"Le suicide collectif " est-il inévitable ?
«Le parti de la peur », une expression qui a fait fortune pendant les évènements de mai 1968 en France. Les étudiants contestataires l’utilisaient en mauvaise part pour exprimer leur mépris des Français qui avaient voté en masse pour les gaullistes au terme d’un mois de troubles. C’était pourtant ce vote qui avait sauvé le pays de la guerre civile.
Aujourd’hui, le parti majoritaire en Tunisie n’est pas celui qu’on croit, mais bien le parti de la peur. Je ne parle pas de la peur que peuvent ressentir ceux qui se sont rendus coupables d’actes délictueux sous l’ancien régime et qui doivent en répondre devant la justice, mais de cette peur légitime (Moncef Marzouki préfère parler d'angoisse) que revendiquent un grand nombre de Tunisiens, qu’ils soient d’en haut ou d’en bas, modernistes ou conservateurs.
Tous ont peur de l’instabilité, peur pour leur travail, pour leurs entreprises menacées dans leur existence même par les grèves et les sit in, pour leur acquis, pour leur avenir et celui de leurs enfants ; peur de ce parti dominant au double langage, de ce chef de parti omniprésent, omnipotent, de cette majorité automatique dont dispose la troïka, de cette opposition atomisée, sans leaders, incapable de proposer une alternative crédible, n'hésitant pas à tourner, parfois, le dos à ses idéaux pour quelques maroquins, des conséquences de l’OPA réussie du parti dominant sur le gouvernement avec l’accaparement des postes-clés, de la politisation des lieux de culte, de ces salafistes qui s’érigent en police de la pensée ; ils ont peur pour la Tunisie. Un sentiment salutaire et qu'on ne doit pas assimiler à de la pusillanimité, car il traduit une conscience aiguë des dangers qui guettent le pays et une ferme volonté de ne pas céder au désespoir.
Dans cette grisaille, il y a au moins, une mince lueur d'espoir, s'agissant de notre économie.Le président de la République provisoire a eu, il y a une dizaine de jours, les mots qu’il fallait, devant les patrons, pour stigmatiser « les grévistes qui pourraient nous conduire à un suicide collectif », car « le Tunisien ne vivra pas de liberté d’expression ni d’indépendance de la justice ». Mais que ne l’avait-il pas fait, quelques mois plus tôt, alors qu’il était encore temps, lorsque le Premier ministre provisoire, M. Béji Caïd Essebsi, avait appelé les partis et la société civile à se mobiliser contre ces actes qui risquaient de mettre le pays à genoux, sans rencontrer le moindre écho auprès des partis ou de la société civile.
La lucidité –bien que tardive- de Moncef Marzouki est fort louable, mais suffira t-elle à redresser la barre ? On tablait sur un taux de croissance de 1,5%. Nous en sommes à zéro. On était au bord de l’abîme. Depuis, on a fait un bond en avant. Mais, Il ne faut surtout pas s’amuser à creuser. Ce serait le suicide collectif garanti. On ne doit surtout pas se résoudre à la fatalité de l’échec après avoir réussi la plus belle des révolutions.
H.B.