Hamed Karoui : Je ne suis pas le conseiller de Hamadi Jebali
«Je ne suis ni le conseiller de Hamadi Jebali, ni son coach. Ennahda a suffisamment de dirigeants et de compétences pour lui être utile, mais je suis en contact avec lui et j’ai entrepris les démarches qu’exige l’intérêt national». C’est que a affirmé le Dr Hamed Karoui, ancien Premier ministre et l’une des figures marquantes du mouvement national, au sein des scouts, puis de l’UGET et du Destour, depuis plus de 60 ans. Rompant un silence qu’il s’est imposé à lui-même tout au long de ces dernières années (à l’exception d’un entretien avec Leaders, en 2010), il a accepté de répondre aux questions de notre confrère Assarih, pour apporter des éclairages utiles sur ses relations avec Jebali, l’engagement de son fils au sein d’Ennahda et son analyse globale du paysage politique.
On y apprend en effet que c’est son fils, Néjib (devenu Professeur agrégé en médecine) qui, très tôt, début des années 80 lui avait présenté Hamadi Jebali, voisin de quartier et fréquentant la même mosquée. Ces liens personnels qui remontent à plus de 30 ans se sont affermis au fil du temps à travers des initiatives politiques. Succédant à Rached Ghannouchi après son arrestation durant l’été 1981, Jebali avait souhaité établir contact avec le parti au pouvoir et c’est ainsi que le Dr Hamed Karoui, de concert avec Mzali, avait amorcé ce dialogue, convaincu de desserrer l’étau mis contre les différentes forces de l’opposition. Les contacts se suivront, même lorsque Jebali, recherché par la police était entré dans la clandestinité. Le Dr Karoui révèle d’ailleurs que celui-ci était parvenu à voyager plusieurs fois à l’étranger sous de fausses identités et ce, à partir de différents aéroports.
Nommé Premier ministre en 1989, le Dr Karoui a obtenu le feu vert de Ben Ali pour octroyer à Ennahda l’autorisation de publier un journal, faute de celle de créer un parti e ce fut Al Fajr, dirigé par Jebali. Mais, l’escalade contre les islamistes n’a pas tardé à éclater, suscitant les premières arrestations massives avec leur lot de tortures abominables et, en réaction, « une contre violence, à l’instar de l’action contre le comité de coordination du RCD à Beb Souika, menée par des jeunes d’Ennahda, en rupture avec sa direction arrêtée.»
Selon le Dr Karoui, « le Mouvement de la Tendance Islamique était un projet de parti avant la période de prison sous Bourguiba, il en est sorti, après le 7 novembre, en tant que deuxième parti politique, puis Ennahda a gardé cette même position, jusqu’à devenir, avec la révolution, le premier parti à même d’exercer le pouvoir».
Pour ce qui est de ses contacts avec Jebali, il a indiqué qu’après le déclenchement de la révolution, il était en homme retraité attentif à la composition du nouveau paysage politique, essayant d’apporter sa contribution
Répondant à une question relative à son fils, Néjib, il a indiqué qu’il s’était engagé depuis sa prime jeunesse au sein du mouvement islamique à Sousse et été élu à ce titre au conseil scientifique de la Faculté de Médecine. Cela avait suffit pour lui valoir poursuite et harcèlement policiers, ce qui avait recommandé son départ à Alger. Mais, là aussi et à l’instigation de la police tunisienne, il a été mis sous étroite surveillance avant d’être arrêté, remis en liberté et arrêté à son retour en vacances en Tunisie. Le Dr Karoui sait bien que tout cela n'était pas monté contre son fils seulement, mais que "certains amis" qu'Il n'a pas voulu nommer, le visaient personnellement.
S’exprimant sur la situation politique après la révolution, l’ancien Premier ministre se félicite du nouveau climat de pluralisme et de liberté, rend hommage au Président Foued Mebazaa et au Premier ministre, Béji Caïd Essebsi et son gouvernement et lance un appel à toutes les forces politiques « pour unir leurs efforts, dans cette délicate et déterminante phase de transition ».
Il estime en effet que « cette période ne peut supporter des luttes partisanes, ni des calculs électoraux, ne voyant personnellement pas de grandes différences significatives entre les divers programmes présentés, sauf en ce qui concerne la nature du régime, entre parlementaire et présidentiel. Il est vrai, dit-il, que le peuple tunisien est encore sous le choc du régime présidentiel totalitaire, même si les deux anciens présidents avaient accédé à la magistrature suprême dans des conditions particulières. Le premier, en tant que libérateur du pays, émancipateur de la femme et bâtisseur de l’Etat moderne ce qui en a fait un despote réformateur qui a cependant été plongé, avec l’avancement de l’âge dans une fin très éloignée de la valeur de ce qu’il avait consenti pour le pays. Et, le second, qui se présentait en sauveur, mais qui s’est enlisé progressivement dans la dictature et la malversation… C’est pourquoi, j’estime convenable que le Président de la République soit élu directement au suffrage universel avec des pouvoirs qui le prémunisse contre tout abus, soit un régime présidentiel modéré».