Touche pas à mon père !

Je ne peux commencer cette note autrement que par un énorme remerciement aux innombrables messages de soutien que ma famille et moi avons reçus suite à l’agression de mon père hier matin devant le palais de justice, en marge du procès de Nessma TV. Ce qui m’a le plus touché, c’est que la plupart de ces messages provenaient d'inconnus qui ont pris la peine de m’écrire afin d’exprimer leur sympathie et leur indignation. Non pas au nom de notre amitié, ni en raison de la qualité de professeur et d’écrivain de Hamadi Redissi, mais simplement parce que tout le monde a cru reconnaitre en cette triste scène son père, ou n’importe quel membre de sa famille, sorti manifester pacifiquement contre la violence et pour la liberté d’expression. Hier ils s’appelaient Hamadi et Zied, demain ce pourrait être à votre tour d’être pris à partie par une horde de barbus sauvages, simplement parce que vous osez avoir une opinion divergente de la leur.  

Voilà où nous en sommes aujourd’hui, voilà où en est cette majorité progressiste réduite au silence et à la peur face à une minorité d’apprentis terroristes ignares, bras armé du parti au pouvoir. Qu’attendons-nous pour faire le ménage ? Avons-nous peur de froisser Dieu ? Celui dont on a m’a toujours parlé n’est que bonté et amour dit-on, j’imagine donc qu’il ne cautionne pas cette vermine qui n’est que haine et violence. Nous ne demandons pas de mettre tous les barbus en prison, non, ne rêvons pas, Ben Ali était malheureusement le seul à détenir la formule magique anti-salafiste ! Nous demandons simplement à la police de faire régner l’ordre en assurant le respect des libertés individuelles de chacun. Nous sommes dans un Etat de Droit et les auteurs de ce genre de violence doivent être arrêtés et jugés.

A toi, jeune tunisien écervelé, instrumentalisé par les marchands de Dieu, comme je te plains ! Toi qui oses t’attaquer à deux hommes deux fois plus âgés que toi, deux intellectuels et penseurs qui ont combattu la dictature par leurs actes et leurs mots des années durant, lorsque tu n’étais encore que le chômeur du café du coin, avant que tu ne décroches ce poste inespéré de fouteur de m...à temps plein. Ces hommes ont consacré leur vie au combat pour la liberté, dont tu jouis enfin aujourd’hui et que tu utilises maladroitement pour bafouer celle des autres.

Je te plains et je te comprends ! Je sais que tu n’es que le fruit d’un système qui t’a oublié pendant beaucoup trop longtemps. Des conditions sociales difficiles et un manque d’éducation évident, aggravés par l’injustice des années Ben Ali ont fait de toi une espèce mutante, dont la bêtise n’a d’égal que la violence. Mais toi et le troupeau de tes semblables devez savoir que désormais, vous ne nous faites plus peur ! Et que si demain nous sommes amenés à entrer en guerre civile pour vous empêcher de faire sombrer ce pays dans l’obscurantisme, sachez également que ce ne sont pas vos barbes mal rasées qui vont nous intimider ! N’oubliez pas qu’au lendemain du 14, lorsque la police était dans l’incapacité d’assurer notre protection contre des miliciens armés et surentrainés, nous avons eu la force et le courage de leur tenir tête à mains nues afin de défendre notre quartier et nos proches. Nous sommes prêts à le refaire demain, pour protéger notre belle patrie et notre dignité, quitte à y laisser la vie !

A toi, mon père, mon héros ! Toi qui est prêt à défendre tes amis, tes proches et tes idéaux bec et ongles, à ton honorable et symbolique geste de courage face à cette horde de sauvage, dans lequel je puise la force d’écrire ces quelques lignes et de continuer ce noble combat pour la liberté, auquel tu as consacré ta vie et ta carrière : du fond du cœur, merci !
 
Nous vivrons sur son sol dans la dignité, ou nous mourrons pour elle dans la grandeur
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Yassine Redissi