Les positions d'Yadh Ben Achour: Ennahdha, le gouvernement de coalition, l'organisation des pouvoirs et la Constitution
Pas de panique d’Ennahdha, n’étant pas majoritaire et les contre-pouvoirs étant suffisamment forts, les trois grandes surprises du scrutin du 23 octobre, Oui à un gouvernement de coalition, comment l’Assemblée Nationale Constituante entamera ses travaux, vers le 20 novembre, et quels sont les avant-projets de textes élaborés par le Comité d’Experts de la Haute Instance pour la réalisation des objectifs de la révolution : autant de thèmes développés par le Pr Yadh Ben Achour dans une interview accordée à notre consœur, Essia Atrous du quotidien Assabah.
«Le scrutin du 23 octobre nous a fait transiter de l’inconnu vers le réel puisqu’il nous a permis de connaître le verdict du peuple et le poids effectifs des forces politiques », a-t-il déclaré. « La surprise n’est pas la victoire d’Ennahdha, prévisible, a-t-il ajouté, mais le score recueilli par le PDP, qu’on croyait, électoralement proche du résultat d’Ennahdha, l’émergence d’Al Aridha et le classement du Pôle Démocratique. » Le Pr Ben Achour a estimé qu’il n’y a pas de quoi paniquer que ce soit pour les femmes ou les laïques, comme si Ennahdha avait obtenu ce qui n’était pas attendu ou serait annonciatrice d’une catastrophe, précisant qu’elle ne détient pas la majorité absolue et que le pluralisme politique, la société civile, la Ligue des Droits de l’Homme et d’autres composantes sont suffisamment forts pour constituer un contre-pouvoir dissuasif.
« Le paysage politique ne me fait pas peur », affirme le Pr Ben Achour, heureux d’avoir voté pour la première fois de sa vie et de constater qu’Ennahdha n’est pas le seul mouvement sur la scène, avant d’ajouter : » si j’étais un parti politique, j’aurais formé une coalition nationale ave lui. Si des minorités opposantes s’y refusent, ce serait une exclusion de la majorité par les minorités, ce qui est à l’encontre des intérêts du pays. La formation d’un gouvernement de coalition est la meilleure solution pour le pays et la plus grande garantie pour tous. Je le dis sincèrement, d’autant plus que je ne suis candidat à aucun poste».
Evoquant l’Assemblée Nationale Constituante, le Pr Yadh Ben Achour a estimé que compte tenu des délais impartis, elle serait convoquée à siéger vers le 20 novembre et aura d’abord à décider de la composition de son bureau (1 ou 2 vice-président), du mode d’élection de son président (selon une entente préalable ou au vote majoritaire), de l’adoption de son règlement intérieur et de la désignation du Chef de l’Etat, dans le cadre de l’organisation des pouvoirs publics. Dès lors, le gouvernement aura à présenter sa démission, mais continuera à rester en place pour expédier les affaires courantes en attendant la formation du nouveau gouvernement et la passation des pouvoirs. En toute priorité, l’Assemblée aura à statuer sur le budget de l’Etat pour 2012, puis se consacrer à l’élaboration de la Constitution.
A cet égard, il a indiqué que la Haute Instance avait travaillé, s’appuyant sur son Comité d’Experts (fort de 21 spécialistes), sur une série d’avant-projets de textes pouvant faciliter les travaux de l'Assemblée Nationale Constituante, notamment pour ce qui est du déroulement de la séance inaugurale (formation du bureau, etc.), le règlement intérieur et l’organisation des pouvoirs publics, ainsi que la Constitution. Pour la nouvelle Constitution, l’avant-projet se veut libérateur, affranchissant le Citoyen et conforme aux objectifs de la révolution. Il prévoit dans son Chapitre Premier, l’affirmation des droits fondamentaux et libertés, notamment la liberté de croyance, la liberté de la femme et les libertés générales y compris le respect de l’intégrité, l’interdiction de la torture, et la liberté d’opinion et d’expression. La deuxième partie clarifiera les principes du fonctionnement de l’Etat sur la base de la transparence dans la gestion administrative et financière et la non exploitation des sentiments religieux aux fins politiques.
Quant à la mission du Comité d’Experts, le Pr Ben Achour a plaidé pour la reconduction de son mandat, appelant à l’ériger en instance consultative indépendante auprès du gouvernement et de l’Assemblée Constituante.