Mabrouka Mbarek : L'élue qui vient des Amériques
Pour bien la connaître, il faut aller sur ses traces à Bir Ali Ben Khelifa, à Strasbourg, au Yémen, en Inde, en Afghanistan, aux Etats-Unis ou au siège du CPR, le parti de Moncef Marzouki.
Mabrouka Mbarek, 31 ans, élue à la Constituante dans la circonscription Amériques et reste d’Europe, fait partie de cette nouvelle génération de jeunes Tunisiens qui accèdent de plain-pied à l’action politique en toute première ligne.
Bir Ali Ben Khelifa, à 60 km de Sfax, entre Kairouan, Sidi Bouzid et Gabès, c’est là que sont nés ses parents avant d’émigrer en France, dans les années 70. Son père, simple ouvrier balbutiant quelques mots en français, trouvera embauche à Strasbourg, c’est là où naîtra Mabrouka, c’est là où également — curieux hasard — Moncef Marzouki a fait ses études en médecine et verra naître ses deux filles, Meriem et Nadia.
Consciente que seule sa réussite scolaire et universitaire sera capable de la sortir de la très modeste situation familiale, Mabrouka, très studieuse, décrochera diplôme après diplôme. Elle ira à la faculté de Droit et d’Economie à Strasbourg, puis à Reims, pour des études de commerce, couronnées par un mastère en administration économique et sociale, et un deuxième en management.
Sujet de mémoire choisi : « Faire des affaires dans le monde arabe ». Un double intérêt en est à l’origine : d’abord une grande fascination pour l’Orient, où plongent ses racines, et pour l’innovation dans l’exploration des opportunités d’affaires.
Un stage au Yémen qui changera son parcours
A la recherche d’un stage de fin d’études, elle postule un peu partout jusqu’à ce qu’elle parvienne à obtenir la réponse de l’ambassade de France à Sanaâ, capitale du Yémen. Sans perdre une minute, elle s’y rendra. Toute sa vie prendra alors un nouveau virage. Découvrant ce pays à l’histoire millénaire et son peuple aspirant au grand progrès et à la démocratie, elle s’engage dans l’action sociale et humanitaire, fréquentant des ONG étrangères et yéménites, apprenant à comprendre les besoins réels de la population locale et de la société civile embryonnaire. Au lieu de deux mois de stages, elle y restera 4 mois, et ce n’est pas fini.
Du Yémen, elle part s’installer aux Etats-Unis, à San Francisco, où elle a pu trouver un emploi dans un cabinet d’audit, installé à Berkeley, particulièrement spécialisé dans la traque de la corruption, du blanchiment d’argent et des malversations.
Toujours attirée par l’action sociale et humanitaire, Mabrouka ne résistera pas à l’offre d’une ONG américaine opérant au Moyen-Orient qui la sollicite pour des actions en matière de santé, de droits de la femme et d’appui à la société civile. Et la voilà de retour au Yémen qu’elle a désormais dans le coeur.
Son travail est si accaparant qu’elle essayera de le prolonger à travers d’autres ONG. Embarquée de nouveau sur d’autres projets, elle sera affectée en Inde, mais aussi en Afghanistan, puis en Irak et au Liban, enchaînant les missions sur le terrain.
Le choix est fait
De nouveau aux Etats-Unis, elle a tout juste le temps de poser ses valises dans le Vermont, pas loin des frontières avec le Canada, à 2 heures de route de Montréal. C’est là que la révolution tunisienne vient la surprendre agréablement, mais en la secouant très profondément.
Elle qui s’était totalement dépensée pour d’autres pays ne peut se soustraire à l’appel de sa patrie au moment où elle peut lui être le plus utile.
Comment faire ? Collé à son ordinateur, suivant sur internet tout ce qui se passe en Tunisie et parmi la communauté tunisienne à l’étranger, elle apprend que des compatriotes commencent à s’organiser au Canada. Contact est pris avec eux et elle les rejoint à Montréal où devait se tenir une grande réunion regroupant les représentants de divers partis : PDP, CPR, Ettakatol et autres. D’ailleurs, le Dr Mustapha Ben Jaâfar (Ettakatol) s’y est rendu.
Mais, à bien sentir les choses, c’est le CPR qui a le plus séduit Mabrouka, d’abord par les idées et le programme, mais aussi le parcours militant du Dr Moncef Marzouki. Et c’est ainsi que Mabrouka s’engagea au sein du CPR.
Dès lors, elle sera de toutes les activités sur le terrain et se mettra à plein temps sur les réseaux sociaux et la communication par internet.
Mettant son expérience au service de l’équipe centrale du CPR à Tunis, elle s’occupera à partir des Etats-Unis du site de débats, de la newsletter, d’une série de communiqués de presse et autres initiatives que le travail à distance permet utilement.
Lorsque se précisent les élections pour la Constituante, Mabrouka apprend avec une joie inégalée que ses compagnons de lutte au sein du CPR en Amérique la proposent sur la liste du CPR dans une circonscription couvrant le Canada, les Etats-Unis, les autres pays d’Amérique du Sud et les pays d’Europe, hors la France, l’Italie, l’Allemagne et la Grande-Bretagne.
Un territoire si vaste qu’elle ne sait pas comment s’y prendre. Sachant que seul l’internet peut lui être efficace, elle se décidera à s’installer à Tunis pour mener à partir du siège du CPR sa cyber-campagne, appuyée sur le terrain, dans chacun des pays concernés, par les militants de son parti.
Le résultat n’a pas tardé : Mabrouka siège au Bardo. Une fois de plus, « la petite beurette » de Strasbourg voit sa vie s’engager sur une nouvelle voie : la meilleure pour elle, celle qu’elle n’avait jamais espéré emprunter.