Soulagement
Je suis parmi ceux qui ont poussé un grand soupir de soulagement lorsqu’Ennahdha a décidé de s’en tenir à la reconduction de l’article Un de la Constitution de 1959 écartant ainsi le souhait de certainsd’inclure la « chariaa » comme source essentielle, voire unique du Droit dans notre pays.
Un obstacle majeur sur la voie de la rédaction de la nouvelle constitution a été ainsi écarté. Quoique n’appartenant pas à Ennahdha, je tiens à exprimer ma reconnaissance à ce grand parti d’avoir pris cette position courageuse frappée du sceau du pragmatique et de la responsabilité politique.
Qui a amené Ennahdha, dans sa majorité, à lever enfin l’ambiguïté qu’a ressentie plus d’un d’entre nous sur notre modèle de société ?
D’abord, Ennahdha a voulu rester fidèle à ses engagements politiques. Elle n’a jamais fait figurer la « chariaa » dans son programme politique. C’est là un signe précurseur qu’Ennahdha continuera à respecter ses engagements dont celui de la tenue des prochaines élections dans un an.
Le second facteur qui a pesé lourd dans la décision, murement réfléchie d’Ennahdha, est le fait que ce grand parti a su tenir compte de la position des personnalités qui ont donné leur avis, sur les grandes lignes de la constitution, aux commissions de l’ANC.
Le troisième facteur est la position ferme et spontanée adoptée par la société civile qui s’est exprimée le 20 mars 2012. Ennahdha, en observateur politique de la réalité tunisienne, a compris que si la «chariaa » devait figurer dans la constitution, par voie de vote, cela consacrera la division du pays avec toutes les conséquences qui en découlent.
La solidarité qui s’est manifestée autour de la défense de l’emblème national a montré que les tunisiens sont un seul peuple et que sur ce drapeau, figurent cinq étoiles qui rappellent les cinq règles que doivent observer les musulmans.
Le quatrième facteur, et non des moindres, est la crainte que le faux problème de la « chariaa » ne sonne le glas pour la « troika » car certains se sont prononcés contre le projet d’inclusion de la « chariaa » dans la constitution. Pourquoi l’inclure alors que notre code des obligations et des contrats, notre code des droits réels et notre jurisprudence respectent depuis cinquante ans les principes islamiques ?
Je pense que le péril salafiste, dans sa branche extrémiste, a monté les risques que pourrait recouvrer cette « chariaa » si elle était adoptée (excision, houdoud etc).
Enfin, un facteur extérieur a joué un rôle majeur comme l’ont montré les déclarations de la Chancelière allemande et le Président italien qui ont tenu à ce que la Tunisie s’engage sur le sentier de la démocratie.
Ennahdha a monté qu’elle est traversée par divers courants, car sa décision a été prise à la majorité des voix ce qui montre que ce parti applique la démocratie en son sein comme l’a fait le Destour à ses débuts.
L’ensemble de ces facteurs ont concouru à la sage décision par le plus important de nos partis.C’est réjouissant et encore une fois mes félicitations !
Le risque est que, dans la rue, Ennahdha ne parvienne pas à maîtriser ses partisans qui soutiennent ceux qui ont voté contre cette décision ou se sont abstenus.
Sur ce point, nous devons l’aider face au péril salafiste extrémiste. Poussons-là à ne plus inviter les prédicateurs étrangers de tous bords qui viennent nous « islamiser ». Demandons aussi à ceux qui sont partisans d’une liberté absolue de définir eux-mêmes les limites morales et éthiques à ne pas transgresser pour demeurer dans la philosophie de l’article un de la constitution de 1959.Que les médias ressortent les actions positives de la « Troika » sans s’abstenir de la critiquer si elle commet des erreurs.
Exiger, par exemple, aujourd’hui que la femme ait les mêmes droits en matière d’héritage que l’homme ou le droit de choisir librement un partenaire de même sexe, ce serait faire le lit de l'extrêmisme religieux erreur, ce serait ignorer le caractère majoritairement islamique de la société tunisienne. Nous ne faisons pas partie de l’Occident dont nous partageons plus d’une valeur mais nous avons notre identité.
Mokhtar El Khlifi