Pourquoi Ahmed Néjib Chebbi a-t-il furieusement quitté la plénière au Bardo?
Décidément le courant ne passe aucunement entre Ahmed Nejib Chebbi et Mutapha ben Jaafar, longtemps alliés contre Ben Ali et à présent adversaires politiques. Une nouvelle illustration de ces rapports tendus a été offerte lundi après midi lors du débat avec le gouvernement à l'Assemblée nationale constituante. Lorsque Chebbi a pris la parole, la salle entière était toute ouïe pour écouter le chef de l'opposition. D'un commun accord, les différents groupes parlementaires avaient convenu d'un temps de parole et une liste d'intervenants devant prendre la parole a été remise à la Présidence de l'assemblée.
Sur un ton grave et solennel, Chebbi a dédouané le gouvernement quant aux grands problèmes qui se posent aujourd'hui au pays, les imputant à un lourd héritage mais estime que le gouvernement actuel en est partiellement responsable à cause de tout le temps perdu depuis trois mois à se repartir les portefeuilles ministériels entre les partenaires de la troïka. Aussi, a-t-il interpellé Hamadi Jebali à propos des accusations qu'il avait adressées samedi soir de manière à peine voilée à "des forces politiques vaincues" lors des élections et d'autres qualifiées d'ennemies de la révolution l'invitant à les désigner nommément.
Les vraies tensions, selon Chebbi, résident dans la situation dramatique dans nombre de régions, citant à ce titre celles de Fériana, Ain Draham et autres où les travailleurs sur les chantiers publics n'ont pas été payés depuis 4 et même 5 mois. Plus encore, si les plus chanceux d'entre eux travaillent 26 jours sur 30, pour gagner 230 d, la majorité n'exerce que pendant 10 jours pour 70 d.
Arrivé à ce stade de son intervention, Chebbi est interpellé par Ben Jaafar qui lui demande de clore son intervention. Ahmed Nejib, très surpris par cette demande, rappelle au président qu'il n'a pas jusque-là épuisé le temps de parole accordé à son groupe, qu'ensuite, l'heure est si grave qu'il convient de laisser l'opposition se faire entendre et s'exprimer et enfin, que si l'assemblée qui s'était étalée depuis trois mois sur des sujets moins importants, ne saurait faire l'économie d'un débat de fond sur la situation si préoccupante que l'on connaît aujourd'hui.
La réponse n'a pas tardé. Le micro est coupé. Furieux, Chebbi quitte la salle. Le vrai débat est interrompu.
La réponse n'a pas tardé. Le micro est coupé. Furieux, Chebbi quitte la salle. Le vrai débat n'a pu se poursuivre. Et c’était bien dommage.
Pourtant, le président de l’Assemblée avait fait preuve jusque-là de souplesse à propos des dépassements du temps de parole, surtout quand le sujet valait la peine. Et celui, abordé par Néjib Chabbi l’était. Car c’était l’occasion ou jamais d’engager un débat franc sur les vrais problèmes auxquels le pays est confronté, de les identifier et de réfléchir ensemble sur les moyens de les résoudre. Et puis, depuis le temps qu’on nous parle de forces occultes, de partis défaits aux élections qui pratiquent la stratégie de la tension (cela avait commencé d’ailleurs avec le gouvernement précédent), au risque de jeter le discrédit sur toute l’opposition, on était bien curieux de les connaître et de les confondre. Cela ne valait-il pas quelques minutes supplémentaires, Monsieur le président ?