Jebali à l'Utica : les chefs d'entreprises ont été parmi les grandes victimes d'injustices, spoliations et usurpations de biens et droits
« Vous avez été parmi les grandes victimes des malversations, spoliations et usurpations ourdies par le régime déchu et nous connaissons vos souffrances. Aujourd’hui vous êtes nos partenaires à part entière pour bâtir ensemble la Tunisie nouvelle ». Hamadi Jebali ne pouvait mieux commencer son adresse aux dirigeants de l’Utica, en leur rendant visite mercredi au siège de leur organisation à Tunis. « Aujourd’hui, nous avons dépassé le simple discours d’assurance que certains croient nécessaire, il s’agit d’œuvrer en commun, avec tous les partenaires à sceller un nouveau contrat social et de développement, à même d’instaurer la paix sociale et d’accélérer la reprise économique», a-t-il ajouté, soulignant qu’il en avait déjà discuté avec le secrétaire général de l’UGTT, Abdessalem Jerad.
Après avoir rappelé l’engagement d’Ennahdha à défendre les libertés et les acquis, Jebali a souligné que le mouvement prône « un état de droit et de citoyenneté, équitable, neutre, régulateur, garantissant la justice sociale, moteur du développement économique et de prospérité ». Il s’engagera à faire inclure dans la nouvelle Constitution trois grands ensembles, à savoir : les libertés fondamentales et les acquis, en les verrouillant contre tout tripotage ultérieur, le système institutionnel et l’organisation des pouvoirs, et le dispositif de contrôle à travers des organes constitutionnels.
« Il s’agit de ne plus permettre une domination de l’Etat sur les droits et libertés ni abus dans la gestion, et nous devons mettre les garde-fous nécessaires et ériger la société civile en contre-pouvoir vigilant », a précisé le secrétaire général d’Ennahdha. Pour utiliser un langage plus poche des chefs d’entreprise, Hamadi Jebali rappelle ce qui lui avait enseigné en France son professeur de gestion d’entreprises, à savoir la nécessité de voir dans chaque conseil d’administration « la chaise du diable » occupée par un administrateur contradicteur, exerçant pleinement tout son rôle de superviseur intransigeant. « La Constitution que nous espérons élaborer ne sera pas celle d’Ennahdha, à elle seule, mais de tous les tunisiens, émanant d’un large consensus, a-t-il déclaré ».
Sans mentionner explicitement le mandat qu’il aura personnellement à exercer à la tête du gouvernement, Jebali souligne cependant l’ampleur de la tâche qu’attend le pays, et les mesures d’urgence à prendre. « Nous multiplions les concertations afin d’y rallier le plus possibles de forces politiques et sociales, et nous aurons à agir en pompiers pour faire face à une situation économique et sociale critique, exigeant des réponses immédiates. Le concours de l’Utica et de se adhérents est plus que nécessaire pour participer à la formulation des solutions appropriées et contribuer à leur mise en œuvre.
Lui souhaitant la bienvenue, la présidente de l’Utica, Wided Bouchammaoui s’était déclarée "satisfaite des déclarations d’Ennahdha et de ses engagement" et avait souligné que la centrale patronale "entend poursuivre sa mission de porte-parole des opérateurs économiques, petits et grands et de contribuer efficacement au développement économique et à l’attraction des investissements extérieurs". « Nous sommes attachés à la concertation avec toutes les parties concernées et au dialogue social et nous espérons rompre rapidement avec les les sit-ins et autres mouvements sociaux qui entravent les entreprises et échaudent les promoteurs de projets», a-t-elle affirmé.
Plus explicite, Hichem Elloumi, a rappelé que les chefs d’entreprise ont fortement contribué à la révolution, malgré certaines critiques injustes, ayant subi directement durant les dernières années, injustice, concurrence malsaine et abus de droits. « L’immense majorité des hommes d’affaires, si non la totalité, a-t-il dit, sont intègres et n’ont cessé d’œuvrer dans l’intérêt du pays. Rien que durant les neuf derniers mois, et malgré toutes les difficultés endurées, pas moins de 30 000 emplois ont été créés par le secteur privé, les exportations ont augmenté de 9% et les intentions d’investissement, de 24%. Ce qui est demandé aujourd’hui, c’est rétablir totalement la sécurité, instaurer durablement la paix sociale et fournir plus de visibilité quant au processus de transition.»
N’y allant pas par quatre chemins, Elloumi estime que « si le discours d’Ennahdha est positif, il s’avère que des comportements d’intolérance commencent à émerger dans la rue », appelant à « les dénoncer et sanctionner fermement ». Lui répondant immédiatement, Hamadi Jebali affirme que "toute atteinte aux libertés ne saurait être acceptée, ni rester impunie". « Ce sont là nos propres valeurs de tolérance et de respect des convictions et libertés, mais aussi, notre conception de l’Etat de droit, a-t-il souligné. »
Habib Testouri, revient lui aussi sur l’image du patronat et le mauvais procès que certains veulent lui faire en la taxant de collusion avec le pouvoir déchu. « L’ancien régime nous enserrait tous, cherchant par tous les moyens à étouffer l’indépendance de notre organisation et la domestiquer. Nous étions obligés à travailler avec les instances et structures en place, mais avions-nous le choix de le faire. De là à cibler l’Utica et à mettre en cause son long parcours patriotique , nous ne le saurions l’accepter et comptons beaucoup sur le soutien de tous pour f lever cette injustice».
Il rejoint ainsi la demande Khalil Ghariani qui a salué la déclaration de Jebali reconnaissant les injustices subies par nombre de chefs d’entreprise et demandant de médiatiser largement son témoignage et son hommage aux opérateurs économiques.
Près de deux heures durant, les échanges entre le secrétaire général d’Ennahdha qui était accompagné par Walid Bennani et Ridha Saidi, et les dirigeants de l’Utica ont été intenses et féconds. «De part et d’autre, un climat de confiance commence à s’instaurer entre nous, déclare à Leaders, un chef d’entreprise participant à cette rencontre. Nous devons mettre nos engagements réciproques à l’épreuve et nous n’avons hâte qu’à relancer la machine économique et voir le pays se stabiliser et prospérer».