Ennahdha: 50 000 adhérents élisent leurs 1103 représentants au IXe congrès
Deux phases cruciales dans la préparation du IXeme congrès du parti Ennahdha, prévu la première quinzaine de juillet prochain à Tunis, sont sur le point d’être bouclées : l’élection des congressistes et la formulation des projets de motion. Pour ce premier congrès du genre qui se tient en Tunisie après 24 ans de clandestinité (le dernier était organisé en Europe en 2007), les 264 unions locales (dans chaque délégation), terminent ce dimanche, dans un premier tour, l’élection de leurs représentants à l’issue d’un long marathon à travers l’ensemble du pays. Participent au vote tous les adhérents encartés avant le 31 octobre 2011. Les élus de base entreront alors dans un deuxième tour au niveau des régions, afin de choisir les élus de chaque gouvernorat, déclare à Leaders, Riadh Chaaïbi, président du comité d’organisation du congrès.
Au total, le congrès sera formé de 1103 représentants issus des régions, des communautés tunisiennes à l’étranger, des instances dirigeantes et des catégories, comme le stipule le nouveau règlement intérieur adopté par le conseil constitutif du parti. Si la règle retenue est de réserver un représentant par groupe d’adhérents allant jusqu’à 2500 membres, deux grandes questions cruciales s’étaient posées pour déterminer les quotas à allouer, en évitant un grand déséquilibre, s’agissant, d’un côté, de garantir un nombre minimal équitable pour toutes les régions et, de l'autre, une représentation effective des adhérents établis dans chacun des 43 pays où ils résident. La décision a été prise de garantir 16 sièges de facto à chacun des 24 gouvernorats, ainsi qu’à l’Université, soit 400 au total, et d’y ajouter 450 sièges en faisant jouer la règle d’un élu pour 2500 adhérents, ce qui totalisera 850 congressistes. C’est ainsi, estime Ennahdha, que la disparité entre les régions sera réduite, le gouvernorat le plus fourni (Tunis), aura entre 120 et 130 représentants et le moins fourni (Zaghouan) avec près de 30 élus. 103 sièges sont réservés pour l’étranger, certains congressistes viendront de contrées lointaines, comme l’Australie et la Nouvelle Zélande, précise Chaaibi. Quant aux membres du Bureau exécutif, du gouvernement et du groupe parlementaire, ils seront congressistes d’office.
A combien s’élève au juste le nombre d’adhérents d’Ennahdha ? « C’était jadis un sujet hautement confidentiel, pour les évidentes considérations de sécurité, rappelle Riadh Chaaïbi. Mais, aujourd’hui, le parti s’installe dans la transparence et peut le dire. S’agissant des adhérents inscrits jusqu’au 31 octobre derniers, nos registres mentionnent près de 50 000 adhérents. Nous attendons la fin de toutes élections locales, d’ici quelques jours, pour affiner le chiffrage final ». Et qu’en est-il, des nouveaux ralliés après les élections ? « Difficile à dire avec précision, répond-il. Nous le saurons bientôt, pour chaque mois. Mais, ces des milliers ».
« Souligner la nouvelle dimension d’Ennahdha »
Si le lieu retenu pour abriter les travaux dans la capitale n’est pas encore définitivement fixé (Le Kram ?), les grandes lignes du programme sont dessinées. Une cérémonie officielle d’ouverture, permettant à un grand nombre d’invités d’honneur, venant de nombreux pays de s’adresser aux congressistes, meublera la première journée. « Historique à tous les niveaux, explique Chaaibi, nous avons voulu faire de notre congrès une étape politique marquante entre le scrutin du 23 octobre et l’adoption prochaine de la nouvelle constitution, soulignant toute la nouvelle dimension d’Ennahdha. C’est pour cela que nous y avons convié d’illustres invités».
Au cœur des questions inscrites à l’ordre du jour, trois grands thèmes, à savoir : nos choix fondamentaux au sein de l’Assemblée nationale constituante, l’action du gouvernement et les préparatifs pour les prochaines échéances électorales. Autant de questions fondamentales qui se posent avec acuité et nécessitent des échanges approfondies
Les grands enjeux du congrès
Le débat sur les projets de motions ainsi que l’élection des nouvelles instances dirigeantes constituent sans doute également es véritables grands enjeux du congrès. Mais, auparavant, Ennhadha procèdera-t-elle à l’exercice promis d’autocritique et d’évaluation de son parcours? Pour Ridha Chaaibi: «Evaluation oui, autocritique détaillée, c’est-à dire, nous arrêter pour faire l’inventaire, le temps alloué risque et la charge des responsabilités qui nous incombent risquent de ne pas nous laisser nous y étendre longuement. D’autant plus que nous avons mis à l’intérieur du mouvement un processus permanent d’autocritique et de recentrage. Mais, il faut toujours tirer enseignement de l’expérience passée».
Quant aux motions, elles seront au nombre de quatre, indique Chaaibi. D’abord, la motion politique qui couvre en fait l’ensemble des choix politiques et économiques, notre vision pour ce qui est de la société civile, des syndicats, des médias, et autres. La deuxième, est celle sociétale devant s’articuler sur la réforme de l’enseignement, la question religieuse, le phénomène salafiste, la femme, la jeunesse, etc. La troisième motion est relative à la vie interne du parti et se consacre à l’élaboration des nouveaux statuts et règlement intérieur, la restructuration, les relations avec les différentes instances et composantes, etc. Quant à la quatrième et dernière motion, il s’agit de la motion générale qui consignera les références intellectuelles et politiques du mouvement, nos choix stratégiques, notre vision du pouvoir et de la manière de diriger le projet sociétal ».
Comment se dessinent actuellement les tendances au sein d’Ennahdha, tant au niveau de la direction qu’au sein des bases ? D’après Chaaibi, « les grandes orientations générales partagées avec les adhérents suscitent diverses opinions que les congrès locaux et les réunions au niveau des groupes de travail formés pour l’élaboration des projets de motions permettent de mettre en cohérence. L’option générale est de constituer un parti national fédérateur et non un groupe revendiquant une idéologie propre. La dictature déchue a laissé émerger un grand vide politique et le parti qui réussira à rallier le plus grand nombre possible de Tunisiens et occuper les nouveaux espaces sera le mieux apte à gouverner le pays. C’est dans cette perspective que nous agissons, en faisant baisser le seuil idéologique, assouplir les critères d’adhésion, ouvrant Ennahdha à tous ceux qui présentent les qualités morales requises et adhèrent à nos orientations ». A titre d’exemple, il rappelle qu’u tout début, les fumeurs n’étaient pas admis au sein du parti, tout comme les femmes non-voilées, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.
Dans ce "grand dessein centriste" et pas nécessairement de parti religieux pour lequel la direction Ennahdha semble avoir opté, les bases les plus réticentes finiront-elles par suivre ? La conversion en parti moderniste du centre est-elle l’expression d’une réelle détermination ? Et sera-t-elle possible ? Il va falloir attendre le congrès pour en obtenir les premières réponses.