Le nouveau gouvernement : un accouchement au forceps
ENFIN ! Il aura fallu un mois pour que l’Assemblée nationale constituante adopte l’organisation provisoire des pouvoirs publics et élise le président de la république provisoire et un autre mois pour former le gouvernement. Et dire que les tractations avaient commencé dès le mois d’avril avec la constitution de la coalition entre les trois partis : Ennahdha, le CPR et Ettakattol. L'accouchement, même si la composition exacte du gouvernement n'a pas été détailée, s'est fait au forceps au terme de tractations interminables pour ne pas employer le terme plus prosaïque de marchandage. l'annonce devait en être faite la semaine dernière. Mais à chaque fois, il y avait le grain de sable qui nous ramenait à la case départ.
Lundi, on pensait qu'on était au bout de nos peines. Le Président de la République était resté à son bureau tard dans la soirée, pensant que la formation n'allait pas tarder à lui être soumise pour approbation. Le Chef du gouvernement faisait la navette entre les deux présidents pour la mise au point finale. Il dut déchanter au dernier moment, balbutiant quelques mots d'excuse à la télévision. On pensait que les élections du 23 octobre allaient tout régler, que tous les problèmes allaient disparaître comme par enchantement et que le pays allait aussitôt se mettre au travail. On allait très vite découvrir que ce n’était pas aussi simple que ça. C'est la face cachée de la démocratie: les discussions animées, les palabres, même si cela peut faire désordre. Churchill reconnaissait que «c’était le pire des systèmes à l’exception de tous les autres », car on n’a pas trouvé mieux pour prévenir la dictature.
Le problème, c’est qu’il y a aujourd’hui péril en la demeure. Une économie en berne, des mouvements sociaux partout dans le pays et surtout un Etat en déliquescence. Le spectacle de ces valses-hésitations, de ces fausses annonces sur la formation du nouveau gouvernement, les querelles intestines au sein les partis, tout cela a été du plus mauvais effet sur le moral de la population. Il faut espérer que le gouvernement, enfin formé, passe très vite aux choses sérieuses et qu'il sache réponde aux attentes des Tunisiens impatients de recueillir les fruits de cette révolution qui leur a rendu la parole, mais dont ils attendent plus que cela, qu'elle leur offre la dignité et la justice.