News - 01.04.2012

Limogeage des PDG de l'INS et du CNI et nomination de nouveaux gouverneurs: la course à l'occupation des postes ?

Après l’Institut National de la Statistique (INS) et le Conseil National de la Statistique, (CNS) c’est au tour du Centre National de l’Informatique (CNI) de voir son PDG, Abdelhak Kharrazi, limogé, sans motif apparent. Ces remplacements s’ajoutent à une série d’autres nominations, notamment aux postes de gouverneurs plaçant à ces fonctions-clés des cadres d’Ennahda, ce qui a suscité de vives réactions tant au sein des partis de l’opposition que dans l’opinion publique. « Course à l’enracinement dans l’appareil de l’Etat et mainmise sur l’Administration et les régions» comme l’ont déploré nombre d’élus de l’opposition à l’Assemblée nationale constituante, ou encore une volonté de reprendre en main des instruments de première importance tels que l’INS et le CNI ?

Chargé notamment du recueil des indicateurs démographiques, sociaux et économiques et de l’élaboration de comptes de la nation ainsi que des indicateurs de conjoncture économique, l'INS constitue l’une des fiertés de la Tunisie et bénéficie de la haute appréciation des institutions internationales (ONU, FMI, Banque mondiale). Ses outils sont étalonnés et ses procédures certifiées. Tel un thermomètre, il produit l’information statistique de base que personne ne peut contester et laisse aux autres utilisateurs la possibilité de la traiter et de l’interpréter. Préserver son indépendance est crucial.
 
Le CNI aussi, étant « un des principaux opérateurs publics dans la concrétisation de la stratégie nationale du secteur de l’informatique et le principal appui aux structures publiques dans la réalisation, l’installation et l’exploitation des Systèmes d’Information ». Abdelhak Kharrazi et ses équipes s’étaient particulièrement échinés l’année dernière lors des élections du 23 octobre, tant au niveau de la mise à jour des fichiers électoraux à partir de ceux de la Carte d’Identité, qu’au niveau des différentes applications utilisées à cette occasion et l’intégration de l’ensemble du système. Une réussite technologique unanimement saluée. Alors pourquoi limoger Kharrazi au moment où la machine de l’ISIE, nous promet-on, est sur le point de se remettre en marche ? Plus que des interrogations, une véritable inquiétude que suscite cette décision énigmatique. Il en va de même quant au choix des nouveaux gouverneurs.
 
«Faut-il être d’Ennahda pour accéder à une haute fonction ?»
 
« Nous avons si longtemps souffert de la nomination aux postes de gouverneurs et autres positions clefs de figures du RCD que nous récusons aujourd’hui celle des cadres d’Ennahda » Issam Chebbi (PDP), n’était pas le seul à le dire fortement, vendredi après-midi sous la coupole du Bardo, lors du débat avec le gouvernement. « Nous attendions, avait-il ajouté, des mesures urgentes en faveur du développement et non une série de nominations dans une tentative par le parti majoritaire au pouvoir de mettre la main sur l’Administration ». Si Mouldi Riahi (Ettakatol), se contente de demander timidement quels sont les critères qui ont été appliqués dans le choix des gouverneurs récemment désignés, les représentants des autres groupes hors Troïka, n’ont pas gardé la langue dans la poche. Maya Jeribi, Mehdi Ben Gharbia et bien d’autres réclament la préservation de l’indépendance de l’Administration et une totale séparation entre les partis au pouvoir et le gouvernement.
 
Avant même que le ministre de l’intérieur, Ali Laareydh y donne sa réponse, des élus d’Ennahdha se sont empressés de justifier le choix du gouvernement. Pour Zied Daoulatli, « la fonction de Gouverneur étant hautement politique et non administrative surtout qu’il lui incombe de faire réussir l’action du gouvernement, il est tout-à-fait naturel que le gouvernement y nomme les siens. Nous n’avons vu dans aucune démocratie, la majorité au pouvoir désigner des préfets issus de l’opposition. Le symboles des malversations sont encore présents et le peuple demande l’accélération de l’assainissement». 
 
Walid Bennani ira plus loin. « Nous reprochons au gouvernement cette lenteur observée dans le remplacement des gouverneurs, délégués et omdas. N’hésitez pas à le faire le plus rapidement possible et dès que nécessaire, les séquelles du passé sont encore enracinées dan s l’administration : corruption et blocage». Il oublie que presque tous les gouverneurs ont été nommés après la révolution et n'ont rien à voir de près ou de loin avec l'ancien régime.
 
Autant, il a été clair et ferme sur la question des salafistes, affirmant ne tolérant aucune infraction à la loi, autant, le ministre de l’intérieur, Ali Laarayedh, n’était pas très convaincant sur la question des nominations. Il se contentera de dire que la porte est ouverte à tous les partis politiques pour présenter les candidats qu’ils estiment compétents et que des solutions seront trouvées aux délégués relevés de leurs fonctions après y avoir été recrutés l’année dernière parmi les jeunes chômeurs diplômés.