Mais qui est ce Hachemi Hamdi qui suscite tant de polémiques ?
C’est l’une des grandes surprises du scrutin du 23 octobre. Personne ne le prenait au sérieux ni croyait à ses chances et le voilà caracoler parmi les Top 5 des vainqueurs. Sur son site web, il établit son identité officielle comme suit : Dr Mohammed al Hachimi Al-Hamidi. Fondateur de la chaîne satellitaire Al Mustakilla, implantée à Londres, ce tuniso-britannique est le président d’une « initiative politique indépendante» qui s’est choisie comme appellation : Pétition Populaire pour la Liberté, la Justice et le Développement. Présentant des candidats dans la quasi-totalité des circonscriptions électorales en Tunisie et à l’étranger, certaines estimations la créditent d’une vingtaine de sièges à rafler. Dans nombre de circonscriptions, les résultats provisoires confirment une avancée significative, créant une véritable surprise. Sans être présent sur le terrain, sans livrer une vraie campagne dans les régions, il s’est appuyé essentiellement sur sa chaîne télé et ses propres relais… mais, sans doute, bénéficiant d’un coup de pouce bien puissant.
Cette utilisation d’Al Mustakilla, chaîne étrangère, première interdiction en soi, et le non-respect des autres conditions fixées par le décret-loi sur la campagne électorale, lui valent aujourd’hui une forte vague de contestation appelant à l’invalidation de ses listes. Mais, M. Ridha Torkhani, membre de l'ISIE, a expliqué que l'article 70 du décret-loi électoral permet à l'ISIE de relever les dépassements, notamment la corruption et l'utilisation de financements étrangers. "Le décret électoral est clair en ce qui concerne le financement étranger, mais il n'incrimine pas l'usage des médias étrangers pour la promotion des programmes électoraux, laissant à l'ISIE une marge de manœuvre", a-t-il expliqué. M. Torkhani n'exclut pas, néanmoins, la possibilité d'invalidation des listes d'El Aridha populaire pour avoir poursuivi leur propagande via la chaîne « Al Mustakella ». Et d'ajouter, plusieurs avocats ont déposé une plainte dans ce sens, auprès de l'ISIE.
Hachemi El Hamdi, président d'El Aridha populaire, s’en défend. Dans une déclaration à l’Agence TAP, il a indiqué que les listes d'El Aridha n'ont pas transgressé la loi puisqu'il est le seul à avoir été invité par la chaîne « Al Mustakella » au cours de la campagne, ce qui ne peut être considéré comme une infraction du moment qu'il n'est pas candidat à la constituante».
Sa biographie officielle ne mentionne pas ses date et lieu de naissance, indiquant seulement qu’il est originaire du gouvernorat de Sidi Bouzid. On y apprend qu’il a obtenu une licence en Langue et Lettres Arabes, à Tunis en 1985, poursuivi ses études à Londres où il a réussi un mastère en Lettres Arabes, se spécialisant dans les études islamiques contemporaines. Actif dans les milieux de la presse dès ses années universitaires à Tunis, il avait collaboré à la page des Jeunes du quotidien Assabah (1983), puis dans différentes autres publications (Erraï, Le Maghreb…).
A Londres, il rejoindra le quotidien Ech-Chark El Awsat où il dirigera la section Religion et Tourath, avant de fonder l’hebdomadaire Al Mustakilla, en 1993, puis le magazine Le Diplomate (1996). Il finira par lancer sa propre chaîne Tv Al Mustakilla en 1999, puis une deuxième chaîne La démocratie en 2005.
Toujours selon sa biographie, il est l’auteur de nombreux ouvrages en arabe et en anglais, organisateurs de symposiums et conférences sur le dialogue entre les civilisations et les religions, etc. Ce qu’on ne trouve pas, sur son site officiel, c’est d’abord ses arrestations en Tunisie, en 1983, puis en 1984, qu’il mentionne dans de récentes interviews accordées au quotidien Assarih. Encore moins, ses relations avec Ben Ali, laissant planer une série de controverses à ce sujet.
Un programme électoral alléchant : des promesses qui n'engagent que ceux qui les écoutent
L’initiateur de la Pétition n’hésite pas à promettre aux électeurs des mesures des plus séduisantes dont notamment :
- la gratuité des soins pour tous les citoyens
- l’octroi subventions mensuelles de 200 D aux sans-emplois en échange de 2 jours de travail dans l’intérêt de l’état, à commencer par 500 000 bénéficiaires dans la première année
- la création du Diwan Al-Madhalim, une institution Judiciaire indépendante où seront employés de nombreux diplômés du droit, afin d’examiner les plaintes des citoyens contre l'État du régime précédent ou actuel, dans une période n'excédant pas un an.
- la création d’une exposition permanente de projets d'investissement dans tous les gouvernorats du pays
- l'établissement d'un ministère de l'outre-mer qui veille aux intérêts des immigrés, en Tunisie et dans les pays où ils résident,
- l'autorisation aux retraités dépassant l’âge de 65 ans de voyager gratuitement à travers la République, dans tous les moyens de transports publics.
Ses talk-shows sur Al Mustakilla, notamment au sujet des mesures qu’il prendra s’il est élu Président de la République, le lieu de sa résidence officielle, la composition de son gouvernement et autres ont également suscité des commentaires amusés. Mais, son discours et ses promesses semblent avoir produit leurs effets sur de nombreux électeurs comme en témoignent les résultats recueillis. A moins que l’ISIE ne les invalide.