Pour en finir avec les sit-in…
Le gouvernement n’est pas le seul à en avoir assez des sit-in, des grèves et autres manifestations qui troublent la vie publique. Les citoyens tunisiens aussi, qui espéraient du 23 octobre qu’il marque – avec l’arrivée au pouvoir d’un gouvernement légitimé par les urnes – la fin de l’instabilité dont ils sont les premiers à souffrir. Et le début du travail de fond, avec en perspective des solutions aux nombreux problèmes qui les préoccupent, et qui les ont conduits à se soulever : emploi, liberté, dignité.
Il n’en a rien été. Au lieu de voir la majorité se mettre rapidement à la tâche, ils ont assisté de longues semaines à ses conciliabules indécents pour le partage des maroquins et des présidences. Avec comme résultat, non le gouvernement resserré et compétent qu’ils attendaient, mais un gouvernement pléthorique de politiciens peu au fait de la chose publique. Lequel, au lieu de restaurer l’ordre et la sécurité publiques, a livré ses citoyens – et des pans entiers du territoire – à l’arbitraire de milices salafistes que nul dirigeant, et en tout cas pas le ministre de l’Intérieur, n’a songé en soufflant le chaud et le froid, en nourrissant la cacophonie au sein du gouvernement, en appelant les milices partisanes à se substituer aux institutions publiques, et tout cela dans l’indifférence à la souffrance des citoyens.
Personne n’attendait certes de ce gouvernement, ni d’aucun autre, qu’il résolût en un clin d’œil les problèmes critiques accumulés durant des années de malversations et de dictature. Mais qu’il se mît au travail sérieusement pour rétablir la confiance et la foi en l’avenir, cela ils étaient par contre en droit de l’espérer. Il lui eût fallu s’attacher à réunir plutôt qu’à diviser, à rassembler plutôt qu’à disperser, à rassurer plutôt qu’à inquiéter. En un mot, il lui eût fallu se poser en gouvernement d’unification de la nation plutôt qu’en faction partisane.
Mais il n’est pas trop tard pour revenir à la raison et ramener le calme dans le pays. Un pays dont l’histoire n’a pas toujours été – c’est un euphémisme – un long fleuve tranquille. Mais s’il a à rappeler au respect de la loi.
Pu néanmoins traverser les siècles Au lieu du triomphe de l’Etat de dans une relative quiétude, c’est droit, les Tunisiens ont donc été grâce à ce pacte –que le XIXème les témoins – comme au temps siècle fera passer à la postérité sous de Ben Ali – du tabassage des le nom de « ahd al amane » -que universitaires et des journalistes ses citoyens ont tour à tour passé par une police qui avait en avec ceux qui se sont succédé revanche les yeux de Chimène à sa tête. Pour les occupants illégaux de la faculté des Lettres.
Qu’il soit implicite ou explicite, auquel cas il porte le nom de Au lieu de la relance des constitutions, son contenu est peu investissements et de la priorité ou prou le même : l’exercice du pour l’emploi qu’ils espéraient, ils ont dû se contenter de la visite, toutes affaires cessantes, d’Ismaïl Haniya, en attendant celle d’Ali Belhadj. Avec en prime ces scandaleux cris de « mort aux juifs » lancés à l’aéroport de Tunis-Carthage sans que les dirigeants du pays ne s’en émeuvent et ne poursuivent les auteurs. Des auteurs qu’ils connaissent bien pourtant, puisque selon les dires mêmes du président de facto du pays, ils sont des leurs.
Il y avait tout de même d’autres urgences que celle de faire de Tunis – après Khartoum et Kaboul – une plaque tournante de l’Internationale islamiste. Il y avait d’autres priorités que de relâcher dans la nature des milliers de criminels, ajoutant de l’insécurité à cette insécurité dont souffrent cruellement les Tunisiens depuis des mois, et avec laquelle ils pensaient en avoir fini. Il y avait un autre agenda que celui d’entretenir l’anxiété pouvoir concédé aux puissants du moment, à charge pour eux d’assurer aux citoyens justice et sécurité. C’est pour avoir failli à la première de ces obligations que Ben Ali a été dégagé. Et si la révolution qui l’a chassé a jugé vital d’enrichir ce pacte d’une troisième exigence – celle de la liberté – c’est que sans elle le respect des deux premières restait éminemment fragile. Ce triptyque constitue donc désormais la ligne rouge qu’aucun gouvernement ne devrait se hasarder à violer, car elle a été écrite avec le sang des martyrs.
Alors, que ce gouvernement gouverne selon ces lignes, chaque Tunisien – qu’il ait ou non voté pour l’un des partis de la Troïka– n’espère que cela. Il dispose d’une majorité et de la légitimité du suffrage universel pour le faire. Qu’attend-il donc ?
M.J.
(Universitaire)