Mounir Beltaifa : la technologie au service du développement
Sur sa carte de visite, une phrase attire votre attention « Think big, start small, scale fast ». Ce qui peut ressembler à un slogan de marketing est pour Mounir Beltaifa une vraie devise.
Né à Kalâa Kébira il y a 47 ans d’un père instituteur et d’une mère au foyer aussi active qu’attentionnée, Mounir se reconnait la chance d’avoir grandi avec son frère et ses deux sœurs dans un nid soyeux et solidement maintenu. Toutes les conditions étant réunies, il enchaîne alors avec excellence les années d’études primaires et secondaires pour quitter le Lycée de Garçons de Sousse vers les classes préparatoires au Lycée Louis le Grand suivies de l'École des Ponts et Chaussées.
Mounir débute alors sa carrière chez CGI, une filiale de la star des entreprises de l’époque, IBM. Pendant huit ans, il prend le temps d’apprendre l’organisation des systèmes d’information, la gestion de projet et les propositions commerciales. Ce qui est bon à apprendre est bon à prendre. C’est pourquoi quand ses supérieurs le missionnent pour la conduite du changement auprès de la population commerciale d’IBM France dans le cadre de la refonte de sa stratégie produits en stratégie services, il n’a aucune hésitation. La société jadis en quasi monopole a vu, à la fois, ses parts de marché grignotées et ses clients changer avec la pression de la crise des années 90. Il fallait alors penser le changement puis le conduire. Notre homme a les idées claires, il voyait que le cœur de la valeur ajoutée n’est plus dans le hardware mais dans le savoir-faire sous-jacent. Il se passionne alors à recentrer les ressources vers le service. Le management du changement l’inspire. Si bien qu’il renonce à retourner vers les affaires une fois la barre redressée chez Iui.
Sa satisfaction, il la trouve chez Ernst &Young où on lui confie le développement de l’activité CRM (Customer Relationship Management) et Internet avec le rang de Senior Manager. Mais il ne s’y attarde pas. N’ayant pas quitté IBM pour aller chez un concurrent, alors en pourparlers pour l’acquisition de la branche conseil d’E&Y, Mounir part là où il est sollicité. On est alors début des années 2000, on surfait sur la vague d’Internet et on se laissait aller dans la houle des startups. La bonne étoile de Mounir l’en a éloigné -alors qu’il était sur le point de signer chez l’une d’entre elles- mais elle l’a quand même mené vers l’e-business en tant que directeur du développement au sein de SAP France. Il s’y épanouit à diriger ce secteur et gagne la confiance de son management au point où l’on décide de lui confier le projet dont rêvent la plupart des managers maghrébins basés en France: conduire l’activité en Afrique du Nord. On lui a d’abord suggéré le marché marocain, mais en bon stratège il voit grand même s’il consent à débuter petit. Il considère le marché maghrébin dans son ensemble et l’investit client par client pour en multiplier le nombre par sept en quatre ans. SAP veut exploiter autrement ce filon de réussite. Tour à tour on lui confie la responsabilité du secteur financier à Paris puis la direction commerciale de la zone MENA (Middle-East North Africa).
Cependant, cet homme qui a réussi dans les grandes organisations, demeure assez humble pour se remettre en question. Les réponses à ses nouvelles interrogations introspectives lui font voir la vie autrement. De ses vingt ans passées à développer des affaires, il a décidé de tirer le meilleur pour aborder les vingt prochaines années que le bon Dieu lui prêterait. Il procéda dans un premier temps à un meilleur équilibrage entre sa vie professionnelle et sa vie privée, puis dans un second temps à un meilleur équilibre entre ce qu’il fait pour sa vie et ce qu’il fait pour l’au-delà, car comme il se plait à le répéter : «ça servirait à quoi d’être le plus riche du cimetière ?». Ceci le conduit naturellement à s’intéresser à de nouvelles formes de développement durable.
Fin 2008, c’est en créant Bridgers-One que naquit le nouveau Mounir Beltaifa. Une entreprise n’a pas uniquement une vocation économique, elle a également un rôle social évident. Le bénéfice humain doit faire son entrée dans les bilans comptables. C’est en essence, la vision du développement durable que Mounir Beltaifa veut transmettre à ses clients : un développement économique et humain soutenu par le développement technologique.
Pas d'investissement fécond sans climat de sécurité pérenne
Et ce n’est pas qu’une vision. Les valeurs authentiques trouvent preneurs et le jeune bureau ouvert à Paris fait déjà des petits : un bureau à Tunis et un autre à Casablanca voient le jour rapidement. Des clients en Europe mais surtout en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Ces pays qu’il affectionne tant et pour lesquels il se plait à dépenser son énergie. Il est alors fier de parler du projet de développement des collectivités locales au Maroc. Il s’agit de moderniser la gestion des communes par la mise en place d’un système de gestion intégré mutualisé permettant la bonne gestion des ressources et l’amélioration des services offerts aux citoyens. Mieux administrer les recettes permet de mieux développer les villes ; et un environnement plus favorable au développement attire plus d’investissement au niveau national comme au niveau local. Le cercle vertueux est alors enclenché.
Ce chantier reste certes en attente de la transition politique marocaine en cours, mais l’idée de permettre à un citoyen d’emprunter une nouvelle route goudronnée dans un village du Rif est bien plus réjouissante pour Mounir que de voir un nouveau module monétaire dans une institution parisienne. Lier les nouvelles technologies au bien des Hommes est une belle pensée, la concrétiser est encore plus beau. C’est pourquoi Mounir Beltaifa loue la jeunesse qui a su adapter les outils de son ère pour faire triompher des principes que l’on eut crus perdus. En bâtisseur chevronné, il s’implique dans la construction de la nouvelle Tunisie en réunissant jeunes et ainés dans le forum d’idées Emergens. Une structure créée avec des amis «loyaux à la Tunisie» et tous aussi désireux de voir les fleurs de la révolution donner des fruits. Dans ce cadre, est organisée une série de rencontres appelées Rabii Tounes. Il y règne un niveau de débat élevé et un pragmatisme qui ne voit pas d’investissement fécond ou de développement fertile sans un climat de sécurité pérenne. C’est tout le bien qu’il souhaite à notre Tunisie.
Une Tunisie qu’il visite environ tous les mois mais qu’il retrouve tous les soirs auprès de sa petite famille, installée dans la banlieue boisée de Vincennes. C’est de là qu’il veille avec son épouse Amina, enseignant-chercheur à l’Ecole des Ponts ParisTech, sur leur trois garçons : l’aspirant bachelier Haroun et les deux collégiens Khalil et Soleyman. Dans un parcours jonché d’humbles satisfactions, les enfants resteront sans doute leur première priorité.
«Au-delà des volontés et des actions, je prie continument pour que soient préservés les miens, la Tunisie et tous les Musulmans»,conclut Mounir.
Mourad Daoud