Les promesses de la Nouvelle Pensée Islamique : Pour un Cogito plus humain !
La pensée islamique n'est plus en crise, a affirmé notre ami Ajmi Lourimi. Elle est plutôt face à un défi selon lui ; « elle doit prouver sa légitimité, son authenticité, son originalité et sa capacité à se renouveler et d'offrir à la raison politique son cadre conceptuel qui analyse et accompagne l'action et les transitions politiques…» : si tel est le cas, on est en droit de se poser quelques questions : depuis quand ? Et depuis « qui » (collégiale ou individuelle)? El le plus important : comment a-t-elle pu s’en sortir et comment pourra-t-elle continuer à s’en sortir ou assurer les conditions de sa bonne reconstitution? Aussi, pourra-t-on généraliser l’état de sortie de crise sur « toute » la pensée islamique ? Autrement dit : y a-t-il « une seule » pensée islamique ou plutôt une multitude d’écoles théologiques, jurisprudentielles, philosophiques islamiques ? Si on laisse à l’écart la pensée s’inspirant du « corpus officiel clos », parle-t-on ici des « nouveaux penseurs de l’Islam » (Abdul Karim Soroush, Mohammed Arkoun, Fazlur Rahman, Amin al-Khûli, Muhammad Khalafallâh, Nasr H. Abû Zayd, Farid Esack…), des « islamistes rationnels ou philosophes croyants » (Abuyaareb Al-Marzougui …), des « islamistes progressistes » (Hassen Hanafi, Ali Shariati, Hmida Enneifer…), des penseurs chercheurs en sciences sociales à tendance islamiste (Abdelwahab Bouhdiba, Mahmoud Dhawadi …), des penseurs politiciens islamistes modérés (Rached Ghannouchi…). Quelle que soit la forme de cette pensée islamique issue de la crise, nous nous trouvons ici face à un phénomène cognitif culturel universel concrétisant l’achèvement réel et plus ou moins conscient, selon les cas, du cycle prophétique, au sens que lui a conféré Iqbal : « la naissance de l’Islam est la naissance de la raison discursive, et la prophétie atteint, selon le point de vue de l’Islam, son intégralité finale en s’apercevant du besoin de mettre fin à la prophétie elle-même, et ceci comporte sa conscience profonde de l’impossibilité d’une perpétuelle dépendance d'une autorité extérieure, et que si l’homme cherche vraiment à atteindre le maximum de connaissance de lui-même et de ses capacités, il faudrait alors qu’on le laisse se débrouiller tout seul. L’opposition de l’Islam à la cléricature et à l’hérédité du pouvoir politique, et l’insistance du Coran sur le rôle de la raison et de l’expérience, et son appel continu à l’étude de l’univers et de l’histoire des anciens, ce ne sont-là que des aspects différents de l’idée de l’Achèvement du cycle prophétique ».
Voilà le paradigme général que nous proposons à la pensée islamique qui s’efforce de sortir de sa crise séculaire. Avoir dorénavant confiance en l’Homme, autrement en soi, au sens épistémique du terme. Construire notre modernité pour l’humanité. Car la « nôtre » serait une possibilité universelle d’émancipation réelle de la race humaine. La « nôtre » s’ouvre sur « autrui » et s’engage dans une logique d’altérité dont est dépourvue la modernité occidentale s’appuyant sur un cogito « formule de guerre » selon Michel Serres, car exprimant la tendance égocentrique, puis colonialiste de l’Occident ! Par contre « notre cogito » serait un cogito plus humain : ne réduisant pas la réalité de l’homme à sa dimension tout simplement cognitiviste calculatrice et instrumentaliste (Hobbes≠Habermas), mais intégrant plutôt ses divers mode de présence dans le monde : esthétique, spirituel, éthique, physique, affectif, sociale, communicationnel et technique.
Pr. Dr. Moussadak Jlidi
Universitaire