Vivement le 23 octobre
Vivement le 23 octobre, doivent-ils se dire, tous ou presque, du moins publiquement! Membres du gouvernement, ils se sont dépensés avec beaucoup de courage et autant de patriotisme à assumer une mission de haute délicatesse, dans cette profonde transition démocratique qui s’amorce. Les pionniers, et à leur tête les ministres de la Justice et de l’Education, Me Lazhar Karoui Chabbi et Taieb Baccouche, en poste dès le 17 janvier, et ceux qui les ont successivement suivis le 27 janvier, puis le 7 mars, avec l’arrivée du nouveau Premier ministre, M. Béji Caïd Essebsi, garderont longtemps en mémoire les conditions difficiles dans lesquelles ils ont pris leurs fonctions. Combien de fois avaient-ils craint de voir l’Etat chavirer et l’autorité s’estomper. Combien de fois, avaient-ils été tentés de jeter l’éponge ou, du moins, espéré la tenue des élections le 24 juillet, pour reprendre leur souffle au plus tôt possible ? Et pourtant, la foi en la Tunisie, le sens du devoir, mais aussi et surtout le soutien au quotidien du Chef de l’Etat, M. Foued Mebazaa, et du Premier ministre, leur ont donné chaque jour de nouveaux ressorts. «Il faut reconnaître qu’à la tête de l’Etat, le tandem Mebazaa – Caïd Essebsi a fait preuve d’efforts titanesques pour garder le cap et conduire le navire à bon port, analyse pour Leaders un spécialiste.. Lorsqu’on se rappelle dans quelles conditions le Président de la République par intérim a accédé à ses fonctions, ajoute-t-il, et l’état de la charge dont il a hérité, on réalise la valeur de l’oeuvre accomplie. Le Premier ministre, aussi, surtout qu’il était en première ligne, sur tous les fronts. Tous deux ont su inventer un nouveau mode de régime de gouvernement, jamais expérimenté auparavant en Tunisie ».
«Sous Bourguiba (à quelques rares moments exceptionnels pendant sa maladie), comme son successeur, souligne notre analyste, le Président de la République accaparait seul tout le pouvoir exécutif (et mêmes les autres), ne faisant du chef de gouvernement qu’un super ministre. Connaissant les périls de cette concentration des pouvoirs, le Président Mebazâa a eu la sagesse de prendre le recul nécessaire et suffisant, faisant entière confiance au Premier ministre et lui laissant les coudées franches, dans une parfaite symbiose et un respect mutuel. Il assume les fonctions qui sont les siennes et délègue les autres. Il a été le premier à se rendre auprès de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution, le 17 mars, puis a laissé le Premier ministre s’y présenter. Il a toujours présidé les réunions du conseil des ministres, tenant à ce que chacun s’y exprime librement, le dernier mot revenant au Premier ministre. C’est ce qui a pu donner aux Tunisiens attentifs un avant-goût de ce que peut être un régime présidentiel aménagé».
Ce mode de fonctionnement a-t-il réussi ? « Malgré ses limites, ses imperfections et sa fragilité, nous n’avons pas pu trouver meilleur, dans les circonstances actuelles, répond notre analyste. Il va falloir attendre la transmission des pouvoirs aux autorités légitimes issues de la volonté du peuple et du verdict des urnes pour en juger», conclut-il. Une chose est certaine : qu’il s’agisse du Président de la République, du Premier ministre, des membres du gouvernement, de leurs proches collaborateurs, comme de la haute administration qui se sont tous impliqués énergiquement dans ce processus de transition, oeuvrant à la réussite des élections, ils ont tous le sentiment du devoir accompli. Peut-être pas une totale réussite, mais l’intime conviction d’avoir agi en leur âme et conscience. Reste à savoir comment les Tunisiens les perçoivent et les apprécient.
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