Soyons clair…
Le monde entier se souvient de la Révolution Française, 1789, parce qu’elle a aboli la monarchie et installé la république et la démocratie. Et surtout les Droits de l’Homme devenus valeurs universelles. Mais l’on ne se souvient pas de la Révolution américaine de 1776 qui a, en réalité, inspiré les Français. Cependant, il ne faut pas oublier que les Américains eux-mêmes ont été influencés en premier lieu par le Siècle des Lumières français et ses philosophes, Voltaire, Montesquieu, Rousseau dont le Contrat Social, à tendance romantique, a été une véritable source des théories démocratiques. Thomas Paine était le lien fondamental entre la Révolution américaine et la française.
À notre époque, on constate même dans les pays occidentaux que le rôle de la femme est toujours subordonné à celui de l’homme. Quand on pense que même pour le Président américain Barack Obama, tout le monde sait que son épouse Michelle est nettement plus populaire que son époux. De même Hillary Clinton, qui est nettement reconnue comme « plus intelligente » que Bill.
Tout le monde sait que la Tunisie moderne a misé sur deux dimensions essentielles : l’Éducation et le Code du Statut Personnel. Les prérogatives et les droits de celle-ci ont été dûment inscrits dans la Constitution du pays. Il y a eu au début de la Révolution du 14 janvier 2011 une tentative d’instaurer l’égalité/ parité femme/ homme, l’un des facteurs essentiels à ajouter aux acquis de la condition féminine tunisienne. Il est regrettable que, dans les discussions récentes, les partis politiques, et plus particulièrement les Islamistes, veulent plutôt une régression au lieu d’une progression.
Revenir en arrière pour ne pas dire à l’obscurantisme, et abandonner ce qui a été conquis de haute lutte sera absolument catastrophique. Progresser et améliorer le Statut de la femme en établissant l’égalité et la parité avec l’homme pourrait donner à la Tunisie la même dimension universelle, sinon mieux, que les Droits de l’Homme ou, comme disent les Québécois, les Droits de la Personne.
C’est peut-être un rêve ! Un idéal ! Et pourquoi pas ?
La Révolution tunisienne est un jalon historique pour presque le monde entier. Elle marque le fait que tout gouvernement totalitaire ou démocratique ne peut plus gouverner avec impunité. Un jour ou l’autre, il devra rendre des comptes ! Voir la Révolution de l’Égypte, le Yémen, Bahreïn, la Libye, la Syrie… mais aussi celle des « indignés » d’Espagne, d’Italie… Le jasmin et sa révolution ont été pris comme symbole en Chine !
Nous devons cette Révolution aux jeunes cybernautes qui ont su rallier toutes les couches sociales du pays. Mais avant cela, il a fallu tant de sacrifices humains et matériels pour atteindre ce point de non-retour. Élan splendide, révolutionnaire, pacifique, auquel nous avons tous cru, car il marquait un changement spontané et inattendu des mentalités cloîtrées dans un silence coupable. La parole était bâillonnée, n’osant pas lever le nez ni de ses consonnes, ni de ses voyelles. Après la Révolution elle s’est déchaînée à tel point que l’on ne pouvait plus s’entendre parler. Logorrhée, cacophonie ! La liberté d’expression subitement accaparée par les partis politiques qui n’en finissent pas de se concurrencer dans une course effrénée pour acquérir le pouvoir.
Dans notre passé nous avons eu deux Présidents :
Habib Bourguiba : dictateur plus ou moins éclairé. Égocentrique, mégalomane,
en fin de compte, honnête, qui n’a rien pris des deniers publics. Il est décédé dans la maison de ses parents.
Zine - el Abidine Ben Ali : dictateur, voyou, inculte, revanchard, sans scrupule, mafieux et roublard, a dévalisé les Tunisiens, tout en spoliant l’héritage et le patrimoine mondial. Il a fini par fuir comme un voleur, lâche et crapuleux, se réfugier dans un pays se glorifiant de posséder les lieux sacrés de l’Islam, et qui refuse de l’extrader !
Ce rappel historique n’a pour but que pour rappeler la concentration de pouvoir dans les mains d’une seule personne. Plus de ce dicton mondial : « Le roi est mort, vive le roi ! » Plus de Père, fût-il Père de la Nation. Comme nous l’avons vu, toute figure paternelle infantilise et brime ses enfants. Le peuple tunisien s’est montré adulte en renversant le despote subjuguant toute la nation.
Durant la période trouble des gouvernements transitoires, plusieurs dangers menacent la sécurité et la stabilité. Trop de confusions et de manque de communications claires et distinctes ! Des idéologies surgissent comme herbes folles après la pluie, ce qui bafoue la raison et les acquis positifs de la Constitution. D’innombrables partis, plus d’une centaine, essaient d’avancer leurs programmes flous et ambigus pour l’obtention de voix alors qu’on ne prévoit jusqu’à présent pas plus de 2 à 3 millions et demi d’électeurs. Les partis politiques sont un mal nécessaire pour toute démocratie, mais leur profusion ne peut mener qu’aux débâcles. Certains partis très structurés, comme les partis religieux, s’associent à d’autres sur tout l’éventail/ l’échiquier politique de la gauche au centre à la droite. Les chiffres sont ahurissants : « 11 333 Candidats en 1570 listes dans 33 circonscriptions dont 6 à l’étranger à se disputer 217 sièges de l’Assemblée nationale qui sera élue le 23 octobre 2011, »
De très grands intellectuels et penseurs ont fait entendre leurs voix, clarifiant les enjeux à tous les points de vue.
Je vous recommande vivement le positionnement sur l’Islam de :
Si Mohamed Talbi, son livre Goulag et Démocratie. Le grand penseur historien et islamologue n’hésite pas à déclarer dans une interview de La Presse, « L’Islam est laïcité, démocratie et liberté. »
Pour l’économie : voir le livre «De l’Indépendance à la Révolution», et les articles de Si Mansour Moalla, les articles de Si Rachid Sfar. Articles publiés dans Leaders.com
Pour être clair et bref :
Établir une nette séparation du religieux et du politique.
L’un relève du domaine privé et individuel, l’autre du public et du collectif.
Quel régime politique faut-il choisir : présidentiel ou parlementaire ? Peut-être une combinaison des deux pour limiter le pouvoir du Président, et pour éviter les atermoiements de tout groupe dirigeant. Ainsi, on pourra peut-être atténuer les dangers et les dérives de chaque régime.
Les Britanniques et les Canadiens ont un système parlementaire avec, à la tête, un Premier Ministre et non un Président. Quand un vote de non-confiance est déclaré, le Parlement est dissous et une nouvelle élection est annoncée. Dans le système qui combine le présidentiel et les parlementaires, il y a la soupape de sécurité des « checks and balances, » un équilibrage qui peut cependant coincer le Président.
Assainir le plus rapidement possible les malversations et la corruption de l’ancien régime. Celles-ci doivent être réglées par les commissions à cet effet. Que justice soit faite. Pas de vengeance ni de revanche. Faire attention à ce que le dogme religieux ne phagocyte pas les courants laïques et démocratiques. Dans les hautes sphères du pouvoir, s’assurer que la religion ne s’immisce pas dans la politique. Et la politique ne s’immisce pas dans la religion. Ces deux domaines doivent coexister dans le respect de tous et de toutes. Les pratiques religieuses relèvent de la sphère individuelle, assurant par là le choix et l’adhésion d’une personne à une croyance donnée. Donc à chacun(e) de faire son propre chemin spirituel / mystique dans la vie. La séparation du religieux et du laïque permet un assainissement de l’exercice du pouvoir, soulignant en premier lieu, l’intérêt collectif de toute la nation. Donc à toute la population de contribuer à construire un monde meilleurs pour le pays.
Last but not least, le Code du Statut de la Femme dont les droits acquis doivent être renforcés par l’égalité des sexes et leur parité, comme nous l’avons suggéré dès le début de ce texte. Et ce n’est qu’en accomplissant ce changement que nous pourrons tous dire qu’une grande partie des objectifs de la Révolution du jasmin a été une réussite. Un succès nous orbitant au premier rang du concert des Nations.
Hédi Bouraoui