La descente de Marzouki au marché de gros suffit-elle pour combattre la spéculation
Flambée vertigineuse des prix des fruits et légumes, sans justification réelle, et qui ne profite ni aux producteurs agricoles, ni aux détaillants et encore moins au consommateur final La mercuriale s’affiche en effet au zénith, cachant à peine les spéculateurs qui en tirent les ficelles. La visite opinée effectuée jeudi tôt le matin par le président de la République, Moncef Marzouki, au marché de gros de Bir Kassaa, est venue souligner l’ampleur du phénomène. Quels constats établis et quelles mesures urgentes doit prendre le gouvernement ? A elle seule, la visite ne suffit qu’à tirer encore plus la sonnette d’alarme. Le consommateur, mais aussi l’agriculteur, attendent du concret.
Il devient en effet quasiment clair que l'inflation galopante que nous observons de jour en jour est en grande partie imputable à une manœuvre de manipulation délibérément orchestrée par une chaîne qui commence avec des intermédiaires-spéculateurs s'employant à assécher le marché des fruits et légumes, pour faire flamber les prix, avec notamment une prise d’assaut de la production sur les sites agricoles et stockage dans des dépôts. Ils sont relayés par des intermédiaires-revendeurs pour les marchés extérieurs, qui s'activent à rafler la marchandise à des prix élevés, surtout quand le marché est demandeur à tout prix A cela s’ajoute, pour d’autres produits et biens d’équipement, la facilité des crédits à la consommation, qui continuent à être accordés aux particuliers, au détriment des entreprises, ce qui stimule la demande en biens ménagers.
La synchronisation de ces trois phénomènes est-elle le résultat d’un pur hasard ? Bien au contraire, l’impression générale laisse présager une coordination entre ces 3 leviers. Leur conjonction érode sérieusement le pouvoir d'achat.
Comme conséquence, une persistance de l’envolée des prix est à craindre, pouvant causer le détachement vers le bas de la classe moyenne et l'amplification de l'exaspération de la classe pauvre qui ne s'en sort plus. Bien sûr, les conséquences pourraient très graves, voire plus que catastrophiques.
Le marché de gros de Bir Kassaa, comme a pu le constater, Marzouki, affiche ces derniers temps une baisse inexplicable des apports en produits frais, un renchérissement abusif des prix de fruits et légumes et une dégradation de la qualité moyenne des produits distribués.
D’après certains grossistes, le phénomène d’approvisionnement du marché libyen n’est pas le principal facteur provoquant la flambée des prix de fruits et légumes. En revanche, ils pointent du doigt les intermédiaires (Mandataires et relais, soit Habbatas et Gacharas) qui s’activent à conserver le monopole d’approvisionnement auprès des fermes agricoles, détourner une partie de la production agricole du circuit formel, à des fins spéculatives et sur-stocker les produits détournés, en vue de créer la pénurie.
Ce que le consommateur attend du ministère du Commerce
Jusque-là, le ministère du Commerce qui a promis de renforcer le contrôle général, notamment celui des circuits commerciaux et des prix, n’a pu que fixer le prix des œufs, s’engageant à faire autant, d’ici quelques jours pour la pomme de terre et les viandes, rouges et blanches. Mais, le plus important, c’est de mettre en place un véritable plan d’action efficace. Tout en jouant pleinement son rôle de régulateur du marché (quantité et qualité) et des prix, le ministère aura une mission cruciale à accomplir, le plus tôt possible, sans attendre la saison estivale et le ramadhan. Un comité de pilotage est nécessaire à constituer sous la présidence du ministre du Commerce, quitte à le réunir d’urgence en cas de besoin, mais au moins une à deux fois par semaine pour suivre de près la situation et décider des interventions appropriées. Des indicateurs précis quant aux apports et prix doivent faire l’objet d’un reporting quotidien, publié sur les sites officiels du ministère et de la Sotumag, gestionnaire du marché de gros de Bir Kassaa, et diffusé aux médias.
Aussi, l’inspection systématique des carreaux de vente des différents halls est indispensable, tout comme la sensibilisation des intervenants au marché de gros quant aux risques qu’ils encourent en cas d’infraction à la réglementation en vigueur.
« En ultime recours, si nécessaire, recommande un consommateur désabusé, il ne faut pas hésiter à démasquer publiquement ces gros bonnets qui profite de la sueur des agriculteurs et pillent le couffin de la ménagère et son portefeuille, et les faire comparaître devant les médias. » Faut-il en arriver là ?