Mustapha Kamel Nabli : Ce qui me préoccupe le plus, c'est comment servir plus et mieux mon pays, à partir de là où je me trouve
Il aura fallu attendre la 120ème minute de son interview, mardi sur Mosaïque FM, pour qu’on lui pose la question tant attendue par tous : nourrit-il l’ambition de devenir le prochain Premier ministre ? Avec son flegme habituel, le gouverneur de la Banque Centrale de Tunisie, M. Mustapha Kamel Nabli, réitère, une fois de plus sa même réponse : « Je n’y pense pas du tout ! Vous savez, ajoute-t-il, en me réveillant le matin, je ne me pose, et ce depuis longtemps, qu’une seule question : que pourrais-je faire, plus et mieux, pour la Tunisie ? Aujourd’hui, en tant que gouverneur de la BCT, ce qui me préoccupe le plus, c’est comment contribuer à trouver les solutions aux problèmes urgents qui se posent au pays : emploi, investissement, développement régional et solidité financière.»
Mais, vous devez avoir des ambitions et vous devez monter en hiérarchie?, le relance Noureddine Ben Nticha. « Cela ne dépend pas de moi et je ne peux rien décider, répond M. Nabli, avec sa sincérité coutumière. Je ne demande ni à rester à mon poste, ni à le quitter. Mon mandat est en cours et ma seule préoccupation, c’est de l’accomplir !» En fait, et il l’a toujours affirmé, M. Mustapha Kamel Nabli a pris l’habitude depuis longtemps de ne se consacrer qu’à son ouvrage, sans jamais se déconcentrer ou regarder ailleurs, ni se demander où il peut aller ou encore, où il serait le mieux.
Répondant aux autres questions, économiques, de Boubaker Akacha et Noureddine Ben Nticha, le gouverneur de la Banque Centrale a affirmé que l’essentiel pour les Tunisiens est de reprendre le travail et de s’y investir à 150%, seul moyen de renouer avec la croissance. « Nous revenons de loin, dit-il et les tout premiers mois après le déclenchement de la révolution ont suscité de fortes craintes, mais la situation économique commence à s’améliorer depuis avril dernier et nous pouvons dire qu’à partir de juillet, nous avons quitté la zone des fortes turbulences et de grands dangers. En suivant de très près la situation, j’ai toujours essayé d’anticiper ce qui pourrait advenir, en analysant tous les scénarii possibles, surtout ceux qu’on devait craindre le plus. Nous aboutissons aujourd’hui à des indicateurs acceptables, mêmes s’ils ne sont pas satisfaisants, et nous œuvrons pour le retour à la normale. L’année 2011 sera une année blanche, avec un taux de croissance plus ou moins proche du zéro. Les dégâts sont réduits, mais ce taux signifie qu’on n’arrive pas à créer des emplois. Seul le secteur public a pu engager des recrutements alors que le privé n’y parvient pas. Le commerce extérieur nous offre de bons indicateurs, surtout pour les industries manufacturières, et malgré la crise en Europe, et nous devons persévérer dans cette voie. Dans l’ensemble, la situation est meilleure, moins tendue. Là où ca ne va pas, c’est cette grande hésitation de l’investissement, tant tunisien qu’étranger»
Comment les observateurs étrangers apprécient-ils la situation en Tunisie ? « Ils relèvent les efforts pour la stabilisation économique, mais demeurent dans l’attente de la stabilisation, politique, répond-il. »
L’endettement de la Tunisie, surtout depuis le début de l’année pose-t-il problème ? « Il est maintenu, par le gouvernement de transition, au même niveau que celui d’avant le 14 janvier. A ce sujet, il convient de se poser la question cruciale : pourquoi s’en priver alors que nous le maintenons dans des ratios tout-à-fait raisonnables et que nous devons investir pour créer des emplois ? Maintenant, c’est le futur gouvernement, fondé sur sa crédibilité et sa légitimité de décider, qui sera le plus habilité à décider d’augmenter ou de réduire notre endettement. L’essentiel, c’est de permettre au pays de créer de la valeur et d’y employer utilement toutes ses potentialités, à commencer par ses ressources humaines. Le pays a beaucoup investi dans l’éducation et la formation et ce serait un gâchis énorme que de ne pas pouvoir créer des emplois et permettre à ces jeunes de contribuer au développement. »
Les programmes économiques et sociaux des différents partis se ressemblent dans leur majorité et épousent les schémas préparés par le gouvernement ? « Ce n’est pas sorcier, explique M. Nabli. Nous partons tous des mêmes diagnostics et aboutissons, à quelques nuances près, aux mêmes solutions. Mais, chacun, selon sa démarche. Il y a cependant beaucoup de convergence. »
Quelles sont les grands préalables pour la stabilisation de la Tunisie et la relance économique ? « D’abord, estime le gouverneur de la Banque Centrale, une clarification totale de la feuille de route pour le cheminement politique, après le 23 octobre. Ensuite, une vision économique bien définie et stable, ne prêtant ni à équivoque, ni à une remise en question. Et, enfin, une bonne gouvernance. Dans cette perspective économique, ajoute-t-il, le secteur privé devra constituer un pilier central pour la création de la valeur, sans pouvoir se suffire à lui seul. L’Etat doit continuer à jouer pleinement son rôle, mais en tant que mobilisateur, facilitateur et régulateur.»
La fusion de grandes banques publiques sera-t-elle réalisée ? « Le plus urgent, indique M. Nabli, c’est de préserver les acquis et de renforcer les structures actuelles. Certaines en ont grand besoin. La recherche d’une taille plus grande pour les banques publiques s’inscrit dans un objectif de réduction des coûts et d’accroissement de l’efficience. Je ne veux pas revenir sur les motivations des décisions qui avaient été prises auparavant, c’est gênant de rentrer dans ces détails, mais j’estime que nous devons chercher l’efficacité. La question est à l’étude. »