La salafisation rampante de la société tunisienne
Le projet de création d'institutions régionales chargées d'émettre des fatwa est-elle un nouveau jalon sur la voie de la "salafisation" rampante du pays ? Il ne s'agit pas d'une idée lancée par un citoyen en mal de publicité, mais par le ministre des affaires religieuses qui est également imam à la mosquée El Fath, Noureddine El Khadmi dont les sermons du vendredi sont loin d'être des modèles de tolérance et d'ouverture. Contrôlées directement par le ministre, il leur serait loisible de recevoir les demandes de conversion à l'islam qui relèvent actuellement des attributions du mufti et d'émettre des fatwas à propos de tous les aspects de la vie quotidienne.«Yajouz aw la Yajouz». Notre vie serait rythmée par ces termes. Au moindre geste, il faudrait demander l'avis du mufti local ou régional. Une étape sans doute vers la restauration des tribunaux charaïques, supprimés au lendemain de l'indépendance par Bourguiba. Ce projet vise également à court-circuiter le Mufti qui serait confiné ainsi dans un rôle décoratif.Sentant le piège, le mufti a émis de sérieuses réserves sur ce projet : «Je ne vois pas l'utilité des institutions projetées. Il y a déjà une institution qui remplit sa mission convenablement et répond aux besoins. Pourquoi courir disperser les efforts» a dit cheikh Battikh dans une déclaration à Mosaïquefm.
Pour rappel, Khadmi est également président fondateur de l'Association tunisienne des sciences charaïques qui avait inauguré ses activités l’été dernier par un séminaire sur le thème : « Les élections sont-elles compatibles avec l'Islam ? ». Ce n'est pas tout. Depuis quelques semaines, des groupes de salafistes font des descentes chez les libraires pour les conseiller de retirer quelques ouvrages qu'ils indécents ou sacrilèges, « s'ils ne veulent pas avoir d'ennuis ». Les libraires se sont exécutés. Ceci, sans oublier les sit in, de la Manouba, les incidents à Sousse, à la faculté des lettres, au foyer d'El Ghazali, les agressions contre les journalistes et les intellectuels et les petites provocations quotidiennes contre les femmes non voilées.