Sourçage et crédibilité
L'éclatement du paysage médiatique avec le fulgurant développement des supports multimédias a généré un irrésistible désir d'informer et de communiquer .Un échange élargissant certainement l'espace de la liberté d'expression mais pose également la lancinante problématique de l'importance que revêtent les sources et leur impact sur la crédibilité des messages véhiculés.
La récente résurgence sur les colonnes de certains journaux d'articles non signés (cas de l'hypothétique complot contre le gouvernement actuel de Jebali) interpelle sur les visées des auteurs, alors que l'éthique professionnelle répugne ce type de pratiques que l'on croyait révolues. Elles nuisent à la crédibilité de l'organe de presse, en particulier et à la profession, en général .Une profession soumise, de nos jours à une batterie de critiques et aux procès d'intention venant d'entités et de personnes peu aux faits des rouages du milieu de la profession.
C'est que la presse se situe à l'intersection d'intérêts complexes, à l'image des contradictions politiques socio-économiques et culturelles qui sillonnent toute société, de surcroît ,en mutation. Qualifiée, par euphémisme, de 4 ème pouvoir, elle reste le premier réceptacle de ces contradictions. Dans la foulée d'une révolution Tunisienne à la recherche de nouveaux repères, la presse, outre sa mission de mettre à la disposition du public une matière informative fiable, indépendante et objective risque de se transformer – par glissement – en un terrain de manipulation, de propagande, de règlements de compte feutrés et de chantage. Difficile ici de tracer la ligne de démarcation entre l'information honnête et la communication encline plutôt au racolage et au marketing. S'il est facile de monter une cabale contre une personne, une structure ou une entreprise, il n'est pas autant facile de remédier aux dommages moraux et matériels en découlant, même si des démentis s'en suivent, par le biais du droit de réponse garanti par la loi.
A priori, cet écueil peut être évité par un retour aux normes de la déontologie et une responsabilisation des sources qui doivent être identifiables et transparentes . Outil fondamental de questionnement citoyen sur la marche de la société, une presse digne n'a pas à faire l'apologie de n'importe quelle politique. Son rôle de véhicule de transmission doit respecter, autant que faire se peut les multiples facettes d'une même question. A l'instar des procédures suivies, mais à huis clos, par les commissions des groupes parlementaires. Aux organes partisans et autres lobbies de justifier - parfois dans la polémique - leurs objectifs idéologiques et intéressés. Les exclusivités issues des fameuses "sources bien ou généralement informées" et autres "on croit savoir", " On apprend de bonne source " doivent être utilisées, avec parcimonie après les précautions de vérification et de recoupement avec la ou les parties visées par une information de quelque nature qu'elle soit. La crédibilité d'une information est tributaire de l'identification de sa source. Dans une démocratie naissante, ceux et celles qui se consacrent volontairement au service public doivent se la jouer à visage découvert. Même si- comme disaient les Grecs anciens- la parole était donnée à l'homme pour cacher sa pensée (stratégie).
Dans ce rôle de médium, où la politique demeure comme elle l'a toujours été une illusion, le journaliste peut citer des sources non- identifiées, à condition que celles-ci exigent l'anonymat. Il doit garder, toutefois sous la main une trace (un document) prouvant l'option de son informateur. Le secret des sources n'est pas absolu .Le journaliste, comme tout citoyen est tenu, par la loi de dévoiler sa source, lorsqu'une l'autorité judiciaire décide de se saisir d'une affaire, à caractère sensible ou touchant l'honneur d'une personne par voie de diffamation. Bien que le journaliste bénéficie, dans certaines circonstances- du préjugé favorable, la liberté de la presse n'a pas de substance en l'absence du sens de la responsabilité et du respect des règles de la convivialité (droits et devoirs).
Dans ce contexte, le secteur de la presse n'aurait pas besoin d'une instance de régulation, si ses professionnels étaient autorégulés. Ce serait l'idéal, si tous les autres protagonistes de la vie publique l’étaient, à leur tour.
HO