Bourguiba – Ben Youssef : Le Grand Pardon !
Scène insolite ce mardi 20 mars dans la cour d’Honneur du Palais présidentiel de Carthage : Sophia Ben Youssef, la veuve du leader assassiné par des hommes à Bourguiba tend dignement la main à Hager Bourguiba, la fille adoptive du « Combattant Suprême », sous les regards des chefs de la Troïka : Moncef Marzouki, Mustapha Ben Jaafar et Hamadi Jebali. Sophia était venue avec son fils et des petits enfants, alors que les Bourguiba étaient également représentés par les trois enfants d’Habib Bourguiba Jr: Moez, Mehdi et Mariem.
Visiblement émus, les membres du gouvernement et des chefs de partis, tout comme l’ancien président de la République par Intérim, Foued Mebazaa et l’ancien ministre de Bourguiba, Mustapha Filali, présents à cette cérémonie solennelle, ne pouvaient qu’apprécier, bénissant cette grande réconciliation.
Les communicants de Marzouki l’ont soigneusement préparée. Son discours, à l’occasion de la célébration du 56ème anniversaire de l’Indépendance, a été placé en grande partie sous le signe de la réconciliation nationale. En remontant le cours de l’histoire, il a rappelé que la signature du protocole d’accord pour l’indépendance de la Tunisie, le 20 mars 1956 était motif de joie pour une bonne partie des Tunisiens et source de frustration, puis, d’exclusion et de répression, subies par d’autres, ceux qui s’étaient alignés derrière le leaders Salah Ben Youssef, dans son refus de l’autonomie interne. Tout en rendant hommage aux martyrs des deux camps et à ceux qui sont tombés pour le recouvrement de l’Indépendance, puis la révolution, le président de la République a lancé un appel à l’union nationale, mettant en garde contre toutes les tentatives de déstabilisation et de division.
Evoquant les souffrances subies par nombre de Tunisiens depuis l’Indépendance, victimes de la répression pour leurs idées et leur lutte contre la dictature, Dr Marzouki a affirmé que l’Etat doit présenter ses excuses à toutes les victimes et procéder à la réparation des préjudices encourus. Sur un ton solennel, il a tenu à dire « au nom de l’Etat, je leur présente les excuses de la République».
Dans la cour d’Honneur du Palais, le cérémonial se voulait à la hauteur de l’évènement. Des détachements des trois armées rendaient les honneurs, levée des couleurs et salut au drapeau, puis décoration de la veuve du leader Salah Ben Youssef, du Grand Cordon de l’Ordre de l’Indépendance.
Deuxième moment fort de cette célébration, la décoration du doyen des militants des droits de l’Homme et pour la démocratie, Ali Ben Salem (80 ans). Dans le Salon Doré, le Président Marzouki lui a remis le Grand Cordon de l’Ordre de l’Indépendance. Jusqu’à la veille de la révolution, Ben Salem, membre de la LTDH et président de sa section de Bizerte, continuait à endurer le harcèlement de la police politique du régime déchu, après avoir purgé au total pas moins de 16 ans de prison et resté privé d’une carte de soins, malgré un état de santé dégradé.
Au lendemain même de son accession à la Présidence, Dr Marzouki, lui avait réservé sa première sortie de Carthage en allant lui rendre visite chez-lui à Bizerte, mercredi 14 décembre 2011. L’hommage qu’il lui rend en ce 20 mars, se veut porteur d'une forte symbolique.