Le choix n’était pas fortuit ! En se rendant dimanche matin au parc du Belvédère pour donner le coup d’envoi de la Fête de l’Arbre, le Président de la République par Intérim, M. Foued Mebazaa, voulait sans doute marquer l’inviolabilité de cet espace écologique exceptionnel qui avait failli être mis en concession au profit des rapaces de Ben Ali. Quelques jours seulement avant la révolution, un cahier des charges portant mise en concession de ce grand parc allait être publié. Elaboré conjointement par les services du ministère de l’Environnement et du Développement Durable (MEDD) et la Ville de Tunis, il devait permettre à des concessionnaires privés de prendre en main le Belvédère pour une durée de 99 ans, sous le motif de mieux l’entretenir, d’y aménager des zones de loisirs et de restauration et de redonner vie au Zoo.
Mais, si l’objectif ainsi décrit paraît noble et séducteur, il ne cache pas moins, une privatisation aux limites incontrôlables. La porte pourrait s’ouvrir jusqu’au lotissement d’espaces pour construction d’habitations, ne serait-ce que pour une durée limitée. Imaginez alors la suite. Superbe parc à l’anglaise, de plus de 100 ha, au cœur de la capitale et son unique véritable poumon d’oxygène, le Belvédère, centenaire, dessiné par le chef jardinier de la Ville de Paris, Joseph Lafacade, et ouvert public en 1910, a faillit basculer dans la trappe des voraces. Sauvé in extremis par la révolution, il se doit sans doute de faire sa révolution.
Ne serait-ce que pour avoir été longtemps Gouverneur-Maire de Tunis, le Président Mebazaa y est personnellement très attaché. Sa venue dimanche au Belvédère est un témoignage de soutien personnel, en plus d’une affirmation officielle. C’est ainsi que lorsque Mme Emna Charfi, au nom de l’Association des Amis du Belvédère l’a adjuré de trouver une solution pour préserver le parc contre toute convoitise, il n’y a pas non seulement acquiescé mais aussi déclaré qu’il faudrait l’inscrire parmi le patrimoine naturel universel et lui trouver les ressources financières nécessaires pour mieux l’entretenir et le doter de meilleurs équipements de loisirs.
Un lourd bilan forestier : 1707 ha incendiés
Le ministre de l’Agriculture et de l’Environnement, M. Mokhtar Jellali et ses collaborateurs en sont ravis. Les responsables en charge des Forêts, comme ceux de l’Environnement y puisent des instructions fermes qu’ils s’efforceront de mettre en œuvre sous le futur gouvernement. L’année qui s’écoule a été particulièrement sinistrante pour le patrimoine forestier. Pas moins de 1707 ha ont été incendiés dont 400 ha à Dar Chichou (Nabeul), 350 ha à Chateur (Bizerte), 250 ha à Tekrouna (Le Kef) et 150 ha à Ghardimaou. Et, ce n’est pas tout : 5000 ha de champs d’alfa ont été labourés dans les régions du centre, 10 000 arbres ont été tronçonnés à Menzel Belgacem (Aïn Drahem) et 400 ha ont été occupés à Ghedhabna (Mahdia).
D’habitude, lorsqu’on reçoit le Président de la République à l’occasion de la Fête de l’Arbre, on ne lui parle que de performances. C’est méconnaître la franchise et le sens de l’Etat du ministre Mokhtar Jellali qui n’a pas hésité à mettre toutes ces pénibles données sur un grand panneau et les présenter au Président Mebazaa, à Koubbet El Hawa, avant d’inviter le public à en prendre connaissance et conscience. Mais, heureusement, d’autres indicateurs, positifs en matière de reboisement viennent nous réconforter. Pas moins de 8373 ha de terres nues bénéficient cette année du programme national de plantations. Aussi, 3 750 000 nouveaux plants ont été plantés, tant par les services du ministère que des établissements publics et les privés. Encore plus, l’éveil de la société civile et son engagement écologique se traduit par de multiples initiatives et une grande vigilance. Beaucoup reste à faire, à commencer au Belvédère.