12 nouvelles radios et 5 chaînes TV privées : est-ce la saturation ?
Qui financera toutes ces nouvelles stations radio et chaînes TV privées qui viennent d’être autorisées ? Si l’audiovisuel public bénéficie de la redevance sur la radio-télévision qui ne suffit plus à subvenir à son équilibre, les médias privés doivent s’ingénier pour du moins se financer, en espérant atteindre la rentabilité. Avant de céder la place à la nouvelle Instance supérieure indépendante pour l’audio-visuel (ISIA), Kamel Laâbidi et son équipe de l’Instance nationale pour la réforme de l’information et de la communication (INRIC) avaient recommandé au gouvernement d’autoriser 12 nouvelles stations radio et 5 chaînes TV. Aussi, la Télévision tunisienne a été autorisée à créer de nouvelles chaînes, ce qui l’incitera à tirer profiter de la Télévision Numérique terrestre, à commencer par un canal sportif.
Ainsi, le nouveau paysage audiovisuel tunisien comprendra, au total, 26 stations radio et 10 chaînes TV. Qui sont les nouveaux promoteurs ? Pourquoi ont-ils voulu s’y lancer et quels sont leurs plans de lancement ? Premier tour d’horizon.
Oxygène, la radio écologique de Bizerte
Mohamed Kamel Robbana est un vrai fan de la nature et des médias. Premier à dégainer, sa radio Oxygène FM, implantée à Menzel Bourguiba, est déjà sur les ondes, dès le 15 octobre 2011.
Son nom, c’est aussi celui du magazine qu’il a lancé depuis quelques années pour le dédier à la chasse, pêche et environnement. La radio vient alors célébrer la nature, promouvoir le développement durable et introduire une bouffée d’oxygène dans la vie de ses auditeurs qui, pour le moment, se limiteront aux habitants du gouvernorat de Bizerte. Son objectif est bien tracé : une information de proximité et une programmation variée, incitant à la pratique de loisirs sains et enrichissants. Pour ce chef de PME, âgé de 43 ans, établi à Menzel Bourguiba, vice-président de l’Utica locale, militant associatif (Croissant-Rouge) et président de l’association régionale des chasseurs, lancer une radio régionale concrétise un rêve qu’il caresse depuis plus de 15 ans. Entouré aujourd’hui d’une équipe de jeunes talents, il s’y met à fond. Le financement ? Il se débrouillera.
KIF, pour kiffer
Kamel Zouiten, qui a passé de longues périodes en Europe, durant ses études à Liège, en tant que diplomate à Vienne puis, en exil, à Paris, piaffe d’impatience pour lancer sa radio. Demande déposée, feu vert obtenu, il se déploie à présent pour mettre sur les ondes KIF FM, dans le Grand Tunis.
«La ligne éditoriale, dit-il, cible particulièrement la jeunesse tunisienne, en s’élargissant aux autres tranches d’âge et différentes catégories socioprofessionnelles». Indépendante de toute affiliation politique, elle se veut généraliste, favorisant la libre expression et le pluralisme. Kamel multiplie les préparatifs techniques et éditoriaux et espère démarrer très bientôt. Son équipe devrait compter une quarantaine de salariés entre techniciens, journalistes et animateurs.
Sabra, la voix du Kairouanais
Cinéaste, titulaire d’un mastère en son et image, Amor Naguazi, 57 ans, grand passionné de cinéma, met les dernières touches pour lancer sa radio Sabra FM, à partir de Kairouan. Les studios sont prêts, les équipements arrivent, l’équipe, forte de 30 jeunes diplômés du supérieur et renforcée par 24 correspondants dans les régions, est en place. Il faut dire, que Sabra FM part sous d’heureux auspices, étant promue au sein de la société Ibn Khaldoun Production, déjà existante. Dotée d’un capital de 230 000 D, elle a produit pas moins de 24 films durant les trois dernières années. Bénéficiant de cette structure, la radio aura cependant à investir pas moins de 511 000 D.
Pour Amor Naguazi, l’objectif est, d’une part, de montrer la qualité traditionnelle du centre tunisien, autour de toutes les valeurs qu’incarnent la ville de Kairouan, la région et le patrimoine historique et, d’autre part, de refléter les préoccupations de la jeunesse et ses aspirations. «Nous voulons, surtout, nous dit-il, faire entendre la vérité telle qu’elle est».
D’ores et déjà, Sabra FM émet en web radio, le temps de roder son équipe, en attendant le démarrage effectif d’ici décembre prochain.
26 stations radio
Le paysage médiatique en Tunisie connaît une extension significative, devant atteindre 26 stations radio et 10 chaînes TV, entre publiques et privées. Cartographie.
Radio
9 stations publiques dont 4 stations centrales
• Radio Nationale
• Radio Jeunesse
• RTCI
• Radio Culture
Et 5 stations régionales
• Radio Sfax
• Radio Monastir
• Radio Kef
• Radio Gafsa
• Radio Tataouine
17 stations privées dont 5 radios privées existantes
• Mosaïque FM
• Jawhara FM
• Express FM
• Shems FM
• Zitouna FM
3 nouvelles radios privées récemment autorisées et déjà sur les ondes
• Radio Oxygène (Mohamed Kamel Robbana, Bizerte)
• Radio Kalima (Omar Mestiri, Tunis)
• Radio 6 (Nozha Ben Mohamed, Tunis)
9 nouvelles radios privées récemment autorisées et qui se préparent à émettre
• Kif FM (Kamel Zouiten, Tunis)
• Ibtissama FM (Hamed Souayeh, Tunis)
• Cap FM (Olfa Tounsi, Nabeul)
• Sabra FM (Amor Naguazi, Kairouan)
• Chambi FM (Mokhtar Tlili, Kasserine)
• Alkarama (Salah Rabah Hajlaoui, Sidi Bouzid)
• Sawt Elmanejem (Mohamed Hédi Nsib, Gafsa)
• Ouaha FM (Marzouki Bettaïeb, Gabès)
• Ulysse FM (Jamel Eddine Henchiri, Médenine).
Kalima : prendre la parole, donner la parole
Avec Sihem Bensedrine, Omar Mestiri (60 ans), journaliste et défenseur des droits humains, est un pionnier de la radio militante en Tunisie. Leur radio, Kalima, a fini par obtenir la reconnaissance officielle que le régime déchu n’avait jamais voulu lui accorder.
«Ce média alternatif, rappelle-t-il, émet en continu depuis janvier 2009, à partir de son site Internet. Son signal streaming ne s’est jamais interrompu, malgré les agressions incessantes des services de Ben Ali. Le 26 janvier 2009, notre signal était retransmis par le satellite Hotbird jusqu’au 12 mars 2010, quand la compagnie Eutelsat a arbitrairement arrêté de nous diffuser, cédant à différentes pressions. Notre jeune équipe a, durant cette période critique, relayé au quotidien l’écho de cette Tunisie de l’ombre qui a eu raison du despotisme».
«Nés dans l’engagement de l’underground, poursuit Omar, nous avons amorcé, depuis février 2011, une métamorphose vers une chaîne d’information. Débats, enquêtes et dossiers seront régis avec toute la rigueur professionnelle requise. Nous garderons notre vocation de média citoyen, orienté vers le terroir, le social, la culture et l’environnement.
Quelle sera sa zone de diffusion ? «Nous avons déposé le 3 mars 2011 une demande formelle pour diffuser sur tout le territoire national, explique Omar Mestiri. Après bien des péripéties, l’INRIC a recommandé de limiter notre couverture au Grand Tunis; l’avis a été retenu par l’arrêté du Premier ministère nous accordant une «autorisation provisoire de créer une station radio» qui n’équivaut pas encore à une autorisation à diffuser. Cette limitation – motivée politiquement contrairement à ce qui se dit sur la saturation des ressources n’assure pas les bases requises pour une concurrence loyale et équitable avec les stations qui ont été mises en place du temps de Ben Ali et qui ont engrangé avantages et protection... à ce jour.
Aussi, nous nous réservons toute latitude de réclamer l’institution de saines régles de concurrence et de respect de la diversité nécessaires à l’éclosion d’un paysage audiovisuel digne de la Tunisie du 21è siècle».
Radio Kalima a tant espéré couvrir les élections de la Constituante, mais les procédures n’ont pu être finalisées à temps. Le lancement sur la bande FM ne saurait tarder. La date exacte ? «Elle relève de la confidentialité de notre plan de com », nous dit-on.
«La grille vise à assurer une fusion harmonieuse entre enrichissement et détente, indique Mestiri. Agrémenter les dossiers sérieusement documentés de plages musicales de qualité et par-dessus tout garantir la plus grande ouverture sur les enjeux sociétaux en multipliant reportages et débats ».
Quant à l’équipe, elle se veut «une bonne symbiose entre les pionniers de 2008 qui sont épaulés, depuis mars, par des professionnels éprouvés». De jeunes diplômés ont également été recrutés et bénéficient d’une formation intensive et plusieurs bénévoles apportent leur contribution.
La publicité pourra-t-elle financer toutes ces radios ?
Les recettes publicitaires actuelles suffisent-elles pour financer les stations radio privée? Sur un montant d’investissements publicitaires (théoriques) de 164 MD en 2010 (selon Sigma), la radio n’a bénéficié que de 33.6MD, soit 20 %.
Ces montants lourdement grevés durant les neuf premiers mois de 2011 sont réduits de plus de 40%, le total des investissements étant réduit à 98.4 MD.
La radio n’en a eu que 18,9 MD. La répartition de cette enveloppe montre que les quatre stations privées accaparent 95% des investissements publicitaires.
La part du lion revient à Mosaïque FM avec 8.5 MD, (45%), suivie de Jawhara FM avec 5.1 MD (27%), Shems FM avec 2.6 MD (14%) et Express FM avec 1.6 MD (9%).
10 chaînes TV
A côté des deux chaînes TV publiques :
• Télévision Tunisienne 1
• Télévision Tunisienne 2
Deux autres chaînes privées:
• Hannibal TV
• Nessma TV
6 autres chaînes TV viendront enrichir le paysage médiatique. Il s’agit d’une chaîne publique spécialisée dans l’actualité sportive :
• Télévision Tunisienne Sportive
Et de 5 nouvelles chaînes TV privées autorisées et pas encore opérationnelles :
• El Hiwar Ettounsi (Tahar Ben Hassine)
• Golden TV (Mohamed Hannachi)
• Khomsa TV (Mohamed Moncef Lemkachar)
• Ulysse TV (Nasr Ali Chakroun)
• TWT (Issam Kherigi)