« Y a si Mustapha, nous craignons pour nos acquis, aidez-nous ! »
Mercredi 2 novembre. Dans la grande salle du 2e étage de la Bourse de Tunis, Mustapha Ben Jaafar, entouré de son staff, s’apprêtait à prendre congé de ses hôtes au terme d’une réunion avec le président de Bourse et ses collaborateurs lorsqu’une dame l’interpelle : « Y a si Mustapha, nous craignons pour nos acquis, aidez-nous ». Réponse du patron d’Ettakattol : « Ne vous inquiétez pas, nous sommes très vigilants ». Cette interpellation presque incongrue dans cet espace est le cri du cœur d’une Tunisienne qui a mal à sa Tunisie, qui souffre de voir des acquis vieux de cinquante remis en cause au nom de l’Islam. Son cas n'est pas isolé. Des millions de Tunisiens, femmes et hommes partagent son indignation, ses inquiétudes et sont déterminés à faire barrage aux obscurantistes. Et dire qu’il se trouve des hommes politiques pour demander la légalisation de leur parti « tant qu’ils ne troublent pas l’ordre public !», alors qu’au même moment, ces groupes multiplient les agressions verbales et parfois physiques contre les femmes dans les salles de cours à l’université et imposent la séparation entre les sexes dans les restaurants universitaires et même dans les files d'attente comme lors du scrutin du 23 octobre.
Ils étaient des centaines d’enseignants universitaires à répondre, mercredi à la Cité des sciences, à l’appel du Forum Universitaire Tunisien et jeudi à la faculté de droit et des sciences économiques et de gestion à l'université de Tunis-El Manar pour écouter les témoignages de leurs collègues et prendre la mesure du danger qui guette le pays. La grande mobilisation, ce sera après l'Aïd. Il faut reconnaître que le phénomène a pris ces derniers temps, une ampleur inquiétante. On avait parlé de quelques centaines au lendemain de la révolution. Ils sont, certainement des milliers aujourd’hui. On y compte de chômeurs, des ouvriers, mais aussi des Etudiants et des lycéens « travaillés » par des prosélytes professionnels. Violents, hostiles à la démocratie, ils ne reconnaissent que le califat, comme système politique, étant entendu que la femme n’y a pas sa place et doit être confinée dans les tâches ménagères, la procréation et l’éducation des enfants.