Hommage à ... - 01.04.2012
Ahmed Elleuch
Ahmed Elleuch qui s’est éteint samedi à l’âge de 85 ans est sans aucun doute le père du journalisme sportif à Radio Sfax. Il y a avait débuté dès son , il y a 50 ans, en décembre 1961 donnant à la retransmission en direct des matchs de football et des commentaires en studio, par la suite, une saveur qui reste encore gravée dans la mémoire. Le timbre de sa voix, les allégories qu’il utilisait pour traduire aux auditeurs les phases des jeux et les qualificatifs qu’il attribuait aux joueurs faisaient de ses reportages des pièces d’anthologie.
Jeune enseignant à l’école primaire de l’avenue d’Algérie, située entre le stade municipal qui prendra le nom de Taieb Mehiri, et l’ancien hôtel des Postes qui abritera les studios de Radio Sfax alors naissante, il avait programmé ses journées entre ses trois lieux, sans oublier une halte au Café de Tunis où se retrouvait la petite équipe des correspondants de presse. On y trouvait les Ali Baklouti, Abdelmajid Hajri, Rachid Ayadi et autres Mohamed Trigui. Emettant alors en ondes courtes et moyennes lui permettant de couvrir non seulement le Sud tunisien, mais aussi une grande partie de la Libye, voire même la côte égyptienne, ainsi que le Sud de l’Italie et de la France, Radio-Sfax étaient alors très écoutée. Les trois équipes sportives de la ville, à savoir le Club Sportif Sfaxien (CSS), le Sfax Railways Sport (SRS) et le Stade Sportif Sfaxien (3S) avaient leurs fans un peu partout. Les Touhami, Chabchoub, El Gaied, Najjar, Graja, Sassi, Dalhoum, Hajri, Frindo, Chakroun, Romdhane, Jerbi, Akid et autres Agrebi étaient au zénith. Le seul moyen alors de suivre leurs matchs était la radio. Ahmed Elleuch s’y mettra avec sa gouaille, son emportement, ses analyses et ses commentaires. Son émission qui se voudra la plus équitable possible ne manque pas cependant de trahir son penchant difficilement caché en faveur du CSS.
Il suffit qu’un arbitre pénalise injustement une équipe locale pour que la voix d’Ahmed Elleuch s’élève en toute indignation pour le dénoncer, au risque de faire déplacer des foules mécontentes au centre-ville pour de longues manifestations souvent difficiles à contenir. Dans cette posture de conscience en veille et de dénonciateur irréductible de toute injustice, il sera adulé par les auditeurs. Même après l’avènement de la télévision, il gardera toute son audience et tout son aura.
Au fil des ans, il renoncera à retransmettre lui même les matchs en direct, laissant à ses jeunes confrères de s’y exercer, mais gardera la direction de l’émission sportive de Radio Sfax, et surtout ses séquences de commentaires. Ce qui le distinguait de tous ses confrères y compris ceux de Tunis, c’est son élan littéraire. Ahmed Elleuch était en effet un écrivain talentueux. Auteur de romans structurés et textes littéraires ciselés, il a publié une bonne demi-douzaine de livres et tenu chronique dans nombre de revues littéraires ainsi que des journaux. Son sens de l’esthétique dans la prose et son goût pour le roman ajoutaient à ses reportages et commentaires une note littéraire de bonne facture.
Avec lui disparaît tout une génération de journalistes sportifs radiophoniques, mais aussi un genre qui lui était resté propre, inégalé. Sa voix raisonnera encore longtemps à l’oreille de tous ceux qui s’y étaient attachés.