Debout les femmes, on nous menace au nom de la Charia
Depuis le début de son histoire, la Tunisie a compté avec ses femmes. En fondant Carthage, puis en s’immolant par le feu pour sauver son honneur,Elyssa en est la plus illustre. Elle a gravé, dans l’histoire de notre pays, son nom pour l’éternité.
La Tunisie se retrouve ainsi la riche héritière d’une « symbolique » qui ne peut nous mener que vers le progrès, et n’en déplaise à ceux qui n’y croient pas, seule la femme libre est l’avenir de l’homme et de son pays.
Dans notre histoire ancienne et contemporaine, beaucoup de femmes se sont distinguées : d’Al Kahena à…Radhia Nasraoui, Naziha Rjiba(OmZied), souheir
belhassen, les femmes démocrates …sans oublier nos grands- mères et nos mères qui ont pris part à la lutte pour l’indépendance, dont Bchira Ben Mrad,Chedlia Bouzgarou, Khadija Tabbel, Bakhta Dahane et bien d’autres.
Après l’indépendance, LesTunisiennes ne se sont pas fait prier pour poursuivre le combat, cette fois-ci, contre l’obscurantisme et les discriminations contre les femmes…Ellesavaient gagné en la personne du Président HABIB BOURGUIBA, leur meilleur allié et protecteur et en TAHAR HADDAD, penseur du début du XXe siècle etfigure emblématique du mouvement de libération de la femme, leur meilleur défenseur.
Une fois le code du statut personnel promulgué, les Tunisiennes se libèrent et se jettent corps et âme dans le combat national. Fières de cet acquis, elles relèvent à leur tour le défi de faire de leur émancipation un exemple pour notre monde arabe.
Armées de leur courage, ces femmes réussissent dans les années 60 à rallier à leur cause un grand nombre de leurs compatriotes qui ne savaient pas trop ce qui leur arrivait puisqu’ elles ignoraient encore ce que signifiait le mot « émancipation ». Ce sont ces filles de « bonnes familles » qui sont allées à la rencontre de la Tunisie profonde pour convaincre du bien-fondé de la lutte qu’elles avaient décidée de mener.L’engouement et la mobilisation ont dépassé tous les espoirs : des centaines puis des milliers de Tunisiennes, toutes couches sociales confondues, ont montré leur détermination à devenir des citoyennes à part entière.
Ces femmes courageuses ont, au détriment de leur famille et de leur vie personnelle, au grand dam de leurs pères, leurs frères et leurs maris, sillonné les quatre coins de la Tunisie pour apporter des solutions, du soutien et de l’aide aux familles dans le besoin et dans l’ignorance.
L’Union nationale des femmes tunisiennes qui a vu le jour ces années-là avait réalisé à elle seule plus d’exploits dans le domaine social et de l’éducation que n’importe quelle autre organisation gouvernementale de l’époque et sans doute même plus tard.
Toutes ces femmes élevées dans la tradition musulmane n’ont pas hésité à répondre à l’appel de la nation « le jihad »,le vrai. Elles se sont battues jusqu’ au bout de leurs forces, dans une société encore machiste. Tous ces efforts n’ont pas été déployés pour voir,aujourd’hui proliférer en Tunisie le « niqab », symbole de la honte d’être une femme. D’autres ont préféré garder le visage découvert mais ont opté pour des tenues obscures et fantomatiques qui balayent avec leur longueur démesurée les rues et les avenues, et assombrissent en passant un paysage jusque-là clair et sécurisant. L’élégance est-elle devenue une tare dans notre pays ?
Nos députées, quant à elles, tout en respectant leurs convictions religieuses pourraient faire un effort pour offrir une meilleure image de la femme tunisienne qu’elles représentent : une pointe de bon goût et un sourire de temps à autre seraient les bienvenus. La retransmission télévisuelle ne pardonne pas.
Sur un autre plan, ce serait un vrai gâchis si, malgré notre précieux héritage historique et civilisationnel avec ce qu’il compte de valeurs issues de notre identité arabo-musulmane,nous nous laissions faire sans réagir par un gouvernement qui ne nous dit pas tout et qui ne prend pas ses responsabilités laissant la population sous la menace permanente d’un groupe de Salafistes dangereux qui veut imposer ses lois et ses châtiments. Les derniers événements de Bir Ali ben khlifa et de Sejnane en sont la preuve irréfutable.
Les exemples d’exactions sont de plus en plus nombreux dans notre pays post révolutionnaire, exactions dont sont surtout victimes les élites, le corps enseignant, les journalistes, les intellectuels, les artistes, les femmes non voilées … L’expérience terrifiante de l’université de la Manouba est encore douloureusement présente dans les esprits et ne nous rassure nullement sur l’avenir de nos universités.
Ikbal Gharbi professeur à l’université Zeytouna,menacée et renvoyée de son lieu de son travail, Radio Zitouna, qu’elle n’a jamais pu réintégrer en est un exemple significatif.
LesSalafistes sont les maîtres de certains lieux sous le regard complaisant d’un gouvernement qui n’a manifestement pas envie de les contrarier continuant à minimiser la menace qui ne pèse plus que sur les femmes mais sur tout le pays. Jusqu’à ce jour, aucun signe de compassion manifesté ni protection assurée,aucun geste symbolique n’a été fait, pour soutenir ces femmes menacées, notamment les universitaires qui n’ont plus que leur courage pour se défendre.
Il est vrai que nous nous sommes laissées longtemps bercer par le rêve que nous étions intouchables.Nous avions naturellement baissé la garde avec le temps que l’on croyait nôtre : erreur impardonnable. On est en train de passer lentement du voile au niqab, de l’école publique à l’école coranique, de la prière à la maison à celle dans les mosquées,de la tolérance au rejet de l’autre. Voilà la situation exacte dans laquelle se trouve notre pays.
En effet,ce qui nous a échappé c’est que nos compatriotes d’hier ne sont plus celles d’aujourd’hui. Les reconquérir et essayer de les convaincre est désormais le grand défi à relever. Si nous ne bougeons pas nous allons rattraper plus tôt que prévu le cortège des pays enfermésdans leur intolérance et fiers de l’être et nous risquons d’être à notre tour entrainées dans cette nébuleuse terrifiante.
Mêmeles petites filles n’yéchappent pas, on leur impose le voile dans le meilleur des cas, le niqab au pire. Et selon les dernières déclarations de Salafistes véreux, elles sont dès leur jeune âge destinées à être mises à la disposition des mâles. N’est-ce pas là des pratiques attentatoires à l’enfance ou est-ce que l’horreur n’a plus de limite ?
Où sont les défenseurs des Droits de l’Homme en Tunisie ? Où sont les militantes d’hier dont on était si fières ? Que fait Moncef Marzouki (ex)défenseur des Droits de l‘Homme, aurait-il perdu, en route pour la présidentielle, sa vocation pour ne conserver que le burnous de Monsieur le Président ?
Nous avons longtemps cru que le Code du statut personnel (CSP) était une protection inviolable et notre émancipation un acquis non négociable. Le parti Ennahdha a, non seulement, brisé notrerêve,mais certains de ses partisans sont devenus une menace pour la frange la plus combative de la société : LES FEMMES.
Debout les Femmes,suivons l’exemple de toutes ces Tunisiennes qui nous ont tracé le chemin,nos enfants sont en danger, nos acquis sont en danger, la religion à laquelle nous appartenons toutes est instrumentalisée par l’islam politique toutes tendances confondues.Les déclarations commencent à préparer l’opinion publique et l’opposition est impuissante devant cette machine qui veut nous broyer.
Le 7 janvier à l’ouverture du 42ème forum économique mondial de Davos, où la Tunisie n’a pas particulièrement brillé, Desmond Tutu déclarait : « Nous avons besoin d’une révolution menée par les femmes … Elles devraient dire aux hommes :- vous avez fichu la pagaille, sortez et laissez nous entrer. »
Faut-il rappeler qu’en 1956 Bourguiba tenait les mêmes propos « sans une révolution féminine,aucun progrès n’est possible. »
Oui, le salut viendra par nous toutes, parce que nous sommes des mères, et les mères …on ne touche pas à leurs enfants.
Latifa Moussa
Journaliste