A Monastir, Caïd Essebsi en "grand'messe" du centre démocrate
Rien n’y manquait : ni la fanfare de Ksar Helal qui rappelle les marches du mouvement national, ni le flambeau porté par des jeunes venus à pied de la ville qui avait abrité le congrès constitutif du Néo-Destour le 2 mars 1934, ni la fillette offrant une gerbe de fleurs et prononçant un discours d’espoir et de confiance. Ni encore, un poète qui enflamme la salle, en l’occurrence Kacem Abdelkader de Jammel. En ce samedi, la ville de Monastir revivait l’un des moments forts bourguibiens comme au temps du Zaïm. En mise à jour, pour épouser l’air du temps, Khaoula Rachidi, cette étudiante qui avait défendu le drapeau national à la Manouba, était également au rendez-vous.
La salle couverte, sur la route de Khenis était incapable d’accueillir les milliers de tunisiens et tunisiennes, venus de toutes les régions, entre représentants de plus de 50 partis et 500 associations, vieux militants du Destour, anciens ministres, gouverneurs, députés, maires, et hauts cadres, toutes générations confondues et simples citoyens.
Dès le début de l’après-midi, la salle était prise d’assaut par les 5000 personnes qu’elle pouvait accueillir, alors que plus de 2000 autres, au moins, ont du rester à l’extérieur, suivre le meeting, sur grand écran. Prévu à 15 heures, le meeting organisé par l’Association de la Pensée Bourguibienne où se rassemblent quasiment toutes les figures monastiriennes, n’a pu démarrer que vers 16H45. A l’arrivée de chacune des stars du jour, les Kamel Morajane, Taieb Baccouche, Ahmed Néjib Chebbi, Mohamed Jegham, Mustapha Filali, Mohamed Ennaceur, Lazhar karoui Chebbi, Said el Aidi, Slaheddine Sellami, Khaoula Rachidi, Lotfi Bouchnak et autres, la salle, debout, lance une grande ovation, entonnant parfois l’hymne national, et scandant des slogans en hommage à Bourguiba, pour la liberté et contre toute nouvelle dictature.
Une seule fausse note, le fameux dégage quasi-unanime opposé au correspondant d’Al Jazeera, Lotfi Hajji. Une sorte d’hystérie collective s’était en effet emparée de la salle comme si elle cherchait à être exorcisée d’un cauchemar, exigeant son départ, ce qui a rendu difficile la mission du service de l’ordre, pour lui permettre effectivement de quitter les lieux. L’apprenant et le déplorant, Béji Caïd Essebsi demandera au maitre de cérémonie de dire au micro qu’aucune exclusion, encore moins celle d’un journaliste, ne saurait être acceptée.
Caïd Essebsi aura droit, à son arrivée, à un accueil triomphal entre applaudissements, youyous et fanfare. Le service d’ordre peine à lui frayer chemin jusqu’à la tribune et l’ovation ne s’arrête pas pendant longues minutes. Les chefs de partis étaient invités à monter à la tribune dans une grande improvisation qui caractérise les meetings populaires, et la cérémonie d’ouverture peut alors commencer. Levée des couleurs par Khaoula Rachidi et hymne national, pour céder la place aux premières interventions.
A « l’enfant prodige du Sahel, de la Tunisie et de l’ONU » comme le présentera le speaker, c’est au chef d’Al Moubadara, Kamel Morjane, de prendre en premier la parole. Un discours mesuré, appelant au resserrement des liens et au consensus pour « bâtir ensemble un Etat de droit, démocratique et moderniste». Au nom du Parti National Tunisien, Faouzi Elloumi précisera « qu’il ne s’agit de s’opposer à un quelconque projet, mais de se redéployer afin de retrouver notre place légitime sur l’échiquier politique, de refuser une condamnation collective, de réclamer l’accélération de la justice transitionnelle, et de faire prévaloir le discours de la raison et de la concorde, un discours d’Etat».
Ahmed Néjib Chebbi (PDP) ira encore plus loin, réclamant la formation d’un gouvernement d’union nationale véritable, présidé par une personnalité indépendante et s’élargissant aux partis et représentants de la société civile, loin de tous quotas. Quant à Boujemaa Remili (Ettajdid), il surprendra agréablement les destouriens en affirmant, sans avoir omis de rappeler les origines communistes de son parti, que « Bourguiba est un acquis pour tous les Tunisiens », que « les nouveaux gouvernants confondent la Tunisie avec un émirat du Golfe » et que « les forces vives démocratiques sont mobilisées autour d’un projet fédérateur ».
Court intermède mal maîtrisé de l’un des avocats qui se sont constitués en collectifs pour soutenir Béji Caïd Essebsi dans l’éventualité de poursuites judiciaires qui seraient engagées à son encontre et place à Lotfi Bouchnak. De toute sa superbe, il enflammera la salle avec un nouveau poème qui se veut en quelque sorte un Chant du Départ, un appel à la renaissance et à la mobilisation pour défendre la Tunisie et sa modernité et ancrer la démocratie.
En grande vedette, il ne restait plus à Béji Caïd Essebsi qu’à communier avec un public en extase. Quitte à en décevoir certains pour n’avoir pas annoncé la création de son parti ou de son front ou encore n’avoir pas exalté, suffisamment à leur goût, les Destouriens, il fera tabac. Il gardera ses fans en haleine, même s’il les laisse sur leur faim. Rien de concret, peut-être, mais quelle ambiance. L’espoir renaît.
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