Nouvelle loi de finances 2012- quelques remarques
La nouvelle loi de finances de 2012 constitue une amélioration certaine par rapport à la loi initiale de 2012 et par rapport à celle de 2011 tant sur le plan de la forme que sur du fond.
Sur la forme, elle se présente comme un outil de mise en œuvre d’une politique économique et sociale du gouvernement. Même si elle ne se fonde pas encore sur un Cadre de Dépenses à Moyen Terme (CDMT) global traduisant les priorités d’une stratégie nationale de développement et sur des CDMT sectoriels traduisant les priorités intra sectoriels, elle exprime la volonté du gouvernement Jebali, suite aux consultations faites au niveau régional, de sortir de l’immobilisme économique actuel et d’impulser l’activité économique en répondant à des exigences sociales criantes. En ce sens, elle redonne à la politique budgétaire son rôle de levier de la politique macroéconomique du pays.
Sur le fond, elle se distingue par trois aspects importants. D’abord, elle se fonde sur des hypothèses plus réalistes que les précédentes. Le prix du baril de pétrole, estimé à 110 dollars US, est plus réaliste que celui de 100 dollars US, précédemment retenu, dans la conjoncture mondiale actuelle. Le taux de change du dollar, estimé à 1,5 dinar, est également plus réaliste. La baisse du taux de croissance projeté de 4,5 % à 3,5 % tient compte des difficultés dans les secteurs sensibles des phosphates et du tourisme mais aussi du potentiel de bonnes récoltes agricoles. Si certains pessimistes estiment que c’est un taux trop élevé qui ne sera jamais atteint, la réponse est qu’il faut se fixer un objectif raisonnablement ambitieux pour galvaniser les énergies des agents économiques.
Ensuite, elle met en exergue des dépenses d’investissements publics plus élevées que prévues en décembre dernier, en distinguant des montants spécifiques pour le développement régional (un milliard de dinars) pour l’emploi et pour l’habitat social.
Enfin, en incluant les dons et les produits des privatisations, le déficit budgétaire n’est pas aggravé, dépassant légèrement les 4 % du PIB projeté. A ce titre, l’utilisation de la partie restante de la privatisation de Tunisie Télécom est une bonne initiative. De même que les produits résultant de la confiscation des biens saisis par l’Etat. Il est à noter aussi que les dons de partenaires étrangers sont en hausse considérable, reflétant les dividendes de la Révolution.
Cependant, il faut relever que l’Etat se prive du gisement important de ressources que constituent les exonérations, accordées à droite et à gauche, à des promoteurs qui ne tiennent pas toujours leurs engagements de création d’emploi et/ou de gain en devises. Ces exonérations constituent en fait des dépenses fiscales ou des subventions dont le manque à gagner, aux niveaux douanier et fiscal, devrait être calculé. L’exécution des projets exonérés devrait faire l’objet d’un suivi strict par une cellule spécialisée au Ministère des Finances pour intervenir, en cas de non réalisation des engagements par les promoteurs bénéficiaires.
Au titre des subventions, il faut relever qu’avec la hausse du prix du baril de pétrole et le raffermissement du dollar US, la compensation des hydrocarbures demeure fort élevée, même si l’on tient compte de l’augmentation des prix à la pompe. Une telle augmentation est insuffisante et on devrait, pour l’essence au moins, refléter davantage les cours mondiaux. Le nombre de voitures est sans cesse en augmentation alors que la Tunisie ne produit pas de voitures. On devrait, à ce propos, serrer davantage les crédits à la consommation fournis par les banques. Au moment où les réserves de change sont en constante baisse, frisant bientôt l’équivalent de 90 jours d’importations, de tels crédits ne sont pas acceptables.
Quant aux investissements publics, ils demeurent nettement insuffisants. Ils le sont si l’on veut lutter efficacement contre le chômage. Ce n’est pas en intégrant 25.000 agents additionnels dans une fonction publique déjà pléthorique ou en accablant les fleurons parmi les entreprises publiques que sont la STEG, la SONEDE et Tunisie Télécom par des recrutements intempestifs, que l’on pourra lutter efficacement contre le chômage. Il faut investir, investir et investir. Et c’est l’Etat qui devrait donner l’exemple. Un secteur comme le développement rural qui mérite un intérêt particulier, de par son potentiel d’absorption de la main d’œuvre et de lutte contre l’inflation, demeure complètement négligé. On devrait commencer par l’investissement rural dans la région de Gafsa pour permettre au secteur des phosphates de reprendre ses activités au plus tôt. Une politique keynésienne est la réponse adéquate à la situation actuelle, comme l’ont fait les pays développés et les pays émergents, face à la crise financière et économique de 2008. Espérons que le gouvernement Jebali se lancera davantage dans cette direction.
Dr Moncef Guen