Un ascète en politique
J'ai beau chercher le qualificatif qui sied le mieux à la personne et au parcours de Si Ahmed Mestiri, je n’ai pas trouve mieux que "ascète en politique" car le Petit Robert en donne la définition suivante : c'est la personne qui pratique l'ascétisme, qui s'inspire par piété des exercices de pénitence, des privations, des mortifications, il ne saurait être un ermite mais certainement un pur, défini comme "sans mélange", sans défaut d'ordre moral, sans corruption et sans tache.
Dans ses mémoires édités chez Sud Edition « ????? ??????? (Témoignage pour l'Histoire)* » (ils seront en librairie à partir de lundi) qui tiennent lieu de manuel d'histoire et de guide de savoir-vivre en politique, Si Ahmed nous fait vivre ou revivre (c'est selon) les étapes décisives de la vie politique tunisienne de 1950 à nos jours ; le milieu familial, sa scolarité, les influences et les confluences, l'engagement dans la lutte nationale et sa participation aux négociations pour l'autonomie interne puis l'indépendance et l'édification du jeune État tunisien, cela aux côtés des leaders historiques tels que Habib Bourguiba, Farhat Hached, Mongi Slim, Taïeb Mhiri, Salah ben Youssef, Belli Ladgham, Ali Belhouane, sans oublier son oncle de l'autre bord politique, Si Moncef Mestiri cofondateur du Destour et membre de sa Commission exécutive..
Le tact, le doigté et une forte charge de patriotisme ont permis à Si Ahmed d'assumer â 30 ans les fonctions de chef de cabinet de feu Mongi Slim, ministre de la justice au lendemain de l’indépendance, un handicap aux yeux de Bourguiba mais bien lui en a pris il est désigné ministre de la justice au lendemain de l'indépendance. Il s'attelle à la tunisification de la justice et surtout à l'élaboration et la promulgation du Code du Statut Personnel (CSP). Lui, descendant d'une grande bourgeoisie conservatrice, pactise avec les hérétiques ! Cela frise l'apostasie, mais la tâche est exaltante et révolutionnaire elle est rendue aisée par la conjonction de la détermination et le charisme de Bourguiba, la bénédiction des "ulémas" arrachée grâce à l'entregent et l'adhésion totale du cheikh et Fadhel ben Achour.
Un aspect est à souligner entre autre, du témoignage riche et honnête, est celui de la nature des rapports qu'entretenait Si Ahmed avec Si El Habib, ces rapports toujours distants et tendus, souvent conflictuels n'ont jamais laissé percer ou transparaitre une haine ou animosité, l'opposant n'est pas un ennemi, tout au plus c'est un adversaire - Ils ne se départent jamais des règles de respect et de bien - séance. On avait la politique et la politesse, la meilleure manifestation fut l'attitude honorable et loyale de Si Ahmed au lendemain du 7 novembre 1987 qui, malgré les sollicitations et les appels forts insistants s'est refusé d'émettre toute critique ou attaque aussi lâche qu'indigne de Bourguiba, un homme qu'il a toujours affronté, à la loyale.
Si Ahmed a été entre 1966 et 1968 le rénovateur et le modernisateur de la grande muette notre vaillante armée nationale, action menée avec célérité et discrétion.
Rectitude ; abnégation ; courage détermination, conviction patriotisme fidélité, justice sont les maîtres mots qui ont jalonné le riche et exemplaire parcours d'un démocrate inguérissable et d un citoyen au -dessus de tout soupçon.
Mohamed Ridha Laafif
*La version française paraîtra prochainement