Trente jours décisifs
On n’a plus donc qu’un temps limité pour prendre des décisions importantes pour l’avenir du pays. C’est l’heure du choix.
La première urgence consiste à sortir le pays du « provisoire » et à l’installer dans la durée. Si les élections du 23 octobre prochain ne devaient aboutir qu’à un « gouvernement transitoire » dont le durée serait limitée à quelques mois ou un an, le temps d’établir une nouvelle Constitution et si après cela on doit refaire des élections législatives, et si la nouvelle Constitution l’impose, des élections présidentielles suivies probablement d’élections municipales ou régionales, on ne pourra plus s’occuper des affaires du pays, les esprits étant ailleurs et l’agitation pouvant alors atteindre des sommets. Déjà notre première élection provoque des remous de toutes sortes.
Donc, simplifions. Les élections du 23 octobre doivent et peuvent être à la fois constitutionnelles, pour établir une nouvelle Constitution, législatives pour élaborer la loi, et politiques pour désigner un gouvernement. Ces élections doivent aboutir à une Assemblée nationale, un Parlement qui aura un mandat de quelques années lui permettant, ainsi qu’au gouvernement qu’il désignera, de travailler dans la durée et de s’occuper des problèmes fondamentaux du pays : emploi, éducation, équilibre extérieur, développement régional, établissement de plans et de perspectives pour les dix prochaines années.
Le monde entier attend qu’on s’installe dans la durée pour nous parler. Un nouveau gouvernement « transitoire » n’aura pas l’audience nécessaire auprès de nos partenaires et aussi auprès de nos compatriotes.
Cette stabilisation du pays est nécessaire pour qu’on puisse examiner le résultat souhaitable de ces élections et le moyen de réduire les inconvénients d’une loi électorale qui va se traduire par une Assemblée hétérogène où aucune formation ne peut apparemment prétendre constituer une majorité gouvernementale. Il aurait fallu établir une loi sur les partis politiques, pour éviter la pléthore qui existe aujourd’hui avant d’adopter cette loi électorale qui est à l’origine du grand nombre de partis. Mais elle est là et on doit essayer de réduire ses effets négatifs.
Il est évident que dans la conjoncture actuelle, aussi bien à l’intérieur qu’à l’échelle internationale, la Tunisie ne peut être gouvernée qu’au centre étant donné la modération de la population dans sa majorité qui appelle de ses voeux une évolution réelle vers le progrès sans violence et excès, toute tentative extrême ne pouvant qu’échouer comme la généralisation violente du système coopératif ou l’improvisation irréfléchie de l’union avec la Libye, union souhaitée mais mal conduite étant donné les rivalités au sein du personnel politique. Il en est de même de l’exploitation de la religion à des fins politiques comme au cours des deux dernières décennies.
Il est donc nécessaire que les formations politiques se réclamant du Centre démocratique abordent les élections avec un minimum de rapprochement et de coordination pour constituer aux yeux du corps électoral une alternative crédible. On aurait souhaité que les principales et plus anciennes formations de ce centre démocratique puissent s’unir et former un grand parti du centre qui aurait constitué l’ossature du corps politique et du système de gouvernement. Il faut espérer que cette union puisse intervenir un jour proche. En attendant, et faute d’avoir pu établir des listes communes, ces formations pourraient au moins avoir un projet commun de gouvernement portant sur l’essentiel et déclarer qu’ils s’engagent à gouverner ensemble après le 23 octobre et à réduire leurs divergences et mettre entre parenthèses les questions et les ambitions personnelles que le temps et les circonstances seuls permettront de résoudre. Dans le cas contraire et si la dispersion continue après le 23 octobre, ils seront contraints à opérer des alliances de circonstance.
Ce serait évidemment meilleur si une « union nationale » pouvait voir le jour, basée uniquement sur les intérêts du pays, écartant les désaccords nuisibles et pouvant gouverner le pays efficacement. Mais ce sera difficile, pour ne pas dire impossible à obtenir ou alors ce sera une « fausse » union.
Il reste que les partis qui n’appartiennent pas au centre ont un rôle à jouer dans le gouvernement du pays : celui de l’opposition constructive et respectée sans laquelle le gouvernement risque de céder à la facilité et de prendre de mauvaises décisions.
Donc aujourd’hui, il importe de stabiliser le pays, de réussir les élections et d’obtenir une majorité et un gouvernement pouvant durer suffisamment pour faire face aux problèmes du pays.
Qui fixera cette durée ? Celui qui doit convoquer les électeurs pour le 23 octobre. Il doit leur dire :
• Quel est l’objet de ces élections ?
• Quelle Assemblée doivent-ils élire et quelles sont ses attributions ?
• Quelle est la durée de son mandat ?
C’est le Président « provisoire » qui a déjà lancé une convocation pour le 24 juillet qui n’a pas eu de suite. Celle qu’il doit édicter pour le 23 octobre doit être plus explicite. On ne voit pas qui d’autre pourrait le faire. On ne peut pas dire que l’Assemblée élue sera « souveraine » et décidera de la durée de son mandat : cela n’a pas de sens.
Mansour Moalla