’en lasser depuis des mois, reste malheureusement actuel ; il est au centre des préoccupations légitimes de tous .
Dans ce contexte il faut cependant faire la part des choses et bien distinguer entre :
1 - des préoccupations en rapport direct avec les objectifs de la révolution (tels que la transition, la Constituante, le retour à la légitimité, etc…) ;
2 - celles engendrées par les dommages collatéraux propres à toute révolution, notamment en termes d’insécurité et de perturbations économiques et sociales, bien que ces effets pervers ne sont pas à attribuer à la seule révolution car ces dérives lui sont bien antérieures et sont à attribuer beaucoup plus à la dictature qui a causé l’inexorable involution de tous les systèmes de valeurs …
Dans l’euphorie de la post révolution nous pensions réellement que la tâche pour répondre à ces préoccupations, bien qu’objectivement difficiles, était à la portée des élites de tous bords, et que cela ne devrait pas poser des problèmes insolubles ni prendre beaucoup de temps… !
Est-ce le moment, alors que le pays est engagé sur la voie d’un processus de transition délicat, de dire que nous nous sommes trompés tant au niveau de la démarche qu’au niveau de l’évaluation…et que les choses ne vont pas dans le sens souhaité ni avec la célérité requise ?!
Nous n’irons pas jusqu’à dire, dès lors que nous sommes en pleine phase de transition et de construction de l’édifice démocratique, que cette révolution est déjà plombée, que la phase actuelle de transition parait longue et à l’issue incertaine ; mais il est indéniable qu’une réelle inquiétude est manifeste chez beaucoup de tunisiens quant à l’état de cette transition et la difficulté de faire jouer la règle du consensus.
La seule décision transitionnelle importante, émanant de la légitimité du consensus, fut l’annonce le 3 mars dernier de l’option de l’élection de la Constituante en tant que première étape pour le retour à la légitimité. Nous pourrions à la limite considérer que l’adoption ce 15 septembre d’une « déclaration du processus de transition » par le G 12 (-1) politique tunisien s’inscrit aussi dans cette recherche louable du consensus …
Mais cette approche consensuelle trouve beaucoup de peine à s’imposer ; et quel que soit le scénario qui marquera les résultats des élections du 23 octobre, il est peu probable que la règle du consensus soit appelée à arbitrer efficacement la situation :
1 - Si l’issue des élections qui devraient se dérouler à la date prévue du 23 octobre donnait une Constituante gouvernable composée de trois ou quatre groupes ou familles politiques qui négocieraient entre elles l’exercice de la nouvelle légitimité… ce serait le meilleur cas de figure ! Et dans ce cas il y a fort à parier que les protagonistes, les alliances post électorales aidant, feraient jouer la règle de la majorité (comme ils l’ont presque toujours fait dans l’Instance Ben Achour) plutôt que celle du consensus !...
2 - Si ces mêmes élections donnaient (le grand nombre des listes en lice et le mode de scrutin aidant) une Constituante mosaïque, ingérable et à la majorité instable, là nous serions dans un scénario catastrophe que l’on n’ose pas imaginer mais qui est loin malheureusement d’être improbable ; et nous serions partis pour des joutes et des surenchères où l’on mettrait des jours et des semaines pour s’accorder sur la place d’une virgule ; et je ne vois vraiment pas comment on pourrait faire valoir et jouer le consensus dans ce genre de situation !...
Trop d’incertitudes, d’atermoiements, de surenchères, de querelles intestines et de conflits internes (sans rapport ou sans commune mesure avec la gravité et l’urgence de la situation du pays) occupent le devant de la scène nationale et désolent les citoyens et les observateurs.
Ils sont souvent le fait des pouvoirs publics (fussent-ils provisoires), des protagonistes politiques, des médias, des centres d’influence (visibles ou occultes) etc.. ; c’est à se demander si tout ce monde là, censé être facilitateur de solutions, ne deviendrait pas en partie un problème !...
En réalité et pour en revenir à notre propos, notamment en termes de feuille de route de l’après 23 octobre, il y a fort à parier que ce serait la règle de la majorité, au lieu de celle du consensus (que nous continuons malgré tout à souhaiter et à privilégier) qui déterminerait cette feuille de route et conditionnerait la transition…
Car une donnée intangible s’impose d’elle-même : c'est la Constituante qui décidera de tout en dernier ressort et en toute légitimité, et cette décision ne pourra émaner que de la majorité qui traduira le rapport des forces tel qu’il sera établi par les urnes d’une part et les alliances pré et surtout post électorales d’autre part .
Il convient donc de ne pas anticiper, encore moins d’hypothéquer les prérogatives de la Constituante et qui doivent rester pleines et entières …
Mais ceci n’interdit pas d’ébaucher dès maintenant des alliances qui devront s’affiner juste après les résultats des élections en vue de constituer la majorité qui gouvernera et la minorité qui s’érigera en contre pouvoir.
On dit que la Tunisie est un pays qui se gouverne au centre ; espérons que cette sagesse perdure…
Nous souhaitons quant à nous cette éventualité, sans préjuger de la préférence populaire qui reste souveraine et sans nous départir d’un positivisme réaliste qui autorise malgré tout des perspectives constructives …
Hamouda Ben Slama