Responsabilité sociétale des entreprises : vers une révolution tranquille des organisations
La révolution tunisienne fût avant tout une révolution sociale, une révolution de prise de conscience, de demande d’équité et de retour aux valeurs vraies. Dorénavant, l’Homme doit être au centre de tout programme de développement et des investissements à mener. Les visions court-termistes ont montré leurs limites et l’heure est venue pour adopter une démarche durable et surtout responsable.
Depuis plusieurs années maintenant, la notion de développement durable s’est introduite dans nos sociétés relevant le plus souvent d’un enjeu de communication, d’innovation ou de création de valeur. Aujourd’hui, elle s’inscrit au cœur des stratégies d’entreprises désireuses d’affirmer une volonté forte de marquer l’engagement des directions vers leur propre responsabilité sociale et sociétale.
La responsabilité sociétale des entreprises (ou RSE) est la responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et de ses activités sur la société et sur l’environnement, se traduisant par un comportement transparent et éthique de l’entreprise. Elle a pour vocation d’aider les entreprises à contribuer au développement durable de leur organisation.
Issue d’un consensus international, la norme ISO 26000, publiée fin 2010, présente les lignes directrices pour tout type d’organisation, quelles que soient leur taille et leur localisation, intéressée par l’intégration et la mise en œuvre des principes de développement durable dans ses activités et ses relations. La norme aborde 7 questions essentielles de la responsabilité sociétale : la gouvernance de l’entreprise ; les droits de l’Homme ; les relations et conditions de travail ; l’environnement ; la loyauté des pratiques ; les questions relatives aux consommateurs ; les communautés et le développement local.
Dans la pratique, la RSE peut être perçue comme un ensemble de changements imposés, en total dissociation avec les besoins de résultats à court terme. Or, la démarche s’intègre complètement dans la stratégie de l’entreprise dans une optique d’amélioration de performance. « La performance financière est un impératif (…), mais les entreprises performantes ont compris qu’en sus des critères financiers, il était nécessaire, voire plus rentable d’avoir une démarche sociale et sociétale » explique Berto Taïeb, fondateur de l’agence GOODSHAPE, spécialisée dans la communication responsable des entreprises. Pour Anne-Typhaine GRUAT, consultante au sein de l’agence, « c’est un moyen, pas un frein ». Toujours selon elle, la RSE implique une appropriation réelle de la démarche par l’entreprise au-delà de simples actions réalisées ponctuellement ou suite à une situation de crise sociale, environnementale ou économique.
Les avantages liés à la mise en place d’une telle démarche pour l’entreprise concernent donc tant la réduction des coûts, la prévention des risques (économiques, financiers, juridiques, sociaux ou écologiques), l’innovation par l’augmentation de la qualité, du service et de la valeur ajoutée que l’amélioration de la réputation de l’organisation et de sa performance économique et financière. Jean-Thierry Winstel, dirigeant-fondateur de BIOVIVA DEVELOPPEMENT DURABLE explique que « Bien comprise et intégrée, la RSE favorise réellement la performance globale de l’entreprise, à la fois sur le plan économique (réduction des surconsommations, accès à de nouveaux marchés plus responsables…), environnemental (réduction de notre empreinte écologique) et social (amélioration de la qualité de vie au travail, intégration des parties prenantes locales…). » Selon lui, la condition sine qua non de cette réussite passe par une profonde réflexion personnelle et stratégique des dirigeants de l’entreprise.
Un analyste en Investissement Socialement Responsable va plus loin en intégrant la dimension réglementaire à la responsabilité sociétale des entreprises : « Toute entreprise se doit de respecter son environnement, ses collaborateurs, et l'ensemble des parties prenants à son activité. Afin que l'ensemble des interactions d'une entreprise soient au mieux positives, et au minimum neutres, il est impératif que les réglementations se renforcent. Il est en effet nécessaire d'obliger certaines entreprises encore réticentes à agir positivement sur leur milieu. » Par ailleurs, il précise que cette obligation ne doit pas concerner uniquement les grandes entreprises, mais également les PME présentes dans la chaîne de production, du fournisseur au distributeur.
A l’heure actuelle en Tunisie, aucun texte n’incite les entreprises à s’engager dans cette voie et peu de sociétés ont franchi le cap de la RSE. Seules quelques grandes entreprises ont déjà intégré des mesures sociales notamment en faveur de leurs employés. A titre d’exemple, la BIAT a inscrit dans son statut la création d’un fonds social pour lequel 10% des bénéfices doivent être consacrés au personnel de la banque. Plusieurs organisations favorisent également la promotion de la RSE et encouragent les entreprises tunisiennes à l’appliquer. Le 14 juin dernier, à Tunis, l’Institut National de la Normalisation et de la Propriété Industrielle (INNORPI) a organisé en collaboration avec l’Organisation Internationale de la Normalisation (ISO) et l’Agence Suédoise de Développement et de la Coopération Internationale (SIDA), un séminaire portant sur la norme ISO 26000 et la responsabilité sociétale de l’organisation. Cette manifestation avait pour objectif de « sensibiliser toutes les parties concernées (administration, industriels, consommateurs, travailleurs, ONG…) de l’importance de la responsabilité sociétale afin de parvenir à une meilleure gouvernance et assurer le développement durable. »
Dans un contexte national où la situation économique est jugée préoccupante, les entreprises tunisiennes sont de plus en plus amenées à resituer l’humain au cœur du développement. La demande sociale est telle que désormais, pour les grandes entreprises comme pour les PME/PMI, la question de la RSE se pose, pouvant influencer positivement et directement sur la performance et la rentabilité de l’organisation à court et moyen termes.
Jessica KUZNIAK et Wassim DAOUD
jessica@eco-presence.com, wassim@eco-presence.com
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