Foued Mebazaa, l'homme du consensus

En prenant congé, le 13 décembre, du nouveau locataire du palais de Carthage, Fouad Mebazaâ était en droit d’être satisfait du travail accompli. Souvenons-nous, lorsque, au lendemain du 14 janvier 2011, il devint président intérimaire, la Tunisie était au bord du chaos : usines incendiés, routes coupés, évasion de milliers de prisonniers de droit commun. c’est à lui qu’incomba la tâche qui relevait alors de la quadrature du cercle, d’assurer la continuité de l’Etat.

Il l’a fait avec un rare bonheur  pendant près d’une année, en se faisant le plus discret possible en rupture totale avec l’interventionnisme de son prédécesseur, se posant en ultime recours lorsque la situation empirait, comme ce fut le cas pendant les sit in Kasbah 1 et Kasbah 2, puis  lorsque Mohamed Ghannouchi , effrayé par les appels au meurtre lancés contre lui sur la chaîne nationale préféra rendre son tablier. Il eut alors le trait de génie de faire appel à un homme auquel personne ne pensait, mais qui se révèlera être l’homme de la situation, Béji Caïd Essebsi. Ils constitueront pendant dix mois un tandem de choc.Les deux hommes n'ont pas le même caractère, mais se complétent merveilleusement, agissant en parfaite symbiose, sans le moindre conflit de compétence pendant cette cohabitation, le résultat d'une complicité forgée par une amitié de cinquante ans.

Tout en nuances, homme de consensus, Fouad Mebazaâ restera toujours au dessus de la mêlée, limitant ses interventions au minimum et se posant constamment en arbitre, révélant ainsi des qualités indéniables d'homme d'Etat. Avec lui, les Tunisiens ont découvert le charme discret du régime consensuel à mi chemin entre le présidentialisme, terreau de la dictature, et le parlementarisme à l'italienne, source d'instabilité.

En faisant acclamer son nom par les constituants, mardi, lors de la cérémonie de prestation de serment, le nouveau président et M. Mustapha Ben Jaafar n'ont fait que traduire la reconnaissance de millions de Tunisiens envers un homme qui a bien mérité de la patrie.