Opinions - 05.10.2011

Le mauvais exemple !

A moins d'un mois des élections de la constituante, les citoyens tunisiens, où qu'ils se trouvent  tentent de trouver une réponse à une question existentielle "Pour qui voter?" J'aimerais pour ma part reformuler la question en remplaçant le 'qui' par 'quoi' .  En effet, si on se penche réellemment sur nos vrais  besoins , ils devient évident que le "pour quoi voter?" devient plus important que le 'pour qui voter?' 

En ce qui me concerne , j'ai toujours orienté mes choix vers un programme, des idées, des projets, reléguant au deuxième plan   les personnes, les partis, les groupes. L'inquiétude de l'émergence d'une nouvelle classe politique qui prendrait le pays en ôtage en bâclant notre constitution m'a  poussé à me diriger naturellement vers les indépendants, la société civile . J'ai été fidèle à cette démarche depuis des mois.

 Mais quelle ne fut ma surprise lorsque j'ai  réalisé  qu'il y avait  un quasi consensus sur le type de régime, le découpage du pays, les réformes institutionnelles. Quelle que  soit la nature des candidats , ils sont  tous pour un régime semi-présidentiel , mixte .  Du CPR à Ettakattol, de Ettajdid (PDM) à  Moubadara en passant par le  PDP et Afek, ils ont tous opté pour ce type de régime. Ils ont même été rejoints par les indépendants qui,  pour leur part,  ont déjà rédigé de pseudo-constitutions :  je pense  au Regroupement Dostourna (notre constitution) ou au Professeur Sadok  Belaid.

 Pourquoi  donc  penchent - ils tous vers ce type de régime?   Il ne faut  pas chercher très loin pour comprendre que ceci  n'est qu'une banale  copie  de ce qui se passe chez notre  voisin d'en haut , notre cher ancien  protecteur  , la France. En effet,  ce  régime  décrit dans les programmes n'est rien d'autre que la Vème république française. J'invite les sceptiques à s'informer sur le lien suivant expliquant les différents types de  régime: .

http://www.vie-publique.fr/decouverte-institutions/institutions/approfondissements/differents-types-regimes-politiques.html

Nous sommes en passe de répéter l'erreur de 1956-59 en ne voulant pas regarder les choses en face et en ne faisant pas notre révolution constitutionnelle.

Il est évident et trivial qu'une république qui se veut moderne se doit d'être parlementaire. Un parlement bicaméral est la garantie d'un équilibre entre les pouvoirs. On a toujours cherché les mauvais exemples tel  l'Italie pour dénigrer le régime parlementaire. Je préfère quant à moi citer la  Grande Bretagne,  la  Suisse,  la  Turquie ,  l'Allemagne.

Pourquoi devons-nous nous en remettre à un homme providentiel qui accaparerait tous les pouvoirs ? N'avons nous pas assez apres deux dictatures qui nous ont plombé pendant un demi siecle?  Deux présidents-dicateurs  régnant  en despotes absolus depuis le palais de Carthage sur un peuple opprimé?

Je suis pour l'abolition pure et simple de la fonction de président, même si je dois pour cela m'associer au diable nahdhaouiste. Cela dit , Ennahdha propose un régime parlementaire avec un parlement monocameral qui n'est pas adapté aux volontés d'émancipation des régions. Je suis déçu que tous les autres se résignent a nous rabâcher la constitution française ,  à  nous faire avaler une pseudo-Vème république française. Voilà le drame !   

La France  a généré des clans politiques qui sont la source des difficultés auxquelles se trouvent confrontés les francais, ajourd'hui. De Giscard d'Estaing à Sarkozy, les dérives ont été nombreuses , l'histoire l'a montré et l'actualité le confirme. Le régime mixte est un échec annoncé.  Et malgré cette bérézina, la Tunisie semble avoir un leitmotiv, un slogan fédérateur: le régime mixte et hyprocritement décentralisé à la française.

 Sur les régions , tous les candidats cités plus haut prônent des conseils régionaux élus qui seraient garants de l'autonomie des régions :  que de belles paroles! Je rappelle que ceci existe aussi en France et les  présidents de régions ont un pouvoir limité comparé aux préfets.

 Nos chers candidats oublient de dire qu'il y aura toujours des gouverneurs, nommés par le gouvernement pour veiller à  l'application des lois nationales dans les  régions. Le seul remède à cela est une vraie autonomie :  le fédéralisme,  Il n'y pas de meilleur antidote à la sclérose centraliste  que le fédéralisme.

Il y a tant d'idées modernes qui peuvent être appliquées  à notre jeune république libre; malheureusement,  la classe politique ne suit pas. Il est dommage  de voir nos jeunes tunisiens inconscients de leur futur malheur.  On refait l'erreur de 1957-59 avec des constitutionalistes aveuglés,  qui ont pour seule lumière leur ancien  "protecteur" .

Notre ancienne  constitution avait été écrite à la Sorbonne ;  l'histoire ne fait que se répéter à mon grand désespoir.

J'aimerais pour finir ajouter que la Tunisie n'a  en réalité jamais eu de constitution, car celle de 59 n'a jamais pu être appliquée. Et un texte inapplicable ne vaut rien!  Il n'a été qu'un brouillon durant 53 ans.

C'est pourquoi je lance un appel pour faire pression sur tous les candidats afin qu'ils changent leurs idées et pensent  au régime parlementaire. D'ailleurs, ne trouvant mes idées nulle part dans les partis ou chez les indépendants , je sortirai dans les jours qui suivent mon propre programme constitutionnel. 

 Je ne suis pas candidat mais mes idées le sont.

Slim Gharbi
Ingénieur