Moncef Marzouki : le futur gouvernement doit durer plus qu'un an et la nouvelle assemblée, prendre son temps
La contrainte du temps ne saurait être imposée au futur gouvernement et son mandat ne pourrait se limiter à un an seulement et s’astreindre uniquement à l’expédition des affaires courantes, a déclaré le Dr Moncef Marzouki, président du Congrès pour la République (CPR), l’un des principaux vainqueurs du scrutin du 23 octobre. Il en va de même, selon lui, pour l’assemblée constituante qui doit prendre le temps nécessaire à l’élaboration approfondie de la nouvelle constitution, y associer les Tunisiens et leur permettre de se l’approprier. Son mandat doit, en outre, s’étendre à un rôle législatif et politique, en exerçant notamment son droit de contrôle du pouvoir exécutif.
30 premiers jours et 30 seconds jours. Les élus du 23 octobre auront à la fois, d’après le CPR, à engager la concrétisation des attentes des Tunisiens, à travers une action gouvernementale en profondeur, mettant en œuvre les mesures urgentes nécessaires et les réformes indispensables, parallèlement à la rédaction de la Constitution. L’agenda, proposé par le Dr Marzouki, consiste à consacrer les 30 premiers jours de l’assemblée à l’élection de son président, le choix du président de la République et l’adoption du chef du gouvernement qui doit être désigné parmi les membres de la majorité, ainsi que l’adoption du règlement intérieur. Les 30 jours suivants doivent permettre la tenue d’états généraux sectoriels, groupant les représentants des partis représentés à l’Assemblée ou non-représentés, ainsi que la société civile et les compétences nationales, pour définir les actions et réformes dans les secteurs prioritaires, notamment l’emploi, le développement régional, la santé et autres. Ainsi, en 60 jours, tout se mettra en marche.
Fort de ces orientations, issues des états généraux, le nouveau gouvernement pourra procéder rapidement à l’état des lieux, et engager les actions appropriées dont la mise en œuvre nécessite des délais supérieurs à un an. « Le temps de permettre aux futurs ministres de prendre leurs marques et de se mettre au travail, nous ne pouvons leur dire que leur mission est terminée et les inviter à attendre leurs successeurs, au bout d’à peine un an, a-t-il souligné. La situation du pays ne peut supporter le provisoire. Ca sera une déperdition d’énergie et une politique de l’absurde. Ne soyons pas bloqué par des horizons temporaires. »
Interrogé sur la participation du CPR au gouvernement qui sera formé, le Dr Marzouki a indiqué que des concertations se poursuivent avec différents partenaires, y compris Ennahdha et que son parti entend faire partie d’une coalition la plus large possible. L’essentiel, pour lui, avant de discuter des rôles et valises ministérielles à se répartir, de convenir du programme politique qui sera assigné.
Y’a-t-il des lignes rouges que le CPR ne saurait franchir quant à sa participation avec d’autres partis au gouvernement, en allusion à une alliance avec Ennahdha ? Pour le Dr Marzouki, comme pour les membres de son bureau politique participant à la conférence de presse, et répondant aux différentes questions posées, « le CPR affirme sans cesse deux messages centraux. A ceux qui s’interrogent sur les libertés et les acquis sociaux, il demeure garant des valeurs universalistes et continuera à défendre les libertés individuelles, les droits humains et les droits de la femme, sans rentrer dans une guerre idéologique avec des factions conservatrices ». Aux courants islamistes, il souligne qu’il s’attache aux valeurs de l’identité, sans qu’elle soit un enfermement ou une dictature et sans que la religion puisse être instrumentalisée en nouvelle oppression».
« Si le peuple nous a fait confiance, souligne le président du CPR, c’est en grande partie pour avoir tenu ce langage clair, mais aussi, pour avoir refusé de fonctionner dans la manipulation de l’argent sale ou nous engager dans les promesses et l’activation des passions. Notre discours s’est toujours adressé à la raison des Tunisiens et à leur intelligence. »
Evoquant le score attribué aux listes de Hachemi Hamdi, le Dr Marzouki, qu’au-delà des décisions qui seront prises quant à leur validation ou non, il y lit un appel au secours lancé par des populations profondément sinistrées par la pauvreté et la précarité. L’ampleur de leur situation a atteint un tel niveau de gravité qu’ils ont dû croire à toutes les promesses.
"Les médias auraient dû jouer leur rôle, a ajouté pour sa part, Mohamed Abbou, pour éclairer l'opinion publique sur certains candidats".