Opinions - 12.04.2012

« S'il vous plait ne nous laissons pas faire »

C’était le cri désespéré d’une mère qui avait décidé d’aller manifester le 9 avril sur l’avenue Habib Bourguiba. C’est avec son fils qu’elle est partie célébrer la fête des martyrs tunisiens, morts pour la patrie en 1938, et  ceux tombés le 14 janvier 2010 dans cette avenue, symbole de la résistance permanente du peuple contre toutes les formes de dictature.

C’était le cri désespéré d’une citoyenne tunisienne qui a cru, à tort, qu’elle était enfin libre, libre de penser, libre de défendre ses idées, libre d’être ce qu’elle est : moderne, instruite, combative et insoumise.

C’était le cri désespéré d’une femme qui est sur le point de  perdre définitivement ses illusions, et renoncer à jamais à ses  rêves pour son fils.

Alors, elle s’accroche dans un ultime cri dedésespoir  pour qu’on l’entende : « S’il vous plait, ne nous laissons pas faire »
 
Avec ses compatriotes, ils ont tous cru qu’en manifestant ce jour-là, dans cet endroit-là, ils allaient pouvoir enfin, après tant d’années de silence subi, témoigner toute leur reconnaissance aux martyrs et en profiter pour dire non à la discrimination qui frappe aujourd’hui une grande partie de la société tunisienne. Le but de ce rassemblement était principalement  celui de rendre, enfin, un hommage exceptionnel à tous ceux qui ont payé de leur vie et de leurs corps  pour que la Tunisie vive dans la dignité et la justice.

Hélas, ce qui devait être une commémoration historique s’est transformé en cauchemar.
Les manifestants qui croyaient avoir rompu définitivement avec la dictature et la violence policière (l’un n’allant pas sans l’autre) se retrouvent  interloqués devant un rappel - choc de « leur passé et de leur présent ».
Aussitôt réunis, les manifestants sont assaillis de toutes parts par une police au comportement barbare sans aucune commune mesure avec celui qu’elle affichait à la manifestation du 20 mars dernier.

Les manifestants se retrouvent, à leur grande surprise, sans défense, à la merci de policiers en tenue et de quelques individus en civil aux regards plein de haine et se croyant tout permis par la grâce de leurs barbes et  de leurs gourdins.

Cette violence qui s’est déchainée tout d’un coup contre une partie spécifique de notre peuple, ceux que l’on nomme dans les coulisses du pouvoir « les renégats », à été  orchestrée par ceux qui nous gouvernent  pour rappeler à l’ordre  tous ceux qui refusent de rentrer dans un certain moule et refusent le retour en arrière toute, sous couvert de force de loi.

Comme par hasard, les cibles privilégiées d’attaques sont ceux qui n’ont jamais renié leurs idées. Ceux dont on est fiers et qui pèsent dans la société tunisienne et qui ont beaucoup donné et beaucoup subi :Hamma Hammami, qui n’arrête pas d’être persécuté depuis des décennies et qui n’est toujours pas sorti de l’auberge, Jawhar Ben Mbarek fracassé jusqu’à la fracture, Samir Taieb, Ksila et bien d’autres dont beaucoup de femmes anonymes que l’on a vues en sang, trainées sans pitié dans les rues.
Notre triste histoire ne cesse de  se répéter, et nos militants d’encaisser.

Leurs crimes, ces patriotes-là, c’est d’être de gauche ou d’être laïque ou d’être moderniste ou d’être simplement des citoyens modérés. Est-ce un crime de ne pas avoir de barbe, de ne pas porter le hijab ou le niqab, et de circuler sans un coran sous les bras ? Le coran est un livre Saint à ma connaissance, il doit être respecté et non pas utilisé comme un tract politique.

Hélas, le gouvernement a prouvé encore une fois que ses enfants gâtés  ne sont pas ceux qui  luttent avec les plumes, les mots et les idées, mais ceux qui brandissent sabres, bâtons et drapeaux noirs et menacent notre avenir. Eux on ne les traque pas, on ne les inquiète pas, on ne les punit pas et on ne les  cherche même pas.

Les autres,on les surveille, on condamne leurs idées, leur apparence, leur mode de vie même les mots dérivés du mot LIBERTE leurs sont interdits d’écriture sinon la condamnation sera sans appel.

Latifa Moussa