Qui veut transférer les blessés libyens traités en Tunisie, en Europe ?
Le monde entier qui a admiré la solidarité du peuple tunisien à l’égard de nos frères libyens aura-t-il la même haute idée de la prise en charge des blessés libyens par nos cliniques ? Examinons d’abord les faits. C’est un prix très fort que paye le peuple libyen pour s’affranchir du régime de Kadhafi, les affrontements ayant fait pas moins de 30 000 morts et 50 000 blessés. Un grand nombre, parmi ces blessés, ont été évacués sur la Tunisie où 70 cliniques ont assuré leur prise en charge, en appui à des formations hospitalières publiques. L’ensemble de la facture s’est élevé jusque-là à 18 MD et des retards de paiement, compréhensibles, ont été enregistrés, mettant certaines cliniques à rude épreuve.
A présent, la situation se débloque. Une première enveloppe de 10 MD vient d’être allouée pour procéder aux règlements. Voilà donc, pour les finances, mais, la question la plus importante est ailleurs. Sans nul doute, les équipes médicales tunisiennes, ainsi que les paramédicaux et le personnel des cliniques tunisiennes se dévouent avec compétence et fraternité au chevet des patients libyens, entourant également leurs familles de beaucoup d’attention. Tous comprennent leur situation si délicate, tiennent compte des spécificités de cette clientèle et essayent de faire de leur mieux. Evidemment, des insatisfactions sont inévitables : les patients souffrent le martyre et leurs familles, bien affectées, attendent impatiemment leur guérison.
Parfois, les voies de l’espoir ne sont pas toutes ouvertes et c’est là que s’engouffrent les intermédiaires, pas toujours désintéressés, pour recommander une évacuation sur l’Europe. Au grand bonheur de certains, 1 milliard de dollars américains, prélevés sur les avoirs libyens gelés par la résolution 1973 du Conseil de Sécurité, sont d’ores et déjà alloués pour le soin des blessés dans cinq pays européens. Il s’agit de la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne et le Royaume Uni. Des commissions médicales libyennes ont été constituées pour examiner les dossiers des blessés actuellement traités en Tunisie afin de se prononcer sur les cas prioritaires. Selon M. Abdelhafidh Ghouka, vice-président du Conseil national de transition libyen (CNT), qui, d’ailleurs ne tarit pas d’éloges sur la prise en charge médicale tunisienne, plusieurs dizaines seront orientés vers l’Europe.
Plusieurs questions se posent à ce niveau : nos cliniques et équipes sont-elles incapables de traiter tous ces cas ? Certes, des complications extrêmes exigeraient, selon les diagnostics, une prise en charge dans des unités ultra-spécialisées en Europe. Mais, il faut reconnaître que nous avons manqué de réactivité. Au vu des difficultés d’obtention des visas pour les patients et leurs familles, des coûts élevés de soins et de séjour et aux barrières linguistiques, nous aurions dû redoubler d'efforts pour assurer la prise en charge en Tunisie du plus grand nombre possible dans nos unités, quitte à faire appel, en cas d’extrême besoin, des spécialistes étrangers en renfort.
Certains vont jusqu’à dire, que de concert avec les autorités libyennes, on aurait pu envisager la mise en place d’un dispositif opérationnel renforcé, se doter d’équipements complémentaires, si nécessaires et offrir les meilleurs soins possibles. Il n’est certainement pas trop tard pour y procéder. La solidarité tuniso-libyenne, unanimement saluée, doit se poursuivre et se renforcer, sur tous les plans, notamment, celui de la santé. D'ailleurs, toutes les parties y trouveraient leur compte. Le gouvernement libyen ferait des économies substantielles qui vont du simple au décuple, les blessés bénéficieront de la proximité géographique et d'un environnement humain qui leur est familier, ce qui est loin d'être négligeable quand on sait l'importance du facteur psychologique dans de tels cas et nos cliniques pourront fonctionner à plein régime.